ORBITA et ICP dans l’angor stable : les nouvelles données d’une étude déroutante

Aude Lecrubier

28 mai 2018

Paris, France – A l’automne dernier, la publication dans le Lancet des résultats négatifs de l’étude ORBITA, la première étude à avoir évalué l’angioplastie contre placebo dans l’angor stable, a fortement agité la communauté cardiologique. Elle a d’ailleurs mené les éditorialistes de la revue à appeler à ce que toutes les recommandations soient « révisées à la baisse concernant l’indication d’angioplastie chez les patients angineux malgré un traitement médical ».

Une sous-analyse sur 196 patients présentée en séance plénière du congrès Euro PCR 2018 et publiée simultanément dans Circulation[1], confirme les premières données, à savoir que l’angioplastie n’améliore pas la capacité à l’exercice (critère primaire) mais, elle montre, cette fois, que l’angioplastie est associée à une réduction de l’ischémie et des symptômes. En parallèle, les résultats sur l’intérêt de mesurer les valeurs initiales de la fraction du flux de réserve (FFR) et de l’iFR (instantaneous wave-free ratio, sans injection d’adénosine) pour prédire la réponse au traitement sont mitigés.

 Moins d’ischémie et d’angor mais statu quo sur l’allongement de l’exercice

Dans cette nouvelle analyse ajustée sur les différences initiales entre les deux groupes, l’ICP améliore le score de l’échographie de stress par rapport au placebo (1,07 segment, IC95 % : 0,70 à 1,44, p<0,00001).

En revanche, l’écart entre les deux bras concernant l’allongement de la durée de l’exercice (critère primaire) passe de 38 secondes à 20 secondes mais n’est toujours pas significatif (IC95% : -4 à 45,5 ; p=0,1)

En parallèle, une analyse non pré-spécifiée montre que le taux de patients sans angor (critère secondaire) est inférieur dans le bras ICP versus placebo : 31,5 % versus 49,5 % (RR=2,47, IC95% : 1,30 à 4,72, p=0,006).

« L’angioplastie a augmenté le nombre de patients sans angor de 20 % en valeur absolue. Pour les médecins, cela signifie qu’un patient sur 5 traité avec l’angioplastie vs placebo n’aura plus d’angor. Pour nos patients, il s’agit d’un des points les plus importants. Nous pouvons leur dire qu’ils ont plus de chance d’être sans symptômes », a commenté l’auteure principale de l’étude, le Dr Rasha Al-Lamee (MBBS, Imperial College London, United Kingdom) lors d’un entretien avec le Pr William Wijns (Irlande) sur le congrès.

 
Un patient sur 5 traité avec l’angioplastie vs placebo n’aura plus d’angor. Pour nos patients, il s’agit d’un des points les plus importants Dr Rasha Al-Lamee
 

FFR et iFR : résultats mitigés

L’objectif principal de la sous-analyse était d’évaluer si la mesure de la FFR/iFR pouvait guider le choix du traitement (ICP vs placebo). Et, il en ressort que les valeurs initiales de la FFR et de l’IFR prédisent bien la réduction de l’ischémie après angioplastie à l’échocardiographie de stress (dobutamine) avec une décroissance de la FFR (p interaction <0,00001) et de l’iFR (p interaction < 0,00001) ; sans que puisse être observé un seuil à partir duquel le bénéfice peut être clairement établi.

Mais, là encore, elles ne prédisent pas l’impact sur les symptômes de l’angor ou sur l’allongement de la durée de l’exercice (FFR : p interaction =0,318 et l’iFR : p interaction=0,523).

Globalement, les résultats avec la FFR et l’iFR sont similaires bien qu’aucune comparaison directe n’ait été menée.

Alors essai négatif ou positif ?

« Cette étude est discutable. Elle est négative ou positive, cela dépend de comment on l’interprète. Revasculariser ne sert à rien sur la durée de l’exercice. En revanche, c’est utile pour l’objectif principal de ce type de revascularisation, c'est-à-dire réduire l’intensité de l’ischémie », a commenté le Pr Atul Pathak (clinique Pasteur, Unité d’hypertension artérielle, facteurs de risque et insuffisance cardiaque, Toulouse) pour Medscape édition française.

