SEP : description de nouveaux effets secondaires graves avec l’alemtuzumab

Marine Cygler, Sue Hugues

Auteurs et déclarations

18 avril 2018

Etats-Unis, Italie, Finlande et GB – Trois articles parus dans Neurology décrivent des effets secondaires rares mais graves de l'anticorps monoclonal alemtuzumab (Lemtrada®, Sanofi) dans la sclérose en plaque (SEP). Ils décrivent huit cas de cholécystite acalculeuse aguë (CAA), deux cas de lymphohistiocytose hémophagocytaire et un cas de syndrome coronaire aigu, tous liés à la prise de ce médicament.

L'éditorial qui accompagne l'article fait le point sur d'autres effets indésirables rares déclarés après la commercialisation de la molécule, en particulier des cas d'infections peu communes comme la listéria et la méningite.

« Ces cas mettent en lumière le défi des thérapies de la SEP pour lesquelles il faut faire la balance entre une grande efficacité et des complications potentiellement fatales » commentent les éditorialistes. « L'alemtuzumab est une molécule efficace mais les risques associés devraient être complètement compris et considérés à la fois par les praticiens et les patients »

On se souvient qu'en 2016 la Commission Transparence de la Haute Autorité de Santé (HAS) avait  jugé le service médical rendu de l’anticorps monoclonal insuffisant pour justifier d’un remboursement dans les formes de sclérose en plaques récurrentes-rémittentes (SEP-RR) autres que les formes sévères. « Compte tenu des effets indésirables graves survenus au cours du développement du produit avec un effet rémanent important et des risques potentiels de son administration à moyen terme, le traitement par alemtuzumab est à réserver à des formes sévères de SEP-RR », indiquait alors l’avis de la commission.

Huit cas de cholécystite aguë

Dans le premier article[1], le Dr David Croteau et ses collègues de la Food and Drug Administration (FDA) rappellent que la cholécystite acalculeuse aguë est une maladie inflammatoire de la vésicule biliaire, en absence de cholélithiase et de cholédocholithiase, habituellement observée chez les hommes âgés hospitalisés en soins intensifs. Le taux de mortalité de 30 % peut atteindre 90 % en cas de diagnostic tardif.

Les auteurs indiquent que deux cas de CAA étaient survenus pendant les essais cliniques de l'alemtuzumab, mais l'association étant incertaine, et cet effet secondaire n'avait pas été  indiqué sur le produit.

 
L'alemtuzumab est une molécule efficace mais les risques associés devraient être complètement compris et considérés à la fois par les praticiens et les patients.
 

Grâce au système de déclaration des effets secondaires de la FDA, les auteurs ont trouvé huit cas de CAA associés à la prise d'alemtuzumab chez des patients atteints de SEP-RR. Les deux cas précédemment décrits en faisaient partie.
Sept des huit patients avaient développé une CAA pendant ou juste après un traitement avec l'alemtuzumab. Le huitième avait été touché par une CAA six à sept semaines après un premier traitement avec l'anticorps monoclonal. Aucun autre cas n'a été rapporté dans la littérature médicale.

Les auteurs considèrent que pour quatre cas, il y a une probable relation causale, considérant la séquence temporelle et l'absence de prédisposition à la CAA. Pour les quatre autres cas, en revanche, la relation causale est moins robuste.

Les auteurs soulignent que les cas identifiés dans cette revue diffèrent des cas classiques de CAA : prépondérance féminine, pas d'autre maladie critique concomittante, pas de facteur de risque, et une guérison grâce à un traitement conservateur dans la plupart des cas.

Difficile à estimer, la fréquence de la CAA liée à la prise de Lemtrada® serait de 0,2 % selon les études cliniques menées sur des patients atteints de SEP-RR.

« La CAA représente un nouvel effet indésirable relativement rare mais potentiellement mortel associé à la prise d'alemtuzumab chez des patients atteints de SEP-RR. Bien que l'histoire naturelle de la CAA chez ces patients soit peu documentée, il semble qu'un traitement conservateur précoce obtienne de bons résultats. Il est important que les neurologues connaissent ce risque de CAA pour pouvoir reconnaître l'urgence et agir en tout état de cause » concluent les auteurs.

 
La CAA représente un nouvel effet indésirable relativement rare mais potentiellement mortel.
 

Deux cas de lymphohistiocytose hémophagocytaire

Dans le deuxième article[2], deux cas de lymphohistiocytose hémophagocytaire (LHH) sont décrits chez des patients atteints de SEP-RR.

Ce syndrome inflammatoire se manifeste par une fièvre, une lymphadénopathie, une pancytopénie, des troubles hépatiques, une hyperferritinémie, une hausse du récepteur soluble à l'interleukine 2 et une hémophagocytose. On l'observe généralement à la suite d'une tumeur maligne, d'une maladie autoimmune ou d'une infection. 

Pour le premier cas - une patiente dans la vingtaine atteinte d'une SEP-RR d'évolution rapide-, l'alemtuzumab avait remplacé le natalizumab. Un an après le deuxième cycle d'alemtuzumab, la patiente, sans signe de SEP-RR, a été admise à l'hôpital pour de la fièvre et des douleurs abdominales. En plus d'un haut niveau de protéine C réactive (CRP), différents examens ont révélé un épaississement de la paroi de la vésicule biliaire, acalculeuse, et la présence de fluide péricholécystique. Des antibiotiques en IV ont stabilisé la situation.

