Les surdoués sont-ils plus à risque de troubles psychiques ?

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

14 février 2018

Dans cet article

3. Dire que les enfants surdoués sont plus à risque est un mythe

Très en échec scolaire, très instables émotionnellement, hypersensibles, anxieux, dépressifs, dyslexiques, …les surdoués ? Le chercheur Franck Ramus (directeur de recherches au CNRS et professeur attaché à l’Ecole Normale Supérieure) n’en croit pas un mot et aime à démonter ce qui, selon lui, relève d’un « mythe » [4].  « Comment est-il possible que les enfants les plus intelligents et qui ont donc les meilleures chances de réussite soient en échec scolaire ? » s’est interrogé ce chercheur spécialiste du développement cognitif lors de la session [1]. La réponse serait d’ordre méthodologique et démographique : « toutes les études qui cherchent à faire des surdoués des personnes inadaptées ont un point commun, elles ne s’appuient pas sur l’ensemble de la population des surdoués mais n’en voient qu’un échantillon extrêmement biaisé ». En clair : ces études ne prennent en compte que les personnes qui consultent les psychiatres et les psychologues et celles qui adhérent à des associations (comme ici, cette étude chez des membres de la MENSA américaine [5]), créant un biais d’échantillonnage et conduisant à un raccourci : « les surdoués qui ont des problèmes » devient alors« les surdoués sont à problème ».

La plupart des surdoués ignorent qu’ils le sont

Avec ce biais de recrutement, les surdoués « ordinaires », ceux qui généralement réussissent brillamment scolairement et professionnellement, et qui la plupart du temps ignorent même leur surdon – notamment parce que n’ayant jamais posé problème, ils n'ont jamais passé de test et n’ont jamais été identifiés comme tels –, passent à la trappe. En effet, rappelle le chercheur, « dans un pays comme la France, les tests de QI ne sont pas administrés de manière systématique à toute la population, donc la plupart des gens ne passeront jamais un tel test de toute leur vie, et ne connaîtront donc jamais leur score ». En résumé, la plupart des personnes avec un QI supérieur à 130 sont souvent des surdoués qui s’ignorent. « Seule façon donc de vérifier si les surdoués sont plus « à problèmes », analyser des cohortes où des tests de QI ont été passés de façon systématique » ajoute Franck Ramus.

Pas davantage de problèmes comportementaux, émotionnels et sociaux

Avec son équipe, le chercheur a donc mené une étude sur 1100 enfants de la cohorte mère-enfant française EDEN dont les QI ont été évalués sur la base du WPPSI-III à l’âge de 5-6 ans [6]. Les résultats n’ont trouvé aucune différence significative sur le comportement, les problèmes de conduite, les symptômes d’hyperactivité / inattention, les problèmes relationnels avec les pairs et de comportement pro-social (questionnaires remplis par les parents : Strengths & Difficulties Questionnaires, SDQ) entre les enfants surdoués (N = 23 ; QI Total> 130) et les enfants avec un QI Total dans la fourchette normale (N = 1 058 ≥ 70 et ≤ 130). « Pour savoir ensuite si les surdoués sont plus à risque d’échec scolaire – ce qui serait étonnant puisque jusqu’ici la littérature scientifique a toujours montré une forte corrélation positive entre QI et réussite scolaire ou académique –, nous avons conduit une deuxième étude sur 35 000 collégiens issus du Panel 2007 de la DEPP ». Ces élèves ont réalisé des tests de QI non verbal (raisonnement sur cartes de Chartier), en 6ème et en 3ème (publication en préparation).

Les surdoués réussissent bien mieux scolairement que les autres

« Le critère primaire, les résultats au brevet des collèges, en fonction du score de QI mesuré en 6ème, fait état d’une très bonne corrélation (environ 0,6). Et la relation croissante ne s’inverse pas, même aux QI les plus élevés (soit 842 élèves). Sur cette cohorte, il est clair que les surdoués ont de bien meilleures performances que les autres, très peu sont en échec scolaire » indique Franck Ramus.

Et de conclure : « il n’y a aucune raison de croire que les surdoués en général ont prévalence accrue de troubles mentaux et comportementaux. Au contraire, les surdoués en général réussissent bien mieux scolairement que les autres, sont plus efficaces et plus motivés. Sans oublier que la plupart ne passent pas de test de QI et ne consultent pas de psys ». Ajoutant « les observations des cliniciens sur les surdoués qui les consultent sont intéressantes pour comprendre les tableaux cliniques particuliers des surdoués qui ont des problèmes mais ne peuvent rien dire sur les surdoués en général ».

 

 

 

 

 

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