Los Angeles, Etats-Unis – La prise d'ubrogepant (Allergan), un nouvel antagoniste oral du récepteur au peptide relié au gène calcitonine (CGRP), soulage efficacement les crises migraineuses. C'est ce que vient de montrer l'essai de phase 3 ACHIEVE I dont les résultats ont été détaillés au congrès de l'American Academy of Neurology (AAN 2018)[1].
Les participants ayant reçu des doses d'ubrogepant de 50 ou 100 mg ont été plus nombreux à ne plus ressentir de douleur (respectivement 19 et 21 %) que ceux traités par un placebo (12%).
Les symptômes associés – intolérance au bruit et/ou à la lumière, nausées – sont également réduits par la prise du médicament (39 et 38 %) en comparaison avec le placebo (28 %).
Moins de 5 % des participants du groupe traité avec l'ubrogepant ont rapporté des effets indésirables tels que nausées, somnolence ou sécheresse buccale.
« Le message à retenir est que nous sommes parvenus à diminuer le mal de tête et les symptômes associés aux deux doses » a expliqué le Dr Joel M. Truman, vice-président du développement clinique du département R&D d'Allergan, lors d'une conférence de presse. Ce nouveau médicament « atteint une molécule-clef de la physiopathologie de la migraine » et « apporte un grand espoir pour les patients migraineux », a-t-il ajouté à Medscape Medical News.
« C'est un médicament de pointe, innovant, et prometteur, attendu depuis longtemps par la communauté des migraineux » a-t-il expliqué.
Le Dr Natalia S Rost (Massachussetts General Hospital et professeur associé à la Harvard Medical School à Boston), qui présidait le comité scientifique de ce congrès, a regretté que la comparaison ait été faite seulement avec un placebo.
Elle a toutefois souligné qu'une étude sur un traitement oral ciblant le CGRP, en particulier en phase 3, était bienvenue à l'AAN.
« Cette étape a démontré une efficacité supérieure au placebo. La prochaine sera de prouver une efficacité supérieure à un médicament » a-t-elle indiqué à Medscape Medical News.
Cibler une molécule-clef de la crise migraineuse
En France, la migraine concerne 12 % des adultes et 5 à 10 % des enfants, soit 11 millions de personnes. Les femmes sont deux à trois fois plus touchées que les hommes.
Pourtant, beaucoup de patients migraineux ne peuvent être traités de façon optimale à cause d'une « efficacité inadaptée, d'une mauvaise tolérance et des contre-indications ». Les triptans, par exemple, ne peuvent pas être prescrits aux patients avec une pathologie cardiovasculaire.
« Les possibilités sont assez limitées chez les patients souffrant de migraine. Une nouvelle thérapie qui agit rapidement avec un mécanisme d'action clair et spécifique et qui est bien tolérée apporte de nouvelles options thérapeutiques » a expliqué le Dr Trugman.
Cette nouvelle cible est le CGRP : un peptide fortement exprimé dans les neurones trijumeaux qui innervent les vaisseaux des méninges. Il est relargué de façon pathologique lors d'une crise migraineuse. Il est vasodilatateur et très algogène.
En prophylaxie, trois anticorps monoclonaux dirigés contre le ligand (éptinézumab, frémanézumab, galcanézumab) et un dirigé contre le récepteur du CGRP (érénumab) sont à l’étude. Ils s’administrent mensuellement par voie parentérale (sous-cutanée ou intraveineuse) (voir Prévention des migraines : 4 anticorps monoclonaux anti-CGRP en développement).
L’ubrogepant, qui est évalué dans ACHIEVE I comme traitement de la crise de migraine, est une petite molécule orale antagoniste des récepteurs CGRP.
Efficacité démontrée par rapport au placebo
Les 1672 participants (87,5 % de femmes, 40,7 ans de moyenne d'âge) de l'essai ACHIEVE I ont été randomisés dans différents groupes : placebo (n=559), 50 mg (n=556) et 100 mg (n=557).
Tous les patients avaient des antécédents de migraine, avec ou sans aura. 63 % des volontaires indiquaient ressentir une douleur modérée et 37 % une douleur plus importante. 11 % d'entre eux présentaient un risque cardiovasculaire modéré à élevé.
L'intolérance à la lumière était le premier symptôme associé (56,4%), devant l'intolérance au bruit (22,3%) et les nausées (20,9%).
Evalués deux heures après la prise du traitement, les deux critères d'évaluation principaux, à savoir la disparition de la douleur (P=0,0003) et l'absence de symptômes associés (P=0,002), étaient meilleurs dans les groupes « ubrogepant » que dans le groupe « placebo ».
