Télémédecine : les premiers tarifs déçoivent les médecins

Jean-Bernard Gervais

Auteurs et déclarations

27 mars 2018

Paris, France -- L’assurance maladie a dévoilé ses premières propositions en matière de rémunération des actes de téléconsultation et télé-expertise.  Les syndicats de médecins sont loin d’être satisfaits.

Frilosité

Débuté en janvier dernier, les négociations sur les tarifs applicables en télémédecine ont connu un épisode important, le 15 mars dernier. L’assurance maladie a, en effet, dévoilé ses premières pistes sur les tarifs qu’elle souhaite appliquer. Qui n’ont pas soulevé l’enthousiasme des syndicats médicaux (CSMF, FMF, SML, MG France, Le Bloc), loin s’en faut. « L’assurance maladie reste trop frileuse quant au tarif de la télémédecine », résume le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, contacté par Medscape.

Pour rappel, la création des actes en téléconsultation et téléexpertise a été actée dans la toute dernière loi de financement de la sécurité sociale 2018. L’article 54 de la LFSS 2018 stipule en effet que « la ou les conventions définissent en particulier le tarif et les modalités de réalisation des actes de télémédecine ». Et d’ajouter : « les actes de téléconsultation remboursés par l’assurance maladie sont effectués par vidéotransmission ».

25 euros pour les MG et de 30 euros pour les spé

Le 15 mars dernier, l’assurance maladie a donc abattu ses cartes, au sujet des tarifs. En matière de téléconsultation, l’assurance maladie a proposé une rémunération de 25 euros pour les médecins généralistes (C +MMG), et de 30 euros pour les autres spécialistes. Soit un paiement à l’acte. Le médecin (requérant) qui assiste le patient pendant l’acte pourra lui aussi prétendre à une rémunération. Exemple : un patient en compagnie de son médecin traitant téléconsulte un cardiologue ; le médecin traitant pourra alors facturer un acte de consultation. En outre, la téléconsultation sera intégrée dans le forfait structure, nouvel indicateur dans la rémunération sur objectif de santé publique (Rosp).

Le forfait structure, nouveauté de la convention médicale d’août 2016, devrait inciter les médecins à moderniser leur cabinet. L’intégration d’un indicateur de 50 points, soit 350 euros, destiné à la téléconsultation, leur permettra de s’équiper en matériel de vidéotransmission. En effet, l’Assurance maladie a rappelé que la téléconsultation doit être réalisée « en vidéotransmission dans des conditions d'équipement et d'accompagnement adaptées aux situations cliniques », et de façon sécurisée.

Deux niveaux en télé-expertise

La rémunération de la télé-expertise suivra deux niveaux. Le premier niveau définit une expertise simple, soit « un avis donné sur une question circonscrite sans nécessité de réaliser une étude approfondie d'une situation médicale ». Ce peut être une demande d’avis après une analyse de documents, de manière ponctuelle ou répétée. Le niveau 2 relève « d’un avis circonstancié donné en réponse à l’exposition d’une situation médicale complexe après étude approfondie et mise en cohérence ». Exemple : le suivi d’une plaie chronique par un dermatologue, ou encore l’adaptation d’un traitement épileptique en neurologie. Les télé-expertises de niveau 1, pour les médecins qui les prodiguent, seront rémunérés 12 euros l’acte. Elles seront limitées à quatre consultations par médecin et par patient. Les télé-expertises de niveau 2 seront rémunérées 20 euros l’acte aux médecins qui les dispensent, limitées à deux par médecin et par patient. Une rémunération a également été proposée aux médecins qui les demandent (requérants), sous forme forfaitaire. L’assurance maladie propose un forfait de 150 euros annuel, dès lors que le médecin requérant, qui devra également être le médecin traitant, aura demandé au moins 30 télé-expertises par an pour ses patients.

Syndicats mécontents

Les premières réactions des syndicats de médecins ne se sont pas fait attendre. Si le Syndicat des médecins libéraux (SML) reconnait les efforts de l’assurance maladie, il estime que l’aide à l’équipement en vidéotransmission sécurisée, d’un montant de 350 euros, n’est pas suffisante. Aussi, les montants des rémunérations des actes en téléconsultation ne sont pas suffisamment élevés pour inciter les médecins à utiliser ce nouvel type de consultations. Par ailleurs, fait remarquer le SML, rémunérer les médecins demandeurs (ou requérants) dans le cadre du forfait patient exclut tous les médecins de secteur 2 qui ne sont pas adhérents à l’option tarifaire maitrisée (Optam ou l’Optam-Co). Et le montant du forfait proposé, 150 euros, est symbolique. « A force de vouloir tout cadrer, d’être trop restrictif dans les possibilités, de proposer des rémunérations qui ne sont pas à la hauteur des enjeux, on ne peut que décourager les médecins de s’engager dans la téléconsultation et la téléexpertise », relèvent les médecins généralistes de la CSMF. Le syndicat Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (Reagjir) préconise pour sa part la forfaitisation de l'achat de matériel pour compenser l'investissement et les frais de fonctionnement, une plus juste rémunération pour les deux professionnels intervenants, et une téléconsultation mieux rémunérée. L’assurance maladie a prévu trois dernières séances de négociations, pour conclure autour de la mi-avril.

 
A force de vouloir tout cadrer, d’être trop restrictif dans les possibilités, de proposer des rémunérations qui ne sont pas à la hauteur des enjeux, on ne peut que décourager les médecins de s’engager dans la téléconsultation et la téléexpertise 
 

 

 

 

 

 

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