Saint Denis, France -- En fin d’année, la Cour des comptes a publié un rapport alarmant sur la prise en charge des personnes présentant des troubles du spectre de l’autisme (TSA) qualifiant la connaissance des TSA en France de « lacunaire » et les progrès réalisés dans la prise en charge « d’insuffisants ».
Pour tenter d’améliorer la situation, la Haute Autorité de Santé (HAS) vient de publier, cette semaine, deux nouvelles recommandations sur l’autisme, l’une visant à améliorer le diagnostic précoce de l’autisme et l’autre sur les interventions à organiser pour optimiser la prise en charge des personnes adultes.
Un diagnostic et une prise en charge trop tardifs
Dans son premier texte : « Autisme de l’enfant : accélérer les étapes jusqu’au diagnostic, agir sans attendre », la HAS constate que « les enfants autistes sont diagnostiqués trop tardivement, en moyenne entre 3 et 5 ans ».
Un avis partagé par le Pr Frédérique Bonnet Brilhault, pédopsychiatre spécialiste de l’autisme (responsable du centre universitaire de pédopsychiatrie du centre hospitalier de Tours) qui avait récemment insisté, dans nos colonnes, sur l’importance d’un diagnostic plus précoce de l’autisme par les pédiatres et les médecins généralistes (voir entretien en fin de texte).
Pour la HAS, le diagnostic d’autisme est rendu difficile : 1) parce qu’il peut être confondu avec différents troubles (troubles de l’audition, de la vision, troubles « dys » ou du développement moteur, trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité…) ou 2) parce qu’il peut passer inaperçu – et ce d’autant qu’il est d’une faible sévérité – jusqu’à ce que les exigences sociales soient plus importantes (entrée à l’école, collège…), l’enfant pouvant « compenser » jusqu’à un certain point ses difficultés.
Repérer les signes précoces et proposer des bilans au plus vite
Pour ne pas passer à côté d’un diagnostic précoce, la HAS insiste sur plusieurs points et notamment sur l’importance de prendre en compte l’inquiétude des parents. « Si le diagnostic de l’autisme est complexe, des premiers signaux d’alerte peuvent être repérés par les parents et les professionnels de la petite enfance et de l’enfance : absence de babillage, de pointage à distance avec le doigt ou de gestes sociaux (coucou, au revoir) avant 12 mois, de mots à 18 mois et au-delà, d’association de mots à 24 mois et au-delà », précise la HAS.
En parallèle, la HAS insiste sur le rôle central du médecin traitant :« l’acteur clé pour établir un premier bilan et initier de premières actions sans attendre ». La HAS rappelle qu’en cas de suspicion d’autisme, le médecin doit orienter l’enfant vers une consultation spécialisée pour confirmer le diagnostic. Cependant, « le délai d’attente étant encore long et devant être amélioré (6 mois à 1 an parfois) », la HAS indique que le médecin traitant doit proposer sans attendre :
- des examens ORL et ophtalmologique, des bilans orthophoniques et du développement moteur pour une première évaluation des besoins de l’enfant ;
- et si nécessaire de premières interventions de rééducation (orthophonie, kinésithérapie, psychomotricité….) et de socialisation de l’enfant (crèche, centre de loisirs) avec une demande de vigilance particulière des différents professionnels.
En conclusion de ses recommandations, la HAS souligne « qu’à la veille du 4e plan autisme, le chemin à parcourir est encore long » et elle espère « que l’engagement de tous sera à la hauteur des enjeux ».
Le rôle clé des généralistes et des pédiatres : 3 questions au Pr Bonnet Brilhaut

Pr Frédérique Bonnet Brilhault
Lors du congrès de l’Encéphale 2018, Medscape édition française a demandé au Pr Frédérique Bonnet Brilhault (Tours) de préciser comment pédiatres et médecins généralistes pouvaient contribuer à optimiser le diagnostic de l’autisme.
Medscape édition française : Quel rôle peuvent jouer les pédiatres et les médecins généralistes dans le diagnostic précoce de l’autisme ?
Pr Bonnet Brilhault : Il s’agit d’un des enjeux majeurs dans la prise en charge de l’autisme. Les pédiatres et les médecins généralistes sont à même de repérer des signes chez l’enfant bien avant les pédopsychiatres. Avec une bonne connaissance des aspects fondamentaux du développement, il devient possible de repérer les dysfonctionnements du développement des systèmes de synchronisation socio-émotionnelle et d’intervenir précocement. Or, l’intervention précoce est un enjeu majeur en termes de pronostic.
En pratique, il faut apprendre à évaluer comment un nourrisson regarde dans les yeux, sa capacité de sourire-réponse. Les études montrent que chez certains bébés on peut être amené à avoir une sémiologie dès deux mois.
Au final, il faut que le médecin généraliste soit le médecin référent pour l’autisme. Il doit être au cœur de la prise en charge de l’enfant, de la coordination des soins. Il ne faut pas oublier que ces enfants ont aussi des difficultés de sommeil, d’alimentation, de croissance, ce qui accentue l’importance de ce médecin référent.
Les pédiatres et les médecins généralistes sont à même de repérer des signes bien avant les pédopsychiatres.
En cas de suspicion de trouble autistique, y a-t-il des mots ou des comportements à adopter ou à éviter ?
En tant que médecin, il est important, si un parent exprime une inquiétude, de prendre le temps de réévaluer cette inquiétude.
Aussi, il ne faut pas sauter à pieds joints sur des diagnostics d’autisme à deux mois ou à 3 mois de vie. Il est souhaitable de dire que l’on va évaluer ensemble la trajectoire de développement. On ne peut pas parler d’autisme avant que le diagnostic soit posé par une équipe pluridisciplinaire. Il faut accompagner les parents en disant que l’on voit des atypicités dans le développement et qu’on va aller un peu plus loin dans la compréhension de ces atypicités.
Enfin, en cas de suspicion de trouble, il ne faut pas être culpabilisant pour les parents car ils ne sont pas responsables. Mais, il ne faut pas non plus rassurer sans raison.
Il semblerait que les TSA soient sous-diagnostiqués chez les femmes. Pourquoi et que peut-on faire pour inverser la tendance ?
En effet, nous voyons de plus en plus de jeunes femmes qui n’ont jamais été diagnostiquées. Il est possible de passer à côté du diagnostic parce que la sémiologie est un petit peu moins bruyante, « socialement plus acceptable » que chez les garçons et que les filles ont une capacité d’adaptation un peu plus importante. On ne pensera pas forcément à un retrait relationnel chez une fille timide, un peu isolée, qui travaille.
Aussi, les questionnaires diagnostiques chez l’adulte avec TSA et sans DI permettent mieux de repérer la sémiologie chez les hommes ce qui fait qu’on peut passer à côté des formes féminines.
A l’avenir, l’idée est de bien décrire les spécificités des TSA féminins et de faire des outils adaptés.
Le Pr Bonnet Brilhault n’a pas de liens d’intérêt en rapport avec le sujet. |
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Citer cet article: Nouvelles recommandations HAS sur l’autisme : repérer les 1ers signes avant 12 mois - Medscape - 20 févr 2018.
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