Un composant du cannabis efficace dans les épilepsies réfractaires

Marine Cygler avec Damian McNamara

21 mai 2018

Los Angeles, Etats-Unis – Un des deux principaux composants actifs du cannabis, le cannabidiol, divise par 50 à 60 % la fréquence des crises chez les enfants et les adultes souffrant d'épilepsie pharmacorésistante. Ce résultat qui montre encore une fois l'intérêt du cannabis thérapeutique dans les pathologies neurologiques, a été présenté dans un poster au dernier congrès de l'American Academy of Neurology (AAN 2018)[1].

Chez les 70 enfants et 62 adultes testés à 12 semaines, la fréquence bi-hebdomadaire des crises est passée de 144 en moyenne à 52 (p<0,001). Le contrôle des crises s'est maintenu dans le temps, avec en moyenne 67 crises à 24 semaines et 47 à 48 semaines. La différence entre les taux à 12, 24 et 48 semaines n'est pas significative.

« Le cannabidiol pharmaceutique améliore la fréquence des crises chez les enfants et les adultes, et diminue également leur sévérité » a expliqué le Pr Jerzy P Szaflarski (UAB Epilepsy Center, Alabama) à nos confrères de Medscape Medical News.

« On a vu une diminution importante des crises chez les enfants, en particulier ceux chez lesquels cette fréquence était très élevée » a-t-il précisé.

Ce nouveau travail vient compléter d'autres études sur le sujet. « Nous savons qu'il y a des preuves de l'efficacité du cannabis dans l'épilepsie, qu'il soit purifié ou bien de l'extrait de plante » indique le Pr Szflarski. Le cannabidiol (Epidiolex, GW Pharmaceuticals) est d’ailleurs évalué dans trois essais randomisés.

En France, on estime que 600 000 personnes souffrent d’épilepsie, une des maladies neurologiques les plus fréquentes. Près de la moitié d’entre elles est âgée de moins de 20 ans. 30 à 40 % des patients présentent une épilepsie pharmacorésistante.

 
Le cannabidiol pharmaceutique améliore la fréquence des crises chez les enfants et les adultes, et diminue également leur sévérité  Pr Jerzy P Szaflarski
 

Diminution drastique des crises

La sévérité des crises sur l'échelle de sévérité des crises de Chalfont (CSSS) était de 80,7 points, « ce qui est un chiffre très élevé ».

Les scores avant le début de l'étude étaient similaires pour les enfants (78 points en moyenne) et les adultes (84 points).

A douze semaines, la sévérité des crises avait chuté à 39 points en moyenne sur la CSSS, une différence significative par rapport au niveau de base (p<0,001). La sévérité moyenne des crises était de 41 à 24 semaines et 35 à 48 semaines. Les résultats aux semaines 12, 24 et 48 n'étaient pas significativement différents.

Une bonne tolérance

Les patients présentaient une épilepsie confirmée par un électroencéphalogramme couplé à enregistrement vidéo, étaient en échec pour au moins quatre médicaments antiépileptiques et avaient au moins quatre crises mensuelles. A douze semaines, les doses étaient les mêmes pour les adultes et les enfants. Par la suite, les doses étaient plus élevées dans le groupe des adultes.

Le cannabidiol a été bien toléré, avec des effets indésirables relativement faibles. « Certains patients ont abandonné, principalement à cause d'un manque d'efficacité, peu à cause des effets secondaires » a expliqué le Dr Szaflarski.

La prise de médicaments antiépileptiques n'a pas changé significativement pendant l'étude. Les investigateurs ont toutefois sevré certains patients qui prenaient du clobazam et de l'acide valproïque en raison des interactions médicamenteuses.

Des détails supplémentaires sur l'étude sont disponibles sur le site du programme cannabidiol de l'UAB (https://www.uab.edu/medicine/neurology/research/uab-cannabidiol-program).

« Une étude importante » confie un spécialiste

Interrogé par Medscape Medical News, le Dr Gregory Cascino (Mayo Clinic, Minnesota) a indiqué qu'il s'agissait « d'une étude importante ».

«Le panel de patients ressemble à celui de notre pratique clinique, des adultes et des enfants. Leurs patients étaient réfractaires pour quatre ou plus médicaments antiépileptiques, il s'agissait donc clairement d'épilepsie réfractaire » a-t-il ajouté en poursuivant « J'ai trouvé intéressant le bénéfice à douze semaines, bénéfice dont on voit qu'il se maintient puisque les patients ont été suivis plusieurs mois».

Et ensuite ?

Pour aller plus loin, le Dr Szaflarski souhaiterait maintenant savoir si le cannabidiol en association avec d'autres cannabinoïdes comme le tétrahydrocannabinol est plus efficace que le cannabidiol seul. Il voudrait aussi évaluer d'autres cannabinoïdes. « Nous avons encore besoin de documenter les effets du cannabidiol sur le système nerveux central, sur la cognition, de faire de la neuroimagerie,... » a-t-il ajouté.

En parallèle, l’Epidiolex est en cours d’évaluation comme traitement adjuvant dans le syndrome Lennox-Gastaut et le syndrome de Dravet (épilepsies sévères de l'enfant) aux Etats-Unis et en Europe. Récemment, le comité consultatif de la Food and Drugs Administration (FDA) a voté unanimement en faveur de l'Epidiolex dans ces deux indications. Un avis définitif de l’agence américaine est attendu pour fin juin alors que celui de l’EMA est escompté pour le premier trimestre 2019.

 
Nous avons encore besoin de documenter les effets du cannabidiol sur le système nerveux central, sur la cognition, de faire de la neuroimagerie,...  Dr Szaflarski
 

 

 

L'étude a été financée par l'Etat de l'Alabama (Etats-Unis). GW Pharmaceuticals a fourni le cannabidiol. Le Dr Szaflarski n'a pas déclaré d'intérêt financier. Le Dr Cascino, co-investigateur d'études de GW Pharmaceuticals, n'a pas déclaré de conflit d'intérêt.

 

 

 

 

 

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