France -- Et si l’« affaire Naomi » était l’occasion d’une mise à plat du fonctionnement des centres de régulation des appels d’urgence en France ? C’est ce qui semble poindre à la lecture des différents points de vue – institutionnels et urgentistes – qui font suite au décès de la jeune strasbourgeoise qui avait fait appel au Samu en décembre 2017 en raison de douleurs abdominales et qui a trouvé la mort dans les heures qui ont suivi. La jeune fille avait appelé dans un premier temps les pompiers, et l’appel a été transféré au Samu Centre 15 au sein duquel une permanencière lui a conseillé de faire appel à SOS médecins (Voir Décès de Naomi Musenga : le point de vue du Dr Michel Dru, médecin de Samu).
Deux autres cas
Loi des séries ou plus forte médiatisation de ces « incidents » ? En tout cas, deux autres cas récents d’appel d’urgence pour lesquels la réponse de la régulation a été inadéquate – en sous-estimant la gravité de l’état de santé – ont été portés à la connaissance du public cette semaine. L’un s’est déroulé dans un village du Lot (46) et concernait un homme de 70 ans souffrant d’emphysème en détresse respiratoire et l’autre, à quelques jours d’intervalle, a eu lieu dans la région de Saint-Etienne (42), et visait une femme de 36 ans, enceinte de six mois, en détresse cardiaque. Après des délais d’intervention probablement bien trop longs – la justice, saisie, en décidera – ces deux patients, ainsi que le bébé, sont décédés. SL
Régulation Samu Centre 15- pompiers-SOS Médecins
La demande d’aide d’urgence de Naomi a concentré à elle seule trois des principales plateformes de régulations des appels urgents en France. En effet, il coexiste au moins 3 systèmes de prise en compte des demandes médicales urgentes : le Samu Centre 15 (31 millions d’appels) qui coordonne les structures de médecine d’urgence et de médecine libérale (permanence des soins), les pompiers (17 millions d’appels dont 69 % au 18 et 31 au 112) et SOS médecins (4 millions d’appels). Chacune de ces différentes structures dispose de personnels, de locaux et de coordonnées téléphoniques : 15, 18, 112, 116 117, 3624..
L’idée de regrouper tous les services d’aides aux blessés revient régulièrement depuis quelques années. Mais elle se heurte aussi à des résistances puisque chacun des intervenants (pompier, Samu et SOS Médecins) a investi à grands frais dans des plateformes de prises d’appels et ne souhaite pas être dépossédé de la régulation.
Dans l’Essonne, une plateforme commune (15, 18, 112) a été mise en place avec des résultats mitigés. Une première expérience pilote (15, 18, Services Sociaux) devrait avoir lieu en Tarn-et-Garonne à l’été 2018.
Seul SOS Médecins est contre
A la suite des premières révélations sur l’affaire Naomi, et dès le 11 mai, l’Amuf (Association des Médecins Urgentiste de France) expliquait qu’une refonte des systèmes publics (centres 15 et pompiers) qui fonctionnent en parallèle est nécessaire. Les urgentistes appellent à la mise en place d’une plateforme commune en un même lieu et doté de moyens de téléphonie et d’informatique rendus transparents pour l’appelant. Une formation des personnes qui réceptionnent les appels est aussi nécessaire, expliquent les référents de l’Amuf. L’association Samu Urgence de France demande elle aussi des moyens supplémentaires.
Seule l’Association SOS Médecins a tenu un discours allant contre la mise en place du numéro unique. Interrogé par BFM, le Dr Serge Smadja, président de SOS médecin France faisait part de ses réticences : « la notion de ce que l’on appelé il y a quelques années le guichet unique n’est pas pour nous une bonne solution ».
Le gouvernement pense à décloisonner « intelligemment la médecine de ville »
Les politiques se sont rapidement emparés du sujet. Le 13 mai, le porte parole du gouvernement, Benjamin Griveaux a annoncé que le gouvernement allait accélérer sa réflexion sur la mise en place d’un numéro unique d’urgence, au Grande Jury RTL, Le Figaro, LCI. Ce numéro permettrait de « dispatcher les appels en fonction de la nature de l’urgence ». La réflexion devrait s’articuler avec les conclusions du rapport du député, le Dr Thomas Mesnier, sur les soins non programmés. L’ensemble de ces travaux devrait permettre de décloisonner « intelligemment la médecine de ville ».
Mission flash de l’Igas
Le 14 mai, après sa réunion avec les représentants professionnels et syndicaux des médecins urgentistes, la Ministre de la santé a expliqué que la mise en place d’une plateforme et d’un numéro unique pour les appels d’urgence ne serait pas envisagée avant le remise d’un rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (Igas) qui devrait être rendu avant l’été. Ce rapport sera analysé à la lumière d’une mission flash de l’Igas qui a pour objet de préciser les causes du décès de Naomi Musenga.
Interrogée sur le numéro unique, la Ministre de la santé a expliqué qu’ « il y a des avantages et des inconvénients dans tous les systèmes, mais que la multiplication des opérateurs provoque une perte d’information ».
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Citer cet article: Régulation des appels aux urgences : le numéro unique est-il la solution ? - Medscape - 18 mai 2018.
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