Philippe Acar et Marie-Christine Malergue décrivent comment l’échocardiographie et l’impression 3D révolutionnent à la fois le cathétérisme interventionnel et la compréhension de la cardio-pédiatrie.
Enregistré le 17 janvier 2018, à Paris
TRANSCRIPTION
Marie-Christine Malergue — Bonjour, je suis Marie Christine Malergue, cardiologue spécialisée en imagerie, en particulier en échocardiographie, et j’ai le plaisir d’avoir à mes côtés le Pr Philippe Acar, cardio-pédiatre au CHU de Toulouse. Philippe, tu communiques [aux Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (JESFC 2018)] sur les progrès de l’imagerie en cardio-pédiatrie, et plus spécifiquement en échographie et en cathétérisme interventionnel. Peux-tu nous en dire plus ?
Philippe Acar — Bonjour, c’est un plaisir d’être interviewé par toi, grand nom de l’imagerie. Je vais essayer de parler de l’imagerie chez l’enfant. Effectivement, [j’interviens aux JESFC] sur l’apport de l’échographie 3D en cardiologie pédiatrique et dans le domaine vaste de la cardiologie interventionnelle chez l’enfant. Les apports se structurent essentiellement de deux façons qui sont d’une part l’échographie 3D dans la salle de cathétérisme et tout ce que cela apporte de nouveau, et d’autre part la révolution autour de l’impression 3D dans le domaine des cardiopathies congénitales
L’échographie 3D en salle de cathétérisme
Marie-Christine Malergue — L’écho 3D en cathétérisme interventionnel… est-ce la fusion ou l’echoNavigator®, c’est-à-dire la superposition des images ?
Philippe Acar —L’echoNavigator et la fusion des images sont une innovation récente qui date d’un peu moins de deux ans. C’est un long processus d’évolution de l’échographie 3D, échographie 3D qui est désormais possible en salle de cathétérisme grâce à ces sondes que tu connais bien chez l’adulte − transœsophagiennes 3D − qui permettent de faire des acquisitions volumiques en temps réel et qui sont désormais possibles chez l’enfant, puisque nous avons des sondes miniaturisées qui permettent de faire du matriciel.
Marie-Christine Malergue — Donc on applique ce qu’on faisait chez l’adulte maintenant, sans difficulté, chez l’enfant.
Philippe Acar — Alors, on a quand même des limites de poids et on ne fait pas de fermetures, notamment de shunt de communication interauriculaire ou interventriculaire sous échographie 3D en dessous de 15 à 20 kg. Mais disons qu’on peut, chez un petit enfant de 5-6 ans, faire du cathétérisme interventionnel avec de l’échographie 3D en appliquant, si on l’a, le logiciel echoNavigator.
Marie-Christine Malergue — Et en quoi cela t’aide-il spécifiquement, et en quoi cela aide les équipes, que ce soient les techniciens, le cathétériseur, l’échographiste ? Quel apport donne cet echoNavigator ?
Philippe Acar — En fait, il faut le voir pour le croire. Il faut être dans une salle de cathétérisme où, avec ce système-là, il n’y a plus qu’un seul écran — il n’y a pas l’écran de l’échographiste, l’écran du cathétériseur, mais un seul écran vers lequel tous les regards convergent, puisque vous aurez à la fois l’imagerie bidimensionnelle classique et tridimensionnelle, l’imagerie scopique telle que le cathétériseur a l’habitude de le voir et l’imagerie de fusion qui surimpose en fait les deux images — du 3D et de la scopie. C’est donc une possibilité d’améliorer le guidage des sondes et des obturateurs qui vont fermer des communications interauriculaires et interventriculaires, qui fait que cet outil est très précieux.
Marie-Christine Malergue — En quoi cela va aider à la compréhension de la procédure en définitive ? Parce qu’en salle de cathé, il y a du monde… les infirmières, les techniciens, le cathétériseur, l’échographiste… Donc on a l’impression que cela permet un peu à tout le monde de comprendre la procédure.
Philippe Acar — Oui, encore une fois, il faut y être pour le croire, parce que tous les regards convergent effectivement vers cet écran du manipulateur qui aide le cathétériseur à l’échographiste. On a montré, à Toulouse, en l’utilisant depuis maintenant un peu plus d’un an sur à peu près une trentaine d’enfants, que cela améliore la compréhension de la procédure. C’est-à-dire que lorsqu’on interroge par exemple l’infirmière ou la manipulatrice radio, elle va mieux comprendre la fermeture, par exemple d’un shunt auriculaire ou d’un shunt ventriculaire, de savoir qu’est-ce qu’on fait exactement et qui fait quoi.
