Pas de lien entre canagliflozine et amputations, selon une vaste étude observationnelle

Marine Cygler, Miriam E.Tucker

Auteurs et déclarations

5 juillet 2018

Orlando, Etats-Unis – La canagliflozine (Invokana®, Janssen) ne serait pas associée à une augmentation du risque d'amputation au-dessous du genou, selon une étude observationnelle sur plus de 700 000 patients atteints de diabète de type 2. De façon surprenante, ces données de terrain vont à l’encontre des résultats des essais randomisés CANVAS .

Les résultats de l'étude OBSERVE-4D, qui a comparé le risque d'amputation au-dessous du genou associé à la canagliflozine à celui d'autres antidiabétiques en vie réelle, ont été présentés lors de la session des late-breaking posters du congrès de l'American Diabetes Association (ADA) 2018 [1] par le Dr John Buse (Diabetes Center, University of North Carolina School of Medicine, Chapel Hill).

Dans cette étude, réalisée grâce à quatre bases de données américaines, il n'a pas été observé de sur-risque d'amputation parmi les patients prenant de la canagliflozine, en comparaison avec ceux prenant d'autres inhibiteurs des SGLT2 ou d'autres médicaments hypoglycémiants. Des résultats similaires sont reportés pour le sous-groupe de patients diabétiques atteints aussi d'une maladie cardiovasculaire.

De plus, chez les patients prenant de la canagliflozine ou d'autres inhibiteurs des SGLT2, il y a une baisse des hospitalisations liées à une insuffisance cardiaque.

Pour mémoire, l'inquiétude concernant les amputations possiblement liées à la prise de canagliflozine avait été confirmée par les résultats finaux du programme CANVAS , qui concluait à un sur-risque d'amputation au-dessous du genou multiplié par deux à trois chez les patients sous canagliflozine[2]. Et ce malgré un risque absolu bas (6,3 vs 3,4 cas pour 1000 patient-années).

Avant même ces résultats, présentés l'année dernière lors du congrès de l'ADA, la Food and Drug Administration (FDA) et l'European Medicines Agency (EMA) , se fondant sur les résultats avaient décidé que des avertissements sur le risque d'amputation seraient inscrits sur les boîtes des médicaments.

A ce jour, aucun signalement concernant les autres inhibiteurs SGLT2 n'a été rapporté.

Les amputations, l'ombre au tableau

Lors de la conférence de presse qui s'est tenue à Orlando, le Dr Buse a souligné les bénéfices rénaux et CV de la canagliflozine. Dans l'étude CANVAS, les événements CV étaient diminués de 14 % et l'insuffisance rénale de 40 %.

« Les inhibiteurs SGLT2 sont une classe de médicaments exceptionnellement prometteuse. Alors que probablement 60 à 70 % des patients atteints d'un diabète de type 2 mourront d'une maladie CV, d'une insuffisance cardiaque ou rénale, cette classe de médicaments réduit substantiellement ces problèmes », indique le Dr Buse.

Il a toutefois reconnu que « les amputations des extrémités étaient « le cheveu dans la soupe » malgré les résultats très, très intéressants des essais cliniques et des observations en situation réelle ».

Invité à faire un commentaire, le modérateur, le Pr Robert H. Eckel (University of Colorado Anschutz Medical Campus, Aurora) a indiqué qu'il pensait que les données rétrospectives en situation réelle apportaient certes des informations mais qu'elles étaient insuffisantes pour en tirer une conclusion. « Je pense qu'il faut rester vigilant ».

« Je vois cela comme un effet de classe. Je pense qu'il y a quelque chose, mais cela n'affecte pas ma prescription, et ce n'est pas parce que j'ai un conflit d'intérêt avec Janssen », a-t-il précisé.

Le Dr Buse a indiqué que les amputations observées dans l'étude CANVAS concernaient des patients qui avaient des facteurs de risque pour l'amputation, tels que des amputations antérieures, une maladie vasculaire périphérique, une neuropathie sévère ou encore une hémoglobine glyquée haute.

