Améliorer l’accès aux soins non programmés : la recette en 19 points du député Mesnier

Dr Isabelle Catala, Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

25 mai 2018

Thomas Mesnier

France -- Le très attendu rapport Mesnier sur l’accès aux soins non programmés a été remis à la Ministre de la santé le 22 mai 2018 [1]. Face à un diagnostic qui ne semble désormais plus faire aucun doute, le système est véritablement « à bout de souffle », le jeune urgentiste propose ses solutions. La plus originale est sans doute de regrouper la demande de santé en soins non programmés 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 partout sur le territoire et non plus seulement de réguler l’urgence vitale. Les moyens évoqués dans les 19 propositions du rapport, eux le sont moins, et font appel, une fois encore, aux même recettes, les médecins généralistes, les autres professions de santé (via la délégation de tâches) et la création d’un numéro unique. Autant dire que les premières réactions, notamment sur les réseaux sociaux, n’ont pas traduit un réel enthousiasme.

Ex-urgentiste à l’hôpital d’Angoulême

Missionné en novembre dernier par la ministre de la Santé Agnès Buzyn, Thomas Mesnier, le jeune député LREM – qui a exercé par ailleurs comme médecin urgentiste à l’hôpital d’Angoulême (16) – précise en préambule ce que sont les soins non programmés, « à savoir une urgence ressentie mais ne relevant pas médicalement d’une prise en charge par les services hospitaliers d’accueil des urgences ». Il ajoute que son rapport est consacré « aux soins non programmés hors permanence des soins ambulatoires (PDSA), c’est-à-dire dispensés entre 8 h et 20 h en semaine et le samedi matin ». 

20,3 millions de passages dans les services d’urgence par an

Il dresse ensuite le constat suivant : la société a évolué et la transformation du système de santé est devenue indispensable. « Comme tous les autres pays comparables et quel que soit leur système de santé, la France est confrontée à une hausse ininterrompue depuis 20 ans, de 3,5% en moyenne annuelle de la fréquentation de ses services hospitaliers d’accueil des urgences ». Résultat : le nombre de passages dans ces services s’établit aujourd’hui à 20,3 millions par an, avec des causes que l’on connait comme le vieillissement de la population et le nombre croissant de pathologies chroniques, parallèlement à la baisse continue des médecins généralistes et à la multiplication des déserts médicaux.

Si un certain nombre d’initiatives ont été mises en place pour accueillir les soins non programmés dans différents types de structures depuis les hôpitaux locaux jusqu’aux centres de santé, en passant par les structures libérales, « il demeure un goulot d’étranglement de la réponse à cette demande ».

Nécessité d’un effet d’un effort massif de la part des pouvoirs publics

« Il est donc « nécessaire de proposer un cadre général, régulé et incitatif à la mise en place systématique, [..], d’un maillage suffisant pour une prise en charge adaptée de cette demande de soins non programmés » stipule le rapport tout en précisant qu’« aucun schéma type ne saurait être imposé par le niveau national, tant la diversité des situations est grande sur chaque territoire et dès lors que l’initiative ne saurait être prise que par les professionnels de santé ».

Pourquoi est-il si important que les pouvoirs publics effectuent un effort massif d’accompagnement des initiatives, de maillage du territoire, et d’incitations ? « Si un tel effort de renfort et d’organisation de ce service public confié aux médecins n’était pas entrepris, il ne fait guère de doute que des initiatives privées à but lucratif, qui sélectionnent les patients, et dont on voit déjà l’émergence, se développeront de façon désorganisée avec le risque qu’elles encouragent une approche consumériste, ignorant les parcours de soins et la recherche d’un égal accès aux soins sur le territoire, et qu’elles contribuent au désengagement des professionnels de santé » prédit Thomas Mesnier.

Pour atteindre son objectif, l’urgentiste fait 19 propositions (voir ci-dessous) comme faire en sorte que la consultation d’un médecin appartenant au réseau de premiers soins autre que le médecin traitant du patient puisse être remboursée sans pénalité liée au parcours de soins, en encourageant – « beaucoup plus résolument qu’aujourd’hui » – le partage de tâches entre médecins et autres professions de santé (infirmiers, kinésithérapeutes, pharmaciens), et en créant un numéro unique de mieux informer le grand public sur le numéro d’appel adéquat.

Les 19 mesures

1. Structurer l’organisation territoriale de la réponse à la demande en soins non programmés

  • Assurer dans tous les territoires une couverture en offre de soins non programmés avec l’aide des ARS locales et en inscrivant dans la Loi le principe de responsabilité territoriale des professionnels de santé en matière de prise en charge des premiers soins.

  • Labelliser les organisations de soins non programmés qui répondent à un cahier des charges.

  • Proposer des demi-journées dédiées aux soins non programmés au sein des organisations de soins non programmés afin d’assurer la continuité des soins.

  • Renforcer les financements actuels individuels et collectifs (ROSP et ACI) en contre partie d’objectifs de performance.

  • Modifier la Loi pour permettre aux médecins de centres de soins non programmés labellisé par les ARS d’être considérés comme le médecin traitant du patient le consultant afin de permettre le remboursement des consultations en parcours de soins.

  • Faciliter le recours direct aux examens les plus simples d’imagerie et de biologie.

  • Orienter les ARS et les caisses d’Assurance Maladie vers l’appui, l’accompagnement, la simplification plutôt que le contrôle.

  • Impliquer, mobiliser et associer les collectivités territoriales, intercommunalités et départements.

2. Etendre la régulation médicale à la journée pour orienter la demande de soins non programmés vers l’offre la mieux adaptée :

  • Proposer un numéro unique pour la santé, pour une régulation téléphonique 24 heures sur 24.

  • Proposer, à ce même numéro, non seulement une régulation mais également un conseil médical, une organisation du parcours de soins, des consultations de télémédecine.

  • Faire de la régulation téléphonique un maillon clé du parcours de soins.

 

3. Mettre en place les autres conditions du succès de l’organisation territoriale de la réponse à la demande de soins non programmés : informer la population, libérer du temps médical développer la prise en charge à domicile.

  • Renforcer l’accès aux soins pour les personnes en EHPAD avec des médecins coordonnateurs qui pourraient devenir médecin traitant et prescrire.

  • Encourager les visites à domicile en revalorisant les tarifs et les partager entre professionnels de santé.

  • Développer l’éducation, l’information, la communication autour du nouveau parcours de soins.

  • Compléter, enrichir, faire connaître le portail santé.fr afin d’y inclure l’offre de soins non programmés.

  • Une fois l’organisation territoriale mise en place, mener des actions de communications ciblées auprès de la population.

  • Libérer du temps médical en renforçant la communication entre professionnels.

  • Développer les messageries sécurisées et encourager l’utilisation d’un système d’information partagée.

  • Décloisonner l’organisation des transports sanitaires en les remboursant aux patients qui se rendent en structures de soins labellisées si le transport est décidé par la régulation.

 

 

 

 

 

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