Impression 3D dans les cardiopathies congénitales : une révolution
Marie-Christine Malergue — Ce qui est tout à fait passionnant et quasiment futuriste, c’est le printing 3D. J’aimerais vraiment que tu nous en parles — adapté, bien sûr, aux pathologies congénitales.
Philippe Acar — Nous nous occupons de la cardiologie congénitale, donc malformative, avec des structures anormales du cœur…. On a tellement envie de les toucher. Comme toi, nous avons eu des maîtres qui nous ont fait des cours d’anatomie à partir de spécimens d’enfants décédés. Mais heureusement, maintenant les enfants ne décèdent plus au moment des chirurgies et donc ces cœurs spécimens n’existent plus et il nous faut trouver d’autres moyens de compréhension et de communication de la cardiologie congénitale. En fait, la médecine a appliqué ce qui est fait dans l’ingénierie, qui est l’impression 3D à partir de données volumiques. Ces impressions 3D, on les fait essentiellement soit après un scanner, soit à partir de données d’échographie 3D. Et là c’est un assez long travail de modélisation où il va falloir travailler dans le volume acquis, et puis ensuite un travail d’impression, avec une imprimante 3D qui va nous donner ce petit cœur de taille réelle, que l’on va pouvoir manipuler.
Marie-Christine Malergue — Cela va être formidable pour comprendre la cardiopathie, pour nous les docteurs, mais aussi pour les parents, par exemple quand il y a une intervention lourde, pour qu’ils comprennent ce qui se passe au niveau du cœur de leur enfant. Je pense que c’est très riche en termes d’enseignement…
Philippe Acar — Oui… Paradoxalement, certains auraient pu penser que cela pouvait être un peu anxiogène pour des parents de voir un cœur tridimensionnel à manipuler. Et finalement non, parce que nous, quand on explique une malformation cardiaque à des parents, parfois dès l’anténatal — un couple qui attend une grossesse — ce n’est pas facile. On a nos petits schémas, on fait des petits carrés, des petites flèches… cela reste nécessaire pour expliquer la malformation et la physiologie, mais de voir en 3D la malformation donne un côté réel du cœur et le toucher, avoir une appréhension de ce que c’est exactement, la malformation cardiaque de leur enfant.
Marie-Christine Malergue — On va rêver − ou peut-être que ce n’est même pas du rêve, c’est peut-être déjà une réalité – et on pourrait imaginer que quand on veut fermer une CIA par exemple, ou en pathologie cardiaque adulte quand on veut fermer un auricule, on pourrait avoir ces modélisations d’une CIA et adapter et faire « des prothèses sur mesure » qui s’adapteraient à l’anatomie spécifique d’un patient, plutôt que d’avoir des prothèses stéréotypées pour un TAVI par exemple, où on sait que les prothèses sont circulaires alors que les anneaux ne le sont pas. Est-ce que tu imagines que ce genre d’application va être possible ?
Philippe Acar — C’est déjà dans les études où on peut effectivement reconstruire une voie d’éjection aortique, une voie d’éjection pulmonaire, un auricule, une communication interauriculaire ou interventriculaire et donc adapter ainsi totalement au patient la taille de l’obturateur ou de la prothèse qu’on veut mettre. Après, il faut rester dans une médecine réelle. C’est-à-dire qu’il faut avoir la possibilité d’avoir cette imagerie — et là qui est encore scanographique, donc un peu irradiante, peut-être que l’échographie 3D va s’améliorer dans la résolution et nous permettre de faire le printing — et après il faut que les équipes travaillent sur ces modélisations, c’est beaucoup de temps.
Marie-Christine Malergue — Merci de nous avoir fait rêver et bravo pour ce que tu fais.
Testez-vous avec les cas cliniques échocardiographiques interactifs du Dr Marie-Christine Malergue
Medscape © 2018 WebMD, LLC
Les opinions exprimées dans cet article ou cette vidéo n'engagent que leur(s) auteur(s) et ne reflètent pas nécessairement celles de WebMD ou Medscape.
Citer cet article: Cardiopathies congénitales : écho et impression 3D révolutionnent la prise en charge - Medscape - 26 févr 2018.
Commenter