Enregistré le 23 mai 2018, à Paris, France
En direct du congrès EuroPCR 2018, Hélène Eltchaninoff (CHRU de Rouen) et Josep Rodés-Cabau (Institut de cardiologie de Québec) discutent l’actualité des TAVI à l’EuroPCR : nouvelles études sur la durabilité des valves, et traitement antithrombotique après implantation.
TRANSCRIPTION
Josep Rodés-Cabau — Bonjour, je suis Josep Rodès-Cabau, de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, à l’Université Laval, et je suis ici au congrès EuroPCR 2018, à Paris, avec Hélène Eltchaninoff de l’hôpital universitaire de Rouen. Nous allons discuter des différents aspects du monde des TAVI qui ont été présentés cette année au EuroPCR et j’interrogerai Hélène, qui a récemment publié une étude sur la durabilité des valves percutanées après cinq ans. Il n’y a malheureusement pas beaucoup d’études, et c’est pour cela que c’est un thème très important. À ce congrès, Hélène, il y a une présentation sur l’étude NOTION, après cinq ans, qui a apporté des données sur la durabilité des valves percutanées et chirurgicales.
Durabilité des valves : les études récentes
Hélène Eltchaninoff — Oui. Effectivement, c’est un domaine qui devient intéressant parce qu’on commence à voir des données au-delà de cinq ans – c’est tout récent. Et ce d’autant que les études chez les patients à bas risque, donc plus jeunes, sont en cours, c’est donc une question qui se pose maintenant en 2018. En étude randomisée, la première qui a été présentée avec des résultats au-delà de 5 ans était NOTION[1] justement, avec une comparaison entre chirurgie et TAVI, avec les valves autoexpandables. On a les résultats à six ans : en termes de survie les données sont comparables, mais là, ce qui est intéressant, c’est qu’on a les données échographiques et donc de durabilité, de dégénérescence de bioprothèses – on connaît la dégénérescence de bioprothèses des valves chirurgicales, mais c’est vrai que tout le monde attend celle des valves percutanées. Pour les chirurgiens, la dégénérescence est le taux de réintervention – combien de patients doivent être réopérés ou doivent avoir un TAVI. Dans cette étude, les taux de réintervention sont comparables finalement entre les bioprothèses chirurgicales et le TAVI. Mais si on regarde plus près – c’est-à-dire ce que dans le monde du TAVI on considère comme plus important, puisque plus fiable, l’échographie, vraiment regarder la progression de l’élévation du gradient, une nouvelle insuffisance aortique, les changements du gradient par rapport à la base –on voit que c’est finalement rassurant à distance. Enfin, il y a des détériorations à six ans avec les deux types de valves, et de façon un peu surprenante, dans cette étude il y en a même plus avec les bioprothèses chirurgicales, ce à quoi on ne s’attendait pas. Mais ce qui compte pour le patient, c’est que la nécessité de réintervenir pour une dégénérescence est très rare pour les deux groupes.
Josep Rodés-Cabau — Pour les deux groupes de patients. Il faut remarquer quand même que dans NOTION, la particularité importante est qu’ils avaient inclus des patients à bas risque chirurgical…
Hélène Eltchaninoff — Oui.
Josep Rodés-Cabau — … qui sont les patients qui, probablement, dans les prochaines années vont être de plus en plus traités et pour lesquels la question de la durabilité va devenir une question clé au moment de choisir le traitement. Dans à votre étude[2], avez-vous des résultats similaires ? C’est une étude avec une durée de suivi qui est même plus importante.
Hélène Eltchaninoff — Oui, parce que nous on a repris tous nos patients implantés entre 2002 et 2011, pour avoir au moins un suivi théorique de plus de cinq ans – on a 380 patients à peu près. La seule différence est que nos patients étaient très malades. C’est-à-dire des patients du début qui étaient compassionnels et à haut risque et un très grand nombre sont morts avant même d’avoir montré des signes de dégénérescence ou quoi que ce soit. Mais si on prend les survivants – on a même une patiente qui a atteint 11 ans – on a, finalement, un taux de réintervention pareil, qui est très faible : on a que deux patients qui ont présenté une dégénérescence sévère, qui ont nécessité une réintervention, et on a un peu de dégénérescence infraclinique sur les données échographiques, mais aucun signe alarmant. Et depuis, un mois plus tard, a été publiée dans EuroInterventionune autre série, allemande[3], qui montre aussi un taux de réintervention du même ordre que nous, à peu près 1–2 % et aussi des dégénérescences infracliniques de l’ordre de 14 %. Et un papier encore plus récent qui vient d’être accepté avec la « self-expandable » où eux, à sept ans, aucune dégénérescence du tout, même infraclinique. Donc en tout cas, il n’y a pas vraiment d’alerte.
Josep Rodés-Cabau — Ce sont des données rassurantes. On avait vu l’étude PARTNER à cinq ans qui était déjà rassurante, mais c’est vrai que dans les premiers cinq ans, tu ne t’attends pas à trop de problèmes majeurs, de failles structurelles de la valve. Mais à partir de cinq ans, il semble que les données soient rassurantes jusqu’à présent, alors cette manipulation de la valve percutanée, qui est un peu plus agressive, quand même, que la manipulation de la valve chirurgicale – on dit cela avec précaution – ne semble pas avoir un effet négatif trop important sur la durabilité de la valve. Il y a eu, bien sûr, la présentation de différents modèles de valve TAVI. Moi, il y a une chose sur laquelle je voudrais avoir ton avis : c’est sûr que dans le futur on va traiter des patients jeunes, des bas risques ; on aimerait la possibilité d’avoir des valves qui sont complètement recapturables, que lorsqu’on les a implantées, on a une deuxième chance de les changer, parce que peut-être on s’est trompé de grandeur de valve, parce qu’il y a un problème avec la coronaire, etc. Alors, qu’est-ce que tu en penses ? Parce qu’actuellement on arrive à des valves percutanées qui sont très performantes par rapport à l’insuffisance résiduelle, à la fuite paravalvulaire, mais que penses-tu de ce nouveau modèle de valve ? Comme je l’ai dit, je présente un modèle, demain, qui est la valve Meridian ® (HLT Inc), mais il y en a d’autres qui vont apparaître – il y avait la Lotus™ (Boston Scientific), qui actuellement est en stand-by – Ton avis sur ce concept de recapturabilité ?