« Devant un patient déjà amputé, si j'ai le choix d'un inhibiteur SGLT2, je choisirai celui qui n'a pas de risque d'amputation. Je serais fou de faire autrement ».

Cependant, « je pense que pour ceux qui ont du diabète et qui ne présentent pas de risque d'amputation, et en particulier les patients qui ont une maladie CV pour lesquels les bénéfices sont énormes, nous devons aider [les cliniciens] à être à l'aise avec l'idée que les bénéfices surpassent de loin les risques ».

Le Dr Eckel ajoute que bien sûr, pour tous les patients, les cliniciens doivent évaluer les lésions des pieds et réaliser un test de la sensibilité.

« Ce sont des stratégies importantes pour le médecin afin d'identifier les patients atteints de neuropathie et/ou d'une maladie vasculaire périphérique. Cela devrait être la routine, et il existe des recommandations pour comment cela devrait être fait ».

Mais, les Dr Buse et Eckel indiquent tous les deux qu'à cause des avertissements, les médecins sont obligés de parler des amputations à leurs patients, quel que soit leur risque personnel. 

Aucune amputation chez plus de 700 000 patients

L'étude OBSERVE-4D s’appuie sur les données anonymisées de quatre bases de données américaines parmi lesquelles 142 000 nouveaux usagers de canagliflozine, 110 000 usagers d'autres inhibiteurs SLGT2, et 460 000 usagers d'autres médicaments qui font baisser la glycémie, avec une exposition médiane au traitement inférieure à six mois.

Les hazard ratios (HR) pour l'amputation avec la canagliflozine sont de 0,75 (P=0,30) en comparaison avec toutes les molécules non inhibitrices SGLT2 et de 1,14 (P=0,53) en comparaison avec les autres inhibiteurs SGLT2. Parmi les patients avec une maladie cardiovasculaire établie, ces HR sont respectivement de 0,72 (P=0,29) et de 1,08 (P=0,85).

Dans le même temps, la canagliflozine est associée à une diminution du risque d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque, avec des hasard ratios de 0,39 (P=0,01) pour la canagliflozine versus toutes les molécules non inhibitrices SGLT2 et de 0,90 (P=0,28) pour la canagliflozine versus les autres inhibiteurs SGLT2.

Pour les patients avec une maladie cardiovasculaire établie, ces HR sont respectivement de 0,44 (P=0,00) et de 0,70 (P=0,06).

Le Dr Buse reconnaît que le faible nombre de patients dont le suivi est supérieur à six mois est une limitation, qui nécessite qu'une étude supplémentaire se penche sur cette question.

Ceci dit, le spécialiste indique que dans l'étude CANVAS le risque d'amputation émerge clairement dans les six premiers mois. « Je pense donc que s'il y avait de réelles différences dans les risques d'amputation, nous les aurions déjà vues. Ce n'est pas le dernier mot sur le sujet, mais certainement le plus important ».

Globalement, « je pense que pour les patients à haut risque [d’amputation]… on doit vraiment y réfléchir à deux fois ».

« Mais pour les personnes ayant déjà une maladie cardiovasculaire, et en particulier celles atteintes d’une insuffisance cardiaque, le bénéfice est énorme ».

 
Pour les patients à haut risque [d’amputation]… on doit vraiment y réfléchir à deux fois. Mais pour les personnes ayant déjà une maladie cardiovasculaire, le bénéfice est énorme  Dr John Buse
 

 

Le Dr Buse a des intérêts avec Adocia, ADA, Astra Zeneca, Dexcom, Elcelyx, Eli Lilly, Fractyl, Intarcia, Lexicon, Metavention, National Institute of Diabetes and Digestive and Kidney Diseases, National Institute of Environmental Health Sciences, NovaTarg, Novo Nordisk, Sanofi, Shenzhen Hightide Biopharmaceutical, VTV Therapeutics, Boehringer Ingelheim, Johnson & Johnson, National Center for Advancing Translational Sciences, National Heart, Lung, Blood Institute, Patient-Centered Outcomes Research Institute, et Theracos. Le Dr Eckel a des intérêts avec Sanofi, Regeneron et Novo Nordisk.

 

 

 

 

 

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