Beurre ou huile d'olive, un impact opposé sur la mortalité

Marine Cygler, Nancy A Melville

17 avril 2018

Nouvelle Orléans, Etats-Unis – Un régime alimentaire riche en acides gras monoinsaturés végétaux diminue les risques de mortalité et de maladies cardiovasculaires (MCV). Et ce, notamment, quand ces lipides remplacent les acides gras saturés et trans, et les glucides raffinés, selon des résultats présentés à la Nouvelle Orléans à l'occasion du congrès de l'American Heart Association consacré à l'épidémiologie et la prévention (EPI|LIFESTYLE 2018)[1].

« Notre étude est la première grande étude prospective avec un suivi de plus de vingt ans, sur plus de 90 000 participants et avec plus de 20 000 décès, qui s'intéresse aux acides gras monoinsaturés provenant de sources animale et végétale » a rappelé la chercheuse Marta Guasch-Ferré de la Harvard School T.H Chan of Public Health (Boston, Etats-Unis) à nos confrères de theheart.org/Medscape Cardiology.

Cette étude, qui a inclus plus de 63 000 femmes et presque 30 000 hommes, avec un suivi moyen de 22 ans, montre, en outre, que tous les acides gras monoinsaturés ne se valent pas. En effet qu'une alimentation riche en acides gras monoinsaturés d'origine végétale est associée à une diminution de 16 % du risque de mortalité de toutes causes. Alors qu’une prise alimentaire qui fait la part belle aux acides gras monoinsaturés d'origine animale est associée à une augmentation du risque de mortalité toutes causes de 21 %. 

Distinguer les AG monoinsaturés végétaux et animaux

Si on considère généralement que les acides gras monoinsaturés (AGM) améliorent le profil lipidique et réduisent les facteurs de risque CV, notamment l'hypertension et l'obésité, en particulier si on les compare aux acides gras saturés ou trans, les preuves prospectives de cette association sont limitées et pas concluantes. « Cela tient au fait que les acides gras monoinsaturés de notre alimentation viennent à la fois de sources variées, animales et végétales, ce qui peut brouiller les interprétations qui portent sur l’ensemble des AGM » considère Marta Guasch-Ferré.

 

Pour y voir plus clair, la chercheuse et ses collègues se sont penchés sur les données de la Nurses' Health Study, soit 63 412 femmes suivies entre 1990 et 2012, et celles de la Health Professionals Follow-up Study, qui a, elle, inclus 29 966 hommes entre 1990 et 2010.

Les quantités d'acides gras monoinsaturés consommées par les participants ont été calculées grâce à des questionnaires collectés tous les quatre ans et une base de données sur la composition des aliments. Les changements au cours du temps ont pu être évalués.

Les principales sources d'acides gras monoinsaturés d'origine végétale étaient : l'huile d'olive, la vinaigrette « italienne » (huile d'olive + vinaigre balsamique), les cacahouètes, le beurre de cacahouètes, et autres fruits à coque.

Les principales sources d'acides gras monoinsaturés d'origine animale étaient : la viande de bœuf, le cheddar, le beurre, les sauces comprenant de la viande (comme la sauce bolognaise), et la viande de porc.

En tout, au cours de l’étude, 20 672 décès sont survenus, dont 4599 de cause CV.

Les chercheurs ont pris le soin d'ajuster leurs résultats sur différents paramètres démographiques, de mode de vie et de régime alimentaire (âge, origine ethnique, consommation de tabac, et / ou d'alcool, antécédents familiaux, ménopause, activité physique, consommation d'aspirine, prise de vitamines, hypertension, hypercholestérolémie, indice de masse corporelle, prise calorique totale, consommation de fruits et légumes).

Animal ou végétal, ça change tout

Après ajustements, ils ont trouvé qu'une prise alimentaire riche en acides gras monoinsaturés d'origine végétale est associée à une réduction de la mortalité (HR, 0,84 [IC 95%0, 86-1,00] ; P<0,01), alors qu'une consommation qui fait la part belle aux AG monoinsaturés d'origine animale est associée à un risque plus important de décès (HR, 1 21[IC 95%, 1,07-1,37] ; P<0,01).

De plus, pour un apport calorique équivalent, quand les AG d'origine végétale remplacent les AG d'origine animale, le risque de mortalité diminue de 15 %. On observe un bénéfice sur la mortalité également quand ils remplacent les glucides raffinés (diminution du risque de 14 %) et les AG trans (diminution du risque de 10 %).

