Une supplémentation en vitamine D pour mieux traiter la dépression?

Vincent Richeux, Megan Brooks

Auteurs et déclarations

28 mai 2018

New York, Etats-Unis Selon une méta-analyse américaine, qui a colligé les données de cinq études contrôles, une supplémentation en vitamine D pourrait contribuer à améliorer les troubles dépressifs chez l’adulte, avec ou sans carence. Les résultats ont été présentés lors du congrès de l’American Psychiatry Association (APA 2018) [1].

Ces dernières années, de nombreux travaux ont été menés pour définir le rôle de la vitamine D et cerner son implication dans les diverses fonctions de l’organisme. Plusieurs études ont ainsi suggéré un lien entre un déficit et certaines pathologies, tels que des infections respiratoires, un diabète, une fragilité osseuse ou encore des troubles digestifs.

Un niveau de fatigue amélioré

La vitamine semble aussi avoir un rôle important dans la fonction cérébrale puisque des travaux ont déjà montré que les patients atteints de schizophrénie ou de la maladie d’Alzheimer présentent plus fréquemment une insuffisance en vitamine D. Selon une méta-analyse, un taux sérique <20 ng/ml multiplierait par deux le risque de schizophrénie.

Cette nouvelle étude suggère cette fois un lien avec les troubles dépressifs. « J’ai remarqué que beaucoup de mes patients souffrant de dépression ont également des niveaux très bas en vitamine D. Une supplémentation a permis d’obtenir une amélioration, notamment sur le niveau de fatigue », a commenté le Dr Marissa Flaherty (University of Maryland School, Baltimore, Etats-Unis), principale auteure de l’étude.

Quelles recommandations?

Selon des résultats présentés en 2012 par l’Institut de veille sanitaire (InVS), plus de 80% de la population adulte française présente un déficit en vitamine D, caractérisé par un taux sérique en 25(OH)D inférieur à 30 ng/mL [2]. Et 42% présente un niveau inférieur à 20 ng/mL.

L’exposition aux rayons ultraviolets reste la principale source de vitamine D. En plus d’un enrichissement de certains aliments et d’une supplémentation pour les populations à risque, comme les femmes enceintes ou les personnes en surpoids, la pratique d’activités en plein air est recommandée. L’intérêt de la supplémentation est toutefois contestée et les recommandations, qui tiennent compte des saisons et de l’ensoleillement, divergent d’un pays à l’autre.

En France, la Haute autorité de santé (HAS) considère que le dosage de la vitamine D en routine est inutile. Le Groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses (GRIO) conseille, pour sa part, de supplémenter en vitamine D (800 à 1200 UI/j), sans dosage préalable, toutes les personnes susceptibles d’être carencées.

 
J’ai remarqué que beaucoup de mes patients souffrant de dépression ont également des niveaux très bas en vitamine D Dr Marissa Flaherty
 

Plusieurs travaux se sont déjà penchés sur une éventuelle corrélation entre déficit en vitamine D et dépression, avec des résultats souvent contradictoires. Pour y voir plus clair, le Dr Flaherty et ses collègues ont décidé de colliger et d’analyser les résultats de cinq études contrôles récentes évaluant les effets d’une supplémentation sur les symptômes dépressifs.

Les résultats de ces études randomisées (supplémentation vs absence de supplémentation) sont les suivants (pour un suivi allant de 3 à 52 semaines):

-   L’apport quotidien de 5 000 unités de cholécalciférol (vitamine D3) est sans effet sur le taux de dépression dans un groupe de jeune adultes en bonne santé (six semaines d’étude, cohorte de 128 patients). La supplémentation est également sans effet sur la mémoire de travail ou l’état d’anxiété [3].

-   Le traitement combinant l’antidépresseur fluoxétine et un apport quotidien de 1 500 unités de vitamine D3 est supérieur au traitement par fluoxétine seul dans le contrôle des symptômes dépressifs (huit semaines d’étude, cohorte de 40 patients) [4].

-   Une injection en intramusculaire de 300 000 unités de vitamine D est bien tolérée et améliore à trois mois les symptômes dépressifs chez des patients souffrant de dépression et présentant une carence en vitamine D (trois mois d’étude, cohorte de 120 patients)

-   Un apport hebdomadaire de 50 000 unité de vitamine D (voie orale) améliore les scores évaluant les troubles dépressifs chez des patients atteints de dépression (huit semaines d’étude, 40 patients) [5].

-   Un apport hebdomadaire de 50 000 unité de vitamine D3 (voie orale) ne réduit pas les symptômes dépressifs chez des patients dialysés souffrant de dépression (52 semaines d’étude, cohorte de 726 patients) [6].

Après analyse de l’ensemble des résultats, le Dr Flaherty et son équipe en viennent à conclure que la supplémentation en vitamine D améliore sensiblement les symptômes dépressifs, avec un effet global moyen (SMD= 0,495, IC à 95%, [0,190-0,801]).

La dose optimale à définir

« Les patients dépressifs présentant un déficit en vitamine D sont ceux qui répondaient le mieux à une supplémentation, mais notre étude montre qu’un apport supplémentaire améliore également de manière significative les symptômes dépressifs chez des patients présentant un niveau normal en vitamine », le Dr Flaherty, auprès de Medscape édition internationale.

« Il existe une certaine hétérogénéité dans ces études, mais dans l’ensemble, l’effet est bien là », a ajouté la chercheuse, avant d’insister sur l’intérêt d’une approche préventive. « A mon avis, tous les médecins devraient vérifier les niveaux en vitamine D de leurs patients et apporter un complément si besoin ».

 
Après analyse de l’ensemble des résultats, le Dr Flaherty et son équipe en viennent à conclure que la supplémentation en vitamine D améliore sensiblement les symptômes dépressifs.
 

Selon les auteurs, d’autres travaux sont nécessaires, notamment pour définir la dose optimale à apporter pour une supplémentation efficace dans le traitement de la dépression. Il faudrait également définir une valeur de référence associée à cette pathologie et apporter davantage de données concernant les enfants, les adolescents et la femme enceinte.

A envisager en complément

Interrogé par nos confrères, le Dr Gregory Dalack (University of Michigan Medical School, Ann Arbor, Etats-Unis) a souligné l’intérêt de l’étude, qui apporte « une bonne mise à jour des données de la littérature » et a rappelé les effets délétères de la carence en vitamine D sur l’organisme, qui ne se limitent pas aux os et à la fonction cognitive.

« Personnellement, lorsque je suis amené à traiter une dépression et que je cherche à optimiser la réponse au traitement, je considère qu’un niveau en vitamine D insuffisant est un facteur aggravant, au même titre que l’absence d’activité physique ou une mauvaise observance thérapeutique ».

Il note, par ailleurs, que dans la plupart des études, y compris celle-ci, l’apport en vitamine D vient en complément d’une thérapie par antidépresseurs et n’est pas utilisé comme traitement principal. « Il ne s’agit pas, non plus, d’envisager la vitamine D en monothérapie et espérer avoir ainsi une amélioration ».

 
Personnellement, je considère qu’un niveau en vitamine D insuffisant est un facteur aggravant, au même titre que l’absence d’activité physique ou une mauvaise observance thérapeutique  Dr Gregory Dalack
 

 

Les Drs Dalack et Flaherty n’ont pas déclaré de conflits d’intérêt en lien avec le sujet.

 

 

 

 

 

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