SCA : faut-il donner une « dose de charge » de statines dès les urgences ?

Aude Lecrubier, Steve Stiles

Auteurs et déclarations

15 mars 2018

Orlando, Etats-Unis— Administrer de l’atorvastatine à forte dose (80 mg) juste avant et immédiatement après la prise en charge d’un syndrome coronarien aigu ne limite pas les risques d’événements, selon l’étude SECURE-PCI (Statins Evaluation in Coronary Procedures and revascularization) présentée lors du congrès de l’American College of Cardiology (ACC) 2018[1]et publiée simultanément dans le JAMA[2].

Dr Otavio Berwanger

Ces résultats suggèrent qu’il n’y a pas d’intérêt à administrer des fortes de doses de statines dès la prise en charge en aigu pour l’ensemble des syndromes coronariens aigus, indiquent les investigateurs de l’étude, le Pr Otavio Berwanger (Institut de recherche-Hôpital du cœur, Sao Paulo, Brésil) et coll.

En revanche, une analyse de sous-groupe pré-spécifiée montre que cette stratégie pourrait s’avérer payante, avec une baisse de 28 % des événements, chez les patients qui sont orientés vers une angioplastie, et ce, sans toxicité particulière.

Envisager les statines à forte dose dès l’hospitalisation ?

Dans l’étude, les 4000 patients souffraient d’un angor instable ou d’un infarctus aigu (IDM) avec ou sans élévation ST. Ils ont été randomisés pour recevoir, soit une forte dose de statine, soit un placebo juste avant et dans les 24 heures suivant l’angiographie coronaire suivie ou non d’une revascularisation. Tous les patients ont reçu de l’atorvastatine 40 mg/j pendant un mois.

L’absence d’effets sur les événements cardiovasculaires majeurs (MACE) alors que des bénéfices significatifs sont observés dans le sous-groupe « intervention coronarienne percutanée (ICP) », ont suscité de nombreuses réactions lors du congrès.

Parce que la dose de charge d’atorvastatine est bien tolérée et qu’elle semble bénéfique chez les patients qui vont avoir une ICP, il est raisonnable d’envisager cette stratégie chez les patients avec un SCA qui vont avoir une revascularisation. « Elle pourrait être intégrée en routine aux urgences chez ces patients », a commenté le Pr Berwanger lors de la présentation des résultats.

Le chercheur précise d’ailleurs qu’auparavant cette stratégie s’est avérée positive dans des petites études observationnelles et des méta-analyses.

Dans un éditorial accompagnant l’article[3], les Drs Stephen J. Nicholis et Peter J. Psaltis (Université d’Adélaïde, Australie) rappellent toutefois que « le message principal de l’étude est que l’utilisation de doses de charge d’atorvastatine chez les patients atteints de SCA n’est pas justifiée ». Mais, ils soulignent que les résultats positifs chez les patients qui subissent une ICP « suggèrent de façon intéressante que l’utilisation très précoce d’un traitement par statine à forte dose pourrait être bénéfique chez les patients bien sélectionnés ».

« Est-ce que le traitement devrait être administré le plus tôt possible lors de l’hospitalisation pour SCA reste à confirmer ». Mais, « SECURE-PCI est rassurante sur le fait que cette administration précoce n’est pas toxique », ajoutent-ils.

 
L’utilisation très précoce d’un traitement par statine à forte dose pourrait être bénéfique chez les patients bien sélectionnés  Les éditorialistes
 

Protocole et principaux résultats

L’essai mené dans 53 centres au Brésil a randomisé 4191 patients souffrant d’un angor instable ou d’un infarctus aigu (IDM) avec ou sans élévation ST pour recevoir une dose de charge d’atorvastatine ou un placebo. Les chercheurs précisent que 70 % d’entre avaient reçu un traitement par statine au long cours lors des 6 derniers mois.

Les deux doses de 80 mg d’atorvastatine ont été administrées à 2087 patients juste avant le cathétérisme et 24 heures après ; 2104 patients ont reçu les placebos correspondant.

Au final, 64,7 % des patients de l’ensemble de la cohorte ont subi une ICP, 8 % un pontage et 27,3 % ont été traités médicament sans revascularisation.

Les deux groupes avaient des taux d’événements graves MACE (décès toutes-causes, IDM aigu, AVC ou revascularisation non-planifiée) similaires à 30 jours ; soit 6,2 % dans le groupe « atorvastatine » et 7,1 % dans le groupe placebo.

Aucune différence significative n’a été observée entre les deux bras concernant la composition des MACE.

En revanche, l’effet significatif des doses de charge d’atorvastatine chez les patients qui ont eu recours à une ICP était due à la baisse du nombre de nouveaux IDM et non aux autres événements secondaires compris dans le critère MACE.

Principaux résultats

 

Evénements

 

 

RR ( IC 95 % )

 

p

MACE à 30 jours global

0,88 (0,69 à 1,11)

0,27

MACE à 30 jours sans ICP

1,59 (0,63 à 4,06)

0,54

 

MACE à 30 jours avec ICP

 

 

0,72 (0,54 à 0,96)

 

 

0,02

 

 

IDM à 30 j avec ICP

 

 

0,68 (0,47 à 0,99)

 

 

0,04

 

 

Les chercheurs précisent qu’aucun cas de rhabdomyolyse ou d’insuffisance hépatique n’ont été observés dans le bras atorvastatine. En revanche, trois cas de rhabdomyolyse sont survenus dans le bras contrôle.

 

Le Dr Berwanger a des liens d’intérêt avec Astra Zeneca, Amgen, Bayer, Novo Nordisk, Boehringer Ingelheim, Roche Diagnostics et Sanofi. Les Dr Beavers, Stone n’ont pas de liens d’intérêt. Le Dr Bohula a des liens d’intérêts avec Daiichi Sankyo, Merck, Eisai et Servier. Le Dr Bonow a des liens d’intérêt avec Gilead. Le Dr Nicholls a des liens d’intérêt avec AstraZeneca, Amgen, Anthera, Eli Lilly, Esperion, Novartis, Cerenis, the Medicines Company, Resverlogix, InfraDx, Roche, Sanofi-Regeneron, Liposcience, Takeda, Kowa, CSL Behring. Le Dr Psaltis a des liens d’intérêt avec Abbott vascular, AstraZeneca, Merck, Pfizer, Esperion et Bayer.

 

 

 

 

 

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