Paris, France -- Le 30 décembre 2016 était publié un décret qui permettait de considérer comme un acte thérapeutique, la prescription d’une activité physique adaptée (APA) aux personnes atteintes d’une affection de longue durée (ALD). Un an plus tard, un député LREM, Belkhir Belhaddad, a fait un premier bilan de cette innovation thérapeutique. En deux semaines, le député, par ailleurs, vice-président de l’Association nationale des élus en charge du sport (ANDES), a effectué 17 auditions ainsi qu’un déplacement à Strasbourg, ville réputée pour avoir développé très tôt le sport-santé en 2012 (voir encadré). Après avoir conclu à un manque de succès pour cette initiative pourtant extrêmement positive, Belkhir Belhaddad a recherché les points d’achoppement et fait 10 propositions pour lever les obstacles.
Le galop d’essai strasbourgeois
À Strasbourg, depuis 2012, des personnes souffrant de certaines ALD (diabètes, cancers, VIH, maladies cardio-vasculaires, respiratoires et rhumatismales), très souvent à la demande du médecin généraliste, sont orientées vers des activités physiques. Le patient voit alors un éducateur sportif qui procède à un premier entretien, et à une évaluation physique globale. Sur la base de ce bilan, un programme d’activités physiques est alors défini avec le médecin traitant. Le patient est alors coaché par les éducateurs de la municipalité, ou par ceux des associations sportives partenaires. Ce « parcours de soins » peut durer entre un mois et trois ans. D’un point de vue financier, la première année est gratuite, et les deux années suivantes peuvent s’échelonner entre 20 et 100 euros l’année. Au total, cela représente un coût de 450 000 euros par an, dont 70% financés par la ville de Strasbourg. Depuis 2012, 2000 personnes ont pu bénéficier de ce programme, dont 70% de femmes et 30% d’hommes.
Manque de souplesse
A qui la faute ? Au décret. Bien qu’il se soit inspiré de l’expérience strasbourgeoise, sur le terrain, le dispositif législatif mis en place fin 2016 semble avoir rigidifié le système. Le Dr Alexandre Feltz, adjoint au maire de Strasbourg, l’a même qualifié d’«usine à gaz complètement folle». D’ailleurs, pour les médecins de la capitale alsacienne habitués à prescrire de l’activité physique, c’était plus simple avant. Un comble !
La mise en place du décret a, en effet, « standardisé » la formation des intervenants spécialisés, de fait, des éducateurs sportifs titulaires de licence délivrés par les fédérations sportives et qui dispensaient déjà des activités physiques adaptées (par exemple, en maisons de retraite) n’ont désormais plus le « diplôme » requis par le décret. Pour Belkhir Belhaddad, « un effort doit donc être fourni afin de mettre en place les formations complémentaires spécialisantes qui sembleraient encore faire défaut pour un certain nombre de pathologies », à l’instar du diplôme universitaire (DU) sport et cancer créé en 2009 à l’université Paris XIII en partenariat avec la CAMI Sport et Cancer.
Elargir la possibilité de prescription
L’activité physique adaptée (APA) ne bénéficie pas non plus d’un grand intérêt auprès des médecins généralistes, par manque d’informations.
Autre écueil : seul le médecin traitant peut prescrire l’APA. Or, dans de très nombreux cas, «la possibilité de prescription devrait a minima être élargie à ces médecins hospitaliers référents pour certaines pathologies lourdes, notamment les cancers ». Le décret n’a pas non plus prévu quoi que ce soit en matière de rémunération. Pour un travail qui prend entre 15 et 30 minutes au moins de consultation, aucun tarif forfaitaire n'a été prévu.
De la même manière, le coût, ensuite, des activités physiques prescrites, n’est pas pris en charge, même de manière partielle, par la sécurité sociale. Ce frein financier est « particulièrement prégnant pour les personnes en situation de précarité sociale que leur maladie chronique ne fait qu’accroître : ces personnes doivent pouvoir bénéficier pleinement de la solidarité nationale » considère le rapporteur.
Même si, des initiatives locales existent, à l’instar de la CPAM des Bouches-du-Rhône, qui a décidé de rembourser, dans le cadre d’une expérimentation, le coût des activités physiques prescrites aux femmes ayant souffert d’un cancer du sein.
Validation médico-économique : ça bloque
Autre difficulté relevée, l'impossibilité, d’un point de vue médico-économique, d’évaluer l’impact de l’activité physique pour les finances publiques. Pourtant, des chiffres circulent: alors que la prise en charge de 10 millions de personnes souffrant des 29 ALD coûterait à la collectivité plus de 70 milliards d’euros en 2013, soit près de 60% des dépenses d’assurance maladie, selon une estimation de l'Association Nationale des Élus en charge du Sport (ANDES), la généralisation de la pratique d’activités physiques aux 10 millions de personnes qui souffrent d’ALD pourrait générer une économie de 10 milliards d’euros. De son côté, le groupe associatif Siel Bleu, très actif dans la promotion de l’activité physique adaptée, estime que ses interventions auprès des résidents des maisons de retraite permettent de générer des économies comprises entre 470 et 700 millions d’euros.
Sachant qu’il est aujourd’hui largement démontré que l’activité physique peut éviter la survenue de pathologies et faire baisser les récidives ainsi que la mortalité sur un certain nombre de pathologies, il apparait clairement que c’est un dispositif qui peut avoir non seulement des incidences médicales, mais aussi des incidences en termes d’économies budgétaires, conclut Belkhir Belhaddad. Ajoutant avec bon sens : « Plutôt que de raisonner systématiquement en termes de coûts, il serait souhaitable d’appréhender les choses en termes de service médical rendu ».
10 propositions pour faire tomber les obstacles
Très motivé à relancer ce dispositif innovant, le député insiste sur l’importance de « donner corps à un modèle partenarial du «sport sur ordonnance», qui prenne appui sur le monde du sport et y intègre la dimension de la santé » et formule 10 propositions pour améliorer la prescription d’activités physiques à des fins thérapeutiques :
- intégrer la consultation médicale dans la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) ;
- faire prendre en charge par la sécurité sociale les séances d’APA ;
- étendre la prise en charge complémentaire ;
- proposer des licences sport-santé à des tarifs préférentiels ;
- améliorer l’information et la formation des médecins traitants ;
- assouplir les exigences en matière de formation des intervenants spécialisés;
- élaborer des référentiels clairs pour les différents acteurs ;
- proposer des indicateurs pour évaluer les retombées du décret du 30 décembre 2016 ;
- développer des études médico-économiques sur l’impact de la prescription d’activités physiques ;
- étendre le décret du 30 décembre 2016 aux patients souffrant d’hypertension artérielle, ainsi que d’autres pathologies y compris mentales.
Des initiatives pour promouvoir l’APA
Si le dispositif APA ne rencontre pas grand succès, c’est aussi parce qu’il est peu connu. Pourtant des initiatives sont prises pour le populariser auprès des médecins généralistes. L’association Siel Bleu a créé un campus qui ambitionne de devenir un organisme de formation continue des médecins en matière de sport-santé. Par ailleurs, dans le cadre de son dispositif «Prescri’forme», l’ARS Ile-de-France a développé de son coté des outils d’aide à la prescription d’activités