Hélène Eltchaninoff — Je pense que chez les patients à bas risque qui pourraient donc être opérés, on veut vraiment un bon résultat. C’est capital, à la fois sur le long terme, parce qu’on veut que ce soit comparable à la chirurgie puisqu’ils pourraient être opérés, et sur les taux de complications immédiates, les AVC, l’insuffisance aortique, les coronaires. Ce qu’il faudrait, c’est une valve idéale, qui permette de n’avoir quasiment aucune de ces complications. Donc pourquoi pas une valve recapturable ? En sachant que moins on fait de manipulations, mieux c’est. C’est-à-dire qu’il faut une sorte de compromis entre les deux, il ne faut pas qu’on ait justement à refaire plusieurs tentatives, parce que chaque fois qu’on manipule, on a quand même un risque de mobilisation de ce qu’il y a sur les feuillets, que ce soit du thrombus ou des calcifications. Donc en tout cas c’est normal qu’il y ait un champ d’investigation pour essayer de trouver un modèle encore plus performant que les valves actuelles pour des patients qui sont à bas risque, je suis d’accord.
Josep Rodés-Cabau — …mais qui ne devrait pas compromettre les aspects dont on a parlé au niveau de la performance, des gradients, des fuites paravalvulaires, etc. Ça devrait être au moins comparable avec les valves qu’on a actuellement.
Traitement antithrombotique après implantation d’une valve percutanée
Josep Rodés-Cabau — Il y a eu aussi beaucoup d’interventions et de sessions sur le traitement antithrombotique qu’on doit administrer après avoir implanté une valve percutanée. C’est un domaine qui vous a intéressé vous et votre groupe. Nous avons aussi été très intéressés, surtout parce que c’est un aspect qui a évolué de façon très empirique, sans vraiment presque aucune donnée qui supporte, je dirais même, les recommandations qui sont actuellement dans les guidelines. Alors je ne sais pas ce que tu en penses et comment tu vois le futur – il y a plusieurs études en cours qui comparent une thérapie antiplaquettaire double, un seul antiplaquettaire, mais il y a aussi des études beaucoup plus agressives qui vont essayer de démontrer qu’anticoaguler tous les patients de façon systématique après un TAVI pendant un an, c’est avantageux par rapport au traitement antiplaquettaire, avec des endpoints combinés des événements ischémiques et de saignement. Quelle est ta perception ?
Hélène Eltchaninoff — Je pense que c’est un domaine qui mérite investigation et il y a effectivement plusieurs études randomisées importantes en cours. Donc pour l’instant, on n’a pas la réponse. Je pense que c’est un domaine important parce qu’il y a des cas de thrombose – enfin, on en a tous constaté – qui montrent à quel point il est important de suivre nos patients. C’est-à-dire qu’il faut leur faire des échographies, parce que cela peut être une simple élévation du gradient qui nous fait évoquer la thrombose. Il y a aussi des constatations, comme pour la dégénérescence, il y a des constatations infracliniques au scanner dont on ne connaît pas trop les conséquences. On sait aussi que ceux qui sont sous anticoagulants ont moins de thromboses – on sait que la thrombose peut donner des emboles dont en partie cérébraux, donc je pense que c’est un domaine qui forcément mérite un intérêt, mais que les études sont en cours. Après, effectivement, on a quand même une population qui pour l’instant est âgée, donc on pourrait se dire « donnons-leur à tous des anticoagulants », mais enfin, il ne faut pas qu’on soit confrontés au risque hémorragique. Vous vous êtes vraiment impliqués dans certaines études, alors peut-être que tu as déjà quelques petits résultats…
Josep Rodés-Cabau — En fait, nous, on avait fait des études randomisées qui comparaient la double thérapie versus un seul antiplaquettaire et on voyait un effet négatif majeur au niveau des saignements avec la double thérapie, sans aucun avantage au niveau des événements ischémiques. Il y a POPular-TAVI[4], qui est une étude avec un plus grand échantillon, qui va donner une réponse définitive et qui, probablement, va démontrer encore la même chose : plus de saignement. Parfois, c’est un domaine où je vois les avantages du traitement anticoagulant, le problème c’est qu’il me donne l’impression qu’anticoaguler tout le monde, c’est un peu comme aller en arrière, c’est-à-dire que tu as un patient qui a une chirurgie de valve aortique, qui va partir avec de l’aspirine ou deux, trois mois d’anticoagulation et, à côté, tu vas voir les TAVI qui vont partir avec un an d’anticoagulation. C’est un domaine où je pense qu’il y a plusieurs études et où, dans les deux prochaines années, on va voir les réponses. Merci beaucoup, Hélène, cela a été un plaisir, et je pense qu’on voit que le monde du TAVI est encore très actif. Il y a beaucoup d’autres domaines qui bougent beaucoup dans le structurel, mais c’est sûr que dans le TAVI il y a encore beaucoup de marge d’amélioration, surtout quand on va cibler rapidement le traitement des patients à bas risque, dans les prochaines années.
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Citer cet article: TAVI : nouveautés sur la durabilité des valves - Medscape - 7 juin 2018.
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