De même, pour le Dr Al-Lamee, l’absence de bénéfice sur l’allongement de l’exercice ne signifie pas que l’angioplastie n’est pas utile mais suggère que d’autres facteurs interviennent probablement en dehors de l’ischémie comme d’autres maladies cardiovasculaires ou des comorbidités. « Nous avons peut-être fait du bon travail sur l’ischémie mais maintenant nous devons penser à ce que nous pouvons faire d’autre pour ces patients », a-t-elle expliquée au Pr Wijns.

ICP chez le coronarien stable : quel Take home message ?

Interrogée sur la place de l’ICP chez le coronarien stable en sus d’un traitement médical, le Dr Al-Lamee a indiqué que les bénéfices sur l’ischémie et l’angor observés avec l’angioplastie dans ORBITA par rapport au placebo venaient conforter les résultats positifs de plusieurs travaux présentés lors de l’Euro PCR 2018.

« Il y a une bonne symbiose entre les études » (toutes en faveur de l’ICP), a-t-elle indiqué au Pr Winjs en saluant le travail de ses confrères.

« Franchement, avec les données positives sur l’IDM et potentiellement la mortalité cardiaque, nous pouvons dire à nos patients qui l’ICP peut leur sauver la vie », a-t-elle souligné en référence aux données de l’étude FAME 2 à 5 ans et de la méta-analyse des études FAME-2 à 5 ans, DANAMI-3-PRIMULTI, COMPARE-ACUTE (voir Coronariens stables : nouvelles preuves du bénéfice de l’angioplastie guidée par FFR ).

 
Avec les données positives sur l’IDM et potentiellement la mortalité cardiaque, nous pouvons dire à nos patients qui l’ICP peut leur sauver la vie Dr Al-Lamee
 

 

ORBITA en bref

L’étude ORBITA a été menée entre janvier 2014 et août 2017 dans cinq centres britanniques, chez 200 patients présentant une sténose > 70% d’un vaisseau, accessible à l’angioplastie. 

Ces patients étaient âgés de 66 ans en moyenne et étaient des hommes à 73%. La sténose était de 84,4% en moyenne et les valeurs moyennes de la FFR de l’IFR de 0,69 et 0,76 respectivement. Presque tous les patients (97%) étaient en classe II ou III de la classification de la Canadian Cardiovascular Society à l’inclusion. Après inclusion, les patients ont suivi une phase de 6 semaines d’optimisation de leur traitement médical.

Tous les patients ont subi une mesure de FFR, avant d’être randomisés, en salle, entre angioplastie ou procédure contrôle. En cas d’angioplastie, les opérateurs implantaient des stents actifs pour toute lésion significative à l’angiographie. Dans le groupe placebo, les patients ont été maintenus sédatés durant au moins 15 minutes sur la table de cathétérisme.

Le suivi a été de 6 semaines. Le critère primaire d’évaluation était l’écart entre les allongements de la durée d’exercice entre les deux groupes. L’épreuve d’effort était réalisé jusqu’à l’apparition de symptômes limitant (angor, dyspnée ou fatigue), d’une anomalie du rythme cardiaque ou de la PA, ou encore d’une déviation du segment ST > 0,2 mV.

 

L’essai ORBITA a été financé par l’Imperial College de Londres, et a bénéficié de bourses de l’Imperial Biomedical Research Centre, de la Foundation for Circulatory Health, et de l’Imperial College Healthcare Charity. Le matériel de FFR a été fourni par Philips Volcano.

Les déclarations d’intérêt des auteurs figurent dans la publication.

Le Pr Pathak a déclaré les liens d'intérêts et financiers suivants :

Subventions pour la recherche clinique de la part de : Daiichi Sankyo, Inc ; Roche ; Pfizer Inc.

Honoraires pour activités de consultant ou conférencier : Abbott ; Daiichi Sankyo, Inc. ; Novartis ; AstraZeneca Pharmaceuticals LP ; St Jude; Covidien ; Relor

 

 

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....