Suicides des jeunes médecins : la liste s’allonge encore

Jean-Bernard Gervais

Auteurs et déclarations

28 juin 2018

France – Deux nouveaux suicides rappellent que le mal-être des tout jeunes médecins, internes ou pendant leurs premières années d’exercice, reste un problème prégnant. Après l’Intersyndicale nationale des internes (ISNI), c’est au tour de l'Intersyndicat national des chefs de clinique et assistants (ISNCAA) d’interpeller les Autorités. Mais les réponses du ministère tardent à venir.

Immense tristesse

« C’est avec une immense tristesse que l’ISNCCA a appris le décès par suicide d’un jeune assistant orthopédiste qui exerçait au CH de Castres » pouvait-on lire le 20 juin dernier dans un communiqué daté du 20 juin dernier. Et l'Intersyndicat national des chefs de clinique et assistants (ISNCAA) de poursuivre : « Ce décès brutal vient malheureusement s’ajouter à celui d’une jeune gynécologue oncologue exerçant au Centre de Lutte Contre le Cancer (CLCC) Paul Strauss à Strasbourg il y a moins d’une dizaine de jours ». Et, en effet, le 8 juin dernier, le Dr Stéphanie Jost, chirurgienne se donnait la mort dans son bureau à l'âge de 34 ans. Les raisons de ces suicides ne sont pour l'heure pas connues. Il n'empêche : pour l'ISNCAA, « il n’est plus possible de voir s’égrainer de telles tragédies sans s’assurer que tous les facteurs précipitants n’ont pu être évités. Parmi ceux-ci, on retrouve entre autres la fatigue accumulée, le manque de soutien de la hiérarchie et un encadrement insuffisant. De plus, en participant à l’enquête santé mentale des Jeunes Médecins, l’ISNCCA a montré que cette population était particulièrement vulnérable avec notamment la présence d’une symptomatologie dépressive avec idéation suicidaire chez près de 25% des interrogés ».

 
Il n’est plus possible de voir s’égrainer de telles tragédies sans s’assurer que tous les facteurs précipitants n’ont pu être évités ISNCCA
 

Echec collectif

Ces deux suicides récents ne sont pas sans rappeler la « vague » de décès en 2017 chez les internes. L'Isni comptabilisait une dizaine d'internes qui se seraient supprimés entre janvier 2017 et janvier 2018. A cela il faut ajouter des morts inexpliquées, comme le titrait Libération fin janvier. En décembre, un interne s'endort au volant de sa voiture, sur l'autoroute, après une garde difficile. En janvier, un interne de médecine générale succombe à une crise cardiaque dans un service de gériatrie à Strasbourg.

L’un de ces suicides, celui de Marine, jeune interne en dermatologie, avait d’ailleurs conduit l'Isni à adresser une lettre ouverte à la ministre de la santé, Agnès Buzyn. « Le suicide de Marine, dernier d’une trop longue série ne fait que révéler une fois de plus, chaque fois de trop, l’échec de notre rôle de protection », déplorait le syndicat. En regrettant l'échec "collectif" du système de prévention : « Cet échec collectif est celui du système de prévention qui ne fonctionne pas suffisamment, celui de l’administration qui n’a pas les ressources pour maintenir des conditions de travail humainement tenables, celui de la grande famille de la santé dont les membres, déjà tous à bout, n’ont pas su ou pu percevoir la souffrance à temps ». Et l’Isni d’ébaucher un plan de prévention pour prévenir tout nouveau drame : « Nous devons instiller l’idée que le bien-être est possible dans notre exercice [...] Nous devons anticiper les risques avant que le mal-être ne survienne [...] Nous devons contrôler les abus sur le temps de travail, tant dans sa qualité que sa quantité [...] Nous devons repérer les premiers signes de mal-être ».

Un constat mais quelles initiatives ?

Comme pour circonscrire le mal, les études, enquêtes sur le sujet s'accumulent. En 2017, quatre syndicats de jeunes médecins (ANEMF, ISNI, ISNAR-IMG et  ISNCCA) rendaient publique une étude sur leurs conditions de travail aux résultats consternants : 27,7% des répondants souffrent de dépression et 23,7% ont des idées suicidaires.

Une étude du professeur Donata Marra sur la qualité de vie des étudiants en santé avait, quant à elle, confirmé que  « le secteur de la santé et de l’action sociale présente le taux de mortalité par suicide le plus élevé (34,3/100000) » et fait état de prise d'initiatives pour prévenir le suicide chez les jeunes médecins comme la mise en place d’un dispositif d’écoute et d’aide à l’adressage pour une prise en charge pour les internes en difficulté (SOS SHIPS).

Tout dernièrement, le ministère de la santé a édicté un plan d'actions pour le bien-être des étudiants en santé. Qu’il faudrait, semble-t-il, élargir aux jeunes professionnels de santé en poste…

 

Même malaise outre-Atlantique

Une étude présentée au congrès annuel de l'American psychiatric association révélait que les Etats-Unis enregistrent un suicide de médecin par jour. Avec un nombre de suicides de 28 à 40 pour 100 000 habitants, le taux de suicide chez les médecins est le double de celui de la population générale. 12% des hommes médecins seraient dépressifs et 19,5% des femmes médecins. Chez les étudiants en médecine, la dépression concernerait entre 15% et 30% d'entre eux. Voir aussi Dépression, comportements autodestructeurs et suicide des médecins : témoignages

 

 

 

 

 

 

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