Trois semaines plus tard, la CRP était diminuée et les enzymes hépatiques normales. Mais le lendemain, elle a développé une sévère thrombocytopénie, une coagulopathie et une anémie et les enzymes hépatiques étaient anormales. Malgré des corticostéroïdes en IV et le recours au système MARS (Molecular Adsorbent Recirculating System), elle est décédée un mois après sa première admission pour encéphalopathie hépatique et coagulopathie.

L'autopsie a révélé une CCA peu sévère, une nécrose aguë du foie ainsi qu'une hémophagocytose dans la moelle osseuse. Il n'y avait pas d'infection bactérienne. Cinq des huit critères de la LHH étaient donc présents.

Le second cas est celui d’un jeune homme de 28 ans qui avait reçu deux cycles d'alemtuzumab en première ligne d'un traitement de sa SEP-RR dans le cadre d'un essai clinique. Trente mois après le premier cycle d'alemtuzumab, il a été admis à l'hôpital avec de la fièvre, des douleurs dans l'abdomen supérieure gauche et une hausse des marqueurs inflammatoires. Le scanner a révélé une hémorragie de la glande surrénale gauche. Le patient a reçu des corcoïdes.

 
Les neurologues devraient savoir qu'il existe des cas rares de LHH chez les patients atteints de SEP-RR traités avec les nouvelles thérapies.
 

Quelques semaines plus tard, des saignements spontanés dans les cuisses ont conduit les médecins à diagnostiquer une hémophilie acquise. Le patient présentait aussi une hausse de la CRP, de la ferritine, des triglycérides à jeun, du récepteur soluble à l'interleukine 2 et une thrombocytopénie. Une analyse de la moelle osseuse a mis en évidence des histiocytes érythrophagocytiques et une augmentation des mégacaryocytes.

Le diagnostic de syndrome hémophagocytique a été posé. Le patient a bien répondu aux corticostéroïdes oraux (combinés à deux doses de rituximab) pendant quatre mois. Six mois plus tard, il restait en rémission de sa LHH. Cependant son hémophilie acquise a récemment rechuté, ce qui a nécessité des doses supplémentaires de corticostéroïdes et de rituximab.

Les auteurs indiquent que deux cas de LHH fatale ont aussi été répertoriés avec le fingolimob (Gilenya®, Novartis), ce qui leur faire conclure que « les neurologues devraient savoir qu'il existe des cas rares de LHH chez les patients atteints de SEP-RR traités avec les nouvelles thérapies, traitables avec des médicaments immunosuppresseurs administrés rapidement ».

Un cas de syndrome coronarien aigu (SCA)

Dans le troisième article[3], les auteurs rapportent le cas d'une femme de 24 ans atteinte d'une SEP-RR qui a été victime d’un SCA au cours d'une perfusion d'alemtuzumab.

Le troisième jour du traitement, la patiente a développé une bradychardie sinusale sévère assymptomatique, ce qui a conduit à l'administration d'atropine. Le matin suivant, elle s'est plainte d'une douleur oppressante à la poitrine qui a duré 20 minutes et a été associée à une dyspnée. Les examens sanguins ont montré une hausse de la troponine ultrasensible, de la créatine-kinase MB et des D-dimères. Le traitement par l'alemtuzumab a été interrompu.

 
Les auteurs conseillent de réaliser un ECG et de monitorer le rythme cardiaque au début d'une perfusion d'alemtuzumab.
 

Un monitoring cardiaque a montré une bradycardie permanente avec un pouls à 50 battements par minute. L'ECG a révélé, lui, un allongement du QT corrigé, mais la fonction ventriculaire gauche et la mobilité de la paroi antérolatérale étaient normales. Aucun signe d'embolie pulmonaire ni de thrombose veineuse profonde n'a été trouvé.

Réalisée cinq jours après, une IRM cardiaque n'a montré ni anomalie structurelle ni akinésie du ventricule gauche, mais un faible épanchement pleural. Dans la semaine qui a suivi, les enzymes cardiaques et les D-dimères sont progressivement revenus à la normale, de même que l'intervalle QTc.

Les auteurs considèrent que ce cas de SCA est un « probable » effet indésirable cardiaque de l'alemtuzumab. Ils conseillent de réaliser un ECG et de monitorer le rythme cardiaque au début d'une perfusion d'alemtuzumab pour les patients atteints de SEP-RR.

La listéria, un autre effet indésirable

Dans leur éditorial[4], les Drs Paolo Muraro (Imperial College London, Grande-Bretagne), Neil Scolding (University of Bristol, Grande-Bretagne) et Robert Fox (Cleveland Clinic, Etats-Unis) indiquent que la listéria est un effet indésirable de l'alemtuzumab d'une prévalence estimée à environ 0,26 %.

Elle survient dans les jours suivant le traitement par alemtuzumab, ce qui peut être évité grâce à une antibioprophylaxie préconisée au Royaume-Uni (traitement préventif avec sulfaméthoxazole et triméthoprime).
Les éditorialistes saluent la contribution à la littérature médicale de représentants des instances de régulation. « Chaque personne qui découvre un effet indésirable rare ou tardif lié à la prise d'un médicament devrait publier son expérience », concluent-ils.

« Une meilleure compréhension des risques sera importante pour permettre aux cliniciens et aux patients de prendre des décisions en considérant bien la balance entre les bénéfices et les risques des nouveaux médicaments ».

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