Au bout de deux heures, la douleur était soulagée pour 62 % des volontaires des groupes « ubrogepant » et 49 % de ceux du groupe « placebo » (P ajustée =0,002 pour les deux comparaisons). 36 et 38 % respectivement ressentait une amélioration entre 2 et 24 heures, contre 21 % dans le groupe « placebo ».
Le groupe « 100 mg » est le groupe qui bénéficiait le longtemps d'une disparition de la douleur entre 2 et 24 heures (15,4 % vs 8,6 % ; P=0,002) et d'une absence de photophobie à 2 heures (45,8% vs 31,4% ; P<0,0001)
De plus, la molécule « a été bien tolérée, sans problème de sécurité identifié » a indiqué le Dr Trugman, ajoutant que « les effets indésirables (EI) étaient les mêmes que pour le placebo ».
Bien toléré mais prudence chez les femmes enceintes
Dans les groupes « dose 50 mg », « dose 100 mg » et placebo, respectivement 9,4%, 16,3 % et 12,8 % des participants ont indiqué avoir eu un EI ; 5,8%, 12 % et 8,5% un EI directement lié au traitement.
Des nausées ont été ressenties par 1,7 %, 4,1 % et 1,6% des volontaires, de la somnolence par 0,6%, 2,5% et 0,8% et une sécheresse buccale par 0,6%, 2,1% et 0,4%.
Parmi les cinq EI graves répertoriés dans les trente jours, on compte deux appendicites, un épanchement péricardique, une fausse-couche spontanée et un cas de convulsions.
Seules les convulsions ont été considérées comme liées au traitement. Une crise généralisée s'est produite quatre heures après la prise de 100 mg d'ubrogepant par un homme de 44 ans. D'après les investigateurs, « l'arrêt de l'alprazolam, une benzodiazépine, est une cause possible ».
Quant à l'impact sur le foie, six patients ont présenté au moins trois fois des élévations des taux d'ALAT et d'ASAT atteignant des seuils limites. Pour quatre cas, ces augmentations se sont produites pendant le traitement avec l'ubrogepant sans toutefois être considérées comme liées à la prise de la molécule. Pour les deux autres cas, l'un avec le placebo, l'autre avec la molécule testée, cet EI a été classé comme « possiblement lié » au traitement. Aucun cas n'a été considéré « probablement lié » au traitement.
« Les données de sécurité sur le foie suggèrent l'absence d'hépatotoxicité pour l'ubrogepant », selon la conclusion des chercheurs.
Lors du temps réservé aux questions de l'assistance, le Dr Trugman a répondu à l'une d'entre elle sur la grossesse. Il a indiqué que les femmes enceintes n'avaient pas été incluses dans l'essai.
« Les petites molécules en prise orale sont différentes des anticorps monoclonaux développés pour la prévention de la migraine. Vite absorbées, elles sont excrétées dans les 24 heures. Dans ce sens, elles sont plus sûres que les anticorps monoclonaux pris à long terme » a souligné le Dr Trugman qui a toutefois indiqué qu'il ne recommanderait pas ce traitement pour les patientes enceintes. « Ceci doit être évalué ultérieurement ».
Quelle prochaine étape ?
Lors de la conférence de presse qu'elle modérait, le Dr Rost a confié à Medscape Medical News que cette étude faisait partie de sa « top liste » du congrès. Cependant, elle a suggéré de procéder à des comparaisons avec un compétiteur.
« Maintenant que vous avez montré que cela faisait mieux qu'un verre d'eau, que diriez-vous de le comparer avec l'aspirine, l'ibuprofène ou le paracétamol ? » a-t-elle ironisé. Le plus important avant une mise sur le marché, selon elle, serait surtout la démonstration d'une supériorité aux triptans.
Une telle étude ne semble toutefois pas en vue pour l’instant. Les résultats de l’essai de phase 3 ACHIEVE II qui évalue le médicament aux doses de 25 et 50 mg dans le traitement de la migraine aiguë, sont attendus d'ici juillet et l'industriel espère soumettre un dossier à la Food and Drug Administration (FDA) avec les données des essais ACHIEVE au premier semestre 2019.
Cette étude a été financée par Allergan. Le Dr Trugman a des intérêts financiers dans Allergan. Le Dr Rost a des intérêts dans différentes entreprises pharmaceutiques. |
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Citer cet article: Migraine : l'anti-CGRP ubrogepant fait mieux que le placebo - Medscape - 16 mai 2018.
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