En outre, une modélisation de substitution des AG monoinsaturés d'origine animale par ceux d'origine végétale montre une diminution de 24 % le risque de mortalité. Selon le même modèle, quand les AG monoinsaturés d'origine végétale remplacent à la fois les AG saturés et monoinsaturés d'origine animale, la diminution de la mortalité toutes causes est de 20%. Les chiffres sont les mêmes concernant la mortalité CV (HR, 0,74 et 0,83).

« Nos résultats soulignent le rôle bénéfique des AG monoinsaturés pour la prévention de la mortalité CV et toutes causes, quand l'alimentation végétale (huile végétale, noix, et produits dérivés) en est la source primaire » indique Martha Guasch-Ferré.

 
Pour un apport calorique équivalent, quand les AG d'origine végétale remplacent les AG d'origine animale, le risque de mortalité diminue de 15 %.
 

Des résultats en accord avec les recommandations... et le régime méditerranéen

Les limites de l'étude sont doubles. D'abord, les données sur le régime alimentaire sont fournies par les participants eux-mêmes. D'autre part, une plus grande consommation de fruits et légumes est en général le reflet d'un mode de vie plus sain.

Ceci dit, ces résultats sont en accord avec les recommandations nutritionnelles américaines et françaises. « La consommation de graisses végétales est encouragée alors que celle de graisses animales, en particulier les viandes rouges et celles transformées est découragée » rappelle Martha Guasch-Ferré.

En France, les dernières recommandations sur les repères alimentaires de l'Anses soulignent la plus grande place à donner aux légumineuses, aux produits céréaliers complets, aux légumes, aux fruits, ainsi qu’à certaines huiles végétales. Elles insistent sur la nécessité de limiter la consommation des viandes, hors volailles, et plus encore des charcuteries et des boissons sucrées.

D'autres travaux de recherche ont déjà mis en lumière l'effet bénéfique sur la santé CV du régime méditerranéen, qui consiste à mettre dans son assiette plus de fruits, de légumes et de légumineuses, de l’huile d’olive et moins de viande rouge.

« Nous estimons que 3,9 % de tous les nouveaux cas de maladies CV ou 12,5% des décès de cause CV de notre cohorte auraient pu être évités avec une meilleure adhérence au régime méditerranéen », indique la chercheuse Nita Forouhi (université de Cambridge, Grande-Bretagne), co-auteur d'une étude publiée dans BMC Medicine [2], ayant inclus 23 000 résidents britanniques et montrant qu'un régime méditerranéen était associé à une diminution de la mortalité et des maladies CV.

Des résultats utiles pour les consommateurs ?

« Cette nouvelle étude (présentée à l'AHA EPI/Lifestyle) apporte un éclairage supplémentaire car elle met en évidence les effets différents sur la santé des AG monoinsaturés selon leur classe » a expliqué le Pr Penny Krys-Etherton (Pennsylvania State University, Etats-Unis), porte-parole de l'American Heart Association à theheart.org/Medscape Cardiology.

« Il est très intéressant de voir des associations opposées entre AG monoinsaturés d'origine animale ou d'origine végétale et le risque de maladie CV » a-t-elle poursuivi.

« Nous avons toujours considéré que les AG monoinsaturés étaient neutres, on se rend compte qu'ils ne le sont pas ».

Mais la spécialiste a estimé qu'il ne semblait pas opportun, dans un contexte où on essaye de prendre en compte les bénéfices et les risques de chaque catégorie de lipide, de poursuivre les efforts de distinction entre AG monoinsaturés selon leur origine.

« Cela pourrait être source de confusion pour les consommateurs. Un message simple serait que les consommateurs devraient continuer à suivre les recommandations actuelles, à savoir substituer les graisses saturées par des insaturées, qu'elles soient mono ou polyinsaturées », a-t-elle commenté.

« La source principale de graisse saturée est d'origine animale tandis que la source principale de graisse insaturée est d'origine végétale. En substituant les AG saturés par des AG insaturés, les gens mangeront donc plus d'AG monoinsaturés d'origine végétale que d'AG monoinsaturés d'origine animale » a-t-elle conclu.

 
Un message simple serait que les consommateurs devraient continuer à suivre les recommandations actuelles Pr Penny Krys-Etherton
 

 

 

L 'étude a en partie été financée par des subventions à la recherche de la part de Unilever R&D et des National Institutes of Health. Deux co-auteurs sont des salariés de Unilever R&D.

 

 

 

 

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