Chicago, Etats-Unis — Au congrès annuel de la Société d’endocrinologie (ENDO) qui s’est tenu à Chicago le mois dernier, des chercheurs ont présenté les résultats d’une étude de sécurité et de recherche de dose qui montre le potentiel effet contraceptif d’un androgène de synthèse, le diméthandrolone undécanoate (DMAU), à prise orale quotidienne sans effets secondaires majeurs [1]. Faut-il croire à cette pilule contraceptive masculine ?
« Les DMAU est une avancée significative dans le développement de contraceptif masculin à prise quotidienne unique, a considéré le Dr Stephanie Page (Université de Washington, Seattle), dernier auteur de l’étude, dans un communiqué [2]. Sachant que les hommes sont plus favorables à une pilule contraceptive à prise journalière et réversible, qu’à des injections qui agissent sur le long terme ou des gels topiques, qui sont aussi en développement ».
Le défi de la prise journalière
La recherche sur la contraception masculine ne date pas d’hier, et les annonces de méthodes miraculeuses ont jalonné les 30 dernières années, avant de tomber aux oubliettes, soit par manque d’efficacité, soit par manque de compliance. Et au final, peu sont utilisées (voir encadré). Annoncé comme « prometteur », le diméthandrolone undécanoate (DMAU) va-t-il faire mieux que ses prédécesseurs ? Calqué sur la pilule contraceptive féminine, le DMAU, combine l’activité d’un androgène à celle d’un progestatif, et se prend une fois par jour. Ce serait son principal avantage. En effet, si les progrès en matière de recherche sur la pilule contraceptive masculine n’ont pas été aussi rapides qu’attendu, c’est en partie parce que les formes orales de testostérone disponibles sont susceptibles d’entrainer une atteinte hépatique, et sont de fait éliminées trop rapidement pour une posologie unique journalière, explique le Dr Page. L’astuce de cette molécule réside donc en partie dans le composant undécaoate, une longue chaine d’acides gras qui ralentit l’élimination du produit dans le corps, autorisant une seule prise quotidienne.
Des taux de testostérone quasi nuls
L’étude en double aveugle a inclus 100 hommes en bonne santé, âgés de 18 à 50 ans, et s’est déroulée dans deux centres aux Etats-Unis. Le DMAU a été testé à trois doses différentes (100, 200, et 400 mg) et dans deux formulations (solution huileuse et poudre) sous forme de capsules. Les participants se sont vus assigner le DMAU ou un placebo inactif avec la recommandation d’ingérer le médicament pendant 28 jours, en absorbant de la nourriture – condition nécessaire à son efficacité, précise le Dr Page.
Sur les 100 participants inclus, 82 ont été au bout de l’étude avec une compliance de plus de 90%. Des dosages sanguins hormonaux et lipidiques ont été réalisées le 1er et le dernier jour de l’étude (J1 et J28). A la plus forte dose de DMAU testée, 400 mg, les taux de testostérone des participants étaient quasi nuls, de même que les taux de FSH (hormone de stimulation folliculaire) et de LH (hormone lutéinisante) impliquées dans la production de spermatozoïdes. Des niveaux sur lesquels reposent les espoirs des chercheurs, puisqu’ils sont associés à un effet contraceptif dans des études à long terme, ajoute le Dr Page.
Pas d’effets secondaires à court terme
Autre résultat positif : « En dépit de taux circulants de testostérone bas, peu de sujets ont rapporté des symptômes en lien avec un déficit ou un excès de testostérone » observe le Dr Page. Même si tous les hommes sous DMAU ont expérimenté de légères et transitoires prises de poids et baisses du HDL-cholestérol. Pour autant, aucune modification majeure n’est apparue lors des évaluations de la fonction rénale et hépatique.
Pour ce qui est de l’humeur et de l’activité sexuelle, les hommes n’ont rien signalé en particulier dans les questionnaires, si ce n’est une baisse de la libido pour 9 d’entre eux (8 sous DMAU, 1 sous placebo sur 100) et de l’acné (5 sous DMAU et 3 sous placebo), signalent nos confrères de Medscape.com.
« Ces résultats prometteurs sont une première dans le développement d’une pilule masculine, a conclu le Dr Page. Des études sur du plus long terme – 3 mois – sont actuellement en cours pour confirmer que le DMAU à dose quotidienne inhibe bien la production de sperme ».
Si tous ces obstacles sont surmontés, restera encore à tester l’efficacité du médicament et la compliance des hommes en vie réelle. La pilule contraceptive pour homme n’est donc pas tout-à-fait pour demain.
La contraception masculine en France reste anecdotique
Légale en France depuis 2001, la vasectomie est la première méthode (et à dire vrai la seule) qui vienne à l’esprit en matière de contraception masculine efficace. Même si, sachant qu’elle n’est pas toujours réversible, elle devrait donc être considérée comme une méthode de stérilisation plutôt que comme une méthode de contraception, selon l’Association française d’urologie (AFU) [3]. Son coût est de 67€, apprend-on sur le site de l’Association pour la recherche et le développement de la contraception masculine (Ardecom) et elle est remboursée par la sécurité sociale sans restriction d’âge. Première méthode contraceptive utilisée dans le monde – 14% d’hommes sont vasectomisés en Chine, 13% aux Etats-Unis, 21% en Grande Bretagne, 9% en Espagne – elle reste très inusitée en France, où seules quelques centaines d’hommes ont adopté cette méthode. Encore plus confidentielle et hors AMM – seuls 2 médecins la prescrivent en France –, la contraception hormonale masculine réservée seulement aux hommes de moins de 45 ans en bonne santé. Le traitement qui a été le plus largement utilisé est l’énanthate de testostérone (ET) en solution injectable huileuse à la dose de 200 mg injectés en intra-musculaire profonde une fois par semaine, selon un protocole testé par l’OMS. Non dénué d’effets secondaires, la durée du traitement ne doit pas excéder 18 mois. Enfin, totalement anecdotique, la contraception masculine thermique consiste à élever la température des testicules d’environ 2 °C par des méthodes diverses allant de bains chauds répétés à la « remontée » des testicules par des moyens plus ou moins ingénieux (par ex : le “slip chauffant”) [3].
Conclusion : si la volonté d’équilibrer la responsabilité contraceptive dans le couple, de préserver la femme des effets indésirables ou contre-indications médicales de la contraception féminine, ou encore le choix de l’homme de maîtriser sa fertilité sont tout-à-fait louables, le passage en revue des méthodes de contraception masculines disponibles montre que le préservatif – en dépit de ses défauts et en attendant mieux – est encore celui qui remplit le mieux ces trois fonctions dans nos sociétés modernes.
Le National Institutes of Health détient le brevet du DMAU et a financé l’étude. Le Dr Page a déclaré avoir été consultante pour Clarus Therapeutics. |
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Citer cet article: Premiers résultats avec une pilule contraceptive masculine - Medscape - 3 avr 2018.
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