Stimulateurs et défibrillateurs « anciens » : l’IRM ne devrait plus être refusée

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

27 février 2018

Philadelphie, Baltimore, Etats-Unis – Depuis quelques années, tous les pacemakers et les défibrillateurs automatiques (DAI) implantés sont compatibles avec l'IRM. Toutefois, de nombreux patients sont encore porteurs de prothèses non compatibles et se voient souvent refuser l’examen d’imagerie. A tort ? C’est ce que montre une nouvelle étude prospective, portant sur plus de 1500 patients[1]. Ces nouveaux résultats confirment ceux de plus petites études, à savoir que l’IRM peut être envisagée si elle est nécessaire.

Dr Serge Boveda

« Cette étude est importante pour les patients qui ont été implantés avant l’arrivée des défibrillateurs et des pacemakeurs IRM compatibles ou pour ceux qui ont des dispositifs reliés à des sondes anciennes. Elle confirme qu’aujourd’hui, un patient qui a besoin d’une IRM ne doit plus se la voir refuser systématiquement. Avec des réglages et un suivi bien mené avant et après l’examen, l’IRM est généralement possible quand elle est indispensable », a commenté le Dr Serge Boveda (Clinique pasteur, Toulouse) pour Medscape édition française.

 
Cette étude confirme qu’aujourd’hui, un patient qui a besoin d’une IRM ne doit plus se la voir refuser systématiquement Dr Serge Boveda
 

Un protocole pré-spécifié de réglages des appareils et de suivi des patients

Dans cette étude prospective, non randomisée, le Dr Saman Nazarian et coll. (Ecole de médecine Perelman, Université de Pennsylvanie, Université Johns Hopkins, Baltimore, Etats-Unis) ont évalué la sécurité de la réalisation d’IRM 1,5 Tesla chez 1509 patients porteurs de pacemakers (58%) et de DAI (42%) considérés comme non-IRM compatibles. Globalement les patients ont réalisé 2013 IRM thoraciques et non-thoraciques jugées indispensables.

Avant de réaliser l’examen d’imagerie, les chercheurs ont changé les réglages des stimulateurs cardiaques en mode asynchrone « SOO » (stimulation obligatoire) pour ceux qui avaient une fréquence cardiaque de moins de 40 battements/minute car l'IRM peut entraîner une inhibition du stimulateur cardiaque, et donc des risques vitaux pour le patient et en mode synchrone (à la demande) pour les autres afin d’éviter les stimulations inappropriées possibles avec les interférences magnétiques. Pour les défibrillateurs, les fonctions ayant trait aux traitements des chocs électriques ont été déprogrammées. Les appareils ont été reprogrammés après l’examen.

Pendant l’IRM, les patients ont été suivis par une infirmière expérimentée sur le réglage des appareils et en réanimation cardiaque. Un spécialiste en électrophysiologie pouvait être appelé en cas de besoin et un défibrillateur externe était disponible. Les symptômes de type douleur, chaleur et palpitation ont été suivis grâce à un haut-parleur placé dans la pièce. La pression artérielle a été mesurée de façon non invasive toutes les 3 minutes. Un ECG a été réalisé en continu et l’oxymétrie de pouls était mesurée.

 
Pour les défibrillateurs, les fonctions ayant trait aux traitements des chocs électriques ont été déprogrammées
 

Pas d’effets secondaires dissuasifs

Les chercheurs soulignent qu’aucun effet secondaire sur le long terme n’a été signalé. En tout, 9 cas de « reset » en programme d’origine ont été rapportés (0,4 %, IC 95% [0,2 à 0,7]) dont 8 transitoires. Dans un cas, le pacemaker qui n’avait plus qu’un mois de vie de batterie n’a pas pu être reprogrammé et il a dû être remplacé. Dans un autre cas, un patient a ressenti des symptômes légers et dans un autre cas, le « reset » a été associé à une inhibition transitoire de la stimulation. Les chercheurs précisent qu’aucune dysfonction d’appareil n’a été observée sur le long terme chez les patients qui ont subi un « reset » (suivi moyen d’un an).

Concernant les changements de paramètres survenus immédiatement après l’IRM ou sur le long terme, aucun n’a nécessité de révision des sondes ou du système ou de reprogrammation de l’appareil.

Les modifications les plus notables concernant les paramètres des appareils (>50 %) immédiatement après l’IRM étaient une diminution de l’amplitude de l’onde P qui est survenue chez 1 % des patients.

Sur le long terme (résultats disponibles chez 63 % des patients, suivi moyen de 1 an), les modifications les plus notables étaient des diminutions de l’amplitude de l’onde P (4 % des patients), des augmentations du seuil de capture atrial (4 %), des augmentations du seuil de capture ventriculaire droit (4 %) et des augmentations du seuil de capture ventriculaire gauche (3 %). Les modifications observées au niveau des paramètres des sondes n’étaient pas cliniquement significatives et n’ont pas nécessité de révision ou de reprogrammation de l’appareil.

Les modifications les plus notables immédiatement après l’IRM étaient une diminution de l’amplitude de l’onde P qui est survenue chez 1 % des patients.

 « On peut dire que l’IRM a été bien tolérée. Certains appareils ont été réinitialisés mais cela est resté anecdotique et a pu être réglé par une reprogrammation après l’IRM. Aussi, il n’y avait pas de signe de brulure cutanée ou intra-cardiaque, comme auraient pu le montrer des augmentations importantes des seuils de stimulation ou des diminutions des seuils de détection », a commenté le Dr Boveda.

« Cette étude confirme ce que beaucoup pensent déjà. Elle devrait avoir un impact majeur pour les patients chez lesquels la non-réalisation d’une IRM à la recherche d’une néoplasie ou bien d’un AVC, par exemple, est une réelle perte de chance », conclut le Dr Boveda.

Le cardiologue français rappelle toutefois un critère d’exclusion important. « Les patients qui ont des sondes abandonnées dans le cœur sont peu nombreux mais, dans leur cas, les IRM sont formellement contre-indiquées car il peut y avoir un « effet antenne » de ces sondes libres ».

 

Cette étude […] devrait avoir un impact majeur pour les patients chez lesquels la non-réalisation d’une IRM […] est une réelle perte de chance Dr Serge Boveda

 

 

 

L’étude a été financée par l’Université Johns Hopkins University et le National Institutes of Health.

 

 

 

 

 

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....