Le blog du Pr Pialoux - infectiologue
TRANSCRIPTION
Bonjour. Gilles Pialloux–je suis infectiologue à l’hôpital Tenon, à Paris, et aussi à l’université Paris-Sorbonne. Je reviens dans ce blog pour Medscape France sur une épidémie dont il a déjà été question ici même, celle du virus Zika, notamment dans les territoires d’outre-mer français.
Pourquoi revenir sur cette épidémie de Zika dont l’acmé était au début de l’année 2016 ? Parce que le New England Journal of Medicine du 15 mars publie une très intéressante étude de nos collègues de Pointe-à-Pitre entre autres et aussi de l’Institut Pasteur de Paris sur le risque d’anomalies congénitales liées à l’infection par le virus Zika lors de la grossesse [1].
Les questions en suspens
Les données du papier de Bruno Hoen, qui vaut d’ailleurs l’éditorial associé du New England, est une des plus grandes séries publiées sur la grossesse au cours de l’épidémie Zika. Elle renseigne notamment, sur la survenue des anomalies congénitales qui ont défrayé à la chronique, notamment les microcéphalies, ces atteintes du fœtus et de l’enfant à naître donnant des déformations très importantes avec un impact et un retentissement psychosocial très fort.
Nous n’étions pas très au clair sur ces microcéphalies. Elles avaient été déjà décrites dans les épidémies sur l’océan Indien, notamment en Micronésie en 2015. Mais, ce qui était nouveau, c’était la prévalence, puisque dans les études issues des publications brésiliennes on allait jusqu’à 42 % de prévalence, alors que dans les études nord-américaines des femmes enceintes infectées par Zika, on était à 6 % de microcéphalie.
Il y avait vraiment un gap entre les différents chiffres de prévalence.
Aussi, il n’y avait pas de facteur étiologique reconnu : on ne savait pas si c’était une pathogénicité différente du virus Zika, s’il y avait une modification de la transmission, une modification du vecteur — on se souvient même qu’on avait évoqué, et ça avait été mis dans la liste des fausses informations, l’existence d’Aedes, de moustiques transgéniques qui seraient la cause de cette infection, alors qu’il s’agissait juste d’une proximité géographique au Brésil — donc, on n’avait pas d’hypothèse.
Nous n’avons d’ailleurs toujours pas d’hypothèse étiopathogénique très claire, mis à part une toxicité directe du virus Zika sur le fœtus.
Principaux résultats de l’étude : des chiffres bien en-deçà de ceux du Brésil
Dans l’étude du New England Journal of Medicine du 15 mars, on a 546 grossesses, ce qui est très important, avec 527 enfants nés de mères infectées par le virus Zika — à peu près 50 % en Martinique, 45 % en Guadeloupe et 4 % dans les autres îles. Il n’y a évidemment pas de touristes, puisque les touristes qui ont pu être infectés, malgré les recommandations du service public de ne pas voyager, sont allés accoucher en dehors de ces territoires d’outre-mer.
La contamination par le virus Zika a lieu plus souvent au deuxième trimestre — 45,6 % — qu’au premier trimestre — 34 % — et 20 % au troisième trimestre.
Concernant la prévalence des anomalies neurologiques, il y a la microcéphalie, bien sûr, mais aussi les calcifications intracrâniennes, les non-fermetures du tube neural, les dilatations ventriculaires et les atteintes rétiniennes — on est à 7 %, très proche des données du CDC, avec un intervalle de confiance entre 5 % et 9,5 %.
Pour ce qui concerne la microcéphalie, précisément, on est à 5,8 %, c’est-à-dire que 32 fœtus ou enfants ont été déclarés microcéphales. Comme on s’en doutait, ces anomalies congénitales sont plus fréquentes lorsque la maman est infectée au premier trimestre — 12,7 % avec un P à 0,001 quand on compare à la contamination lors du deuxième et du troisième trimestre.
Il n’y a pas de différence de fréquence quand on compare la Martinique à la Guadeloupe. Il n’y a pas, non plus, de facteurs de risque retrouvés avec certains éléments confondants qui ont été déclarés comme des éléments de surrisque : l’exposition aux larvicides, l’exposition aux répulsifs antimoustique, la consommation d’alcool, de tabac, de drogues illicites ne sont pas une association qui est reconnue comme significative.
Par contre, ce qui est très clair, c’est que ces anomalies congénitales entraînent une augmentation de l’admission en soins intensifs, mais beaucoup moins qu’au Brésil : 1,3 % contre 21 % dans les études brésiliennes.
Qu’apporte de plus cette étude issue de la Martinique et de la Guadeloupe ?
Il s’agit de données consolidées sur une association qui est autour de 6 %-7 % de fréquence, qui confirme évidemment les recommandations sanitaires de ne pas voyager lorsqu’on est enceinte dans des lieux où le virus Zika et cette arbovirose circulent.
Elles montrent également qu’il reste encore à déterminer quels sont les facteurs physiopathologiques qui conduisent à ces anomalies très importantes. On se souvient qu’au Brésil, notamment, cette prévalence très importante était probablement expliquée par plusieurs facteurs — bien sûr la toxicité directe du virus Zika et, probablement, des facteurs environnementaux qui restent à déterminer.
Je vous remercie.
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Citer cet article: Zika et grossesse : le nouvel éclairage des données françaises - Medscape - 29 mars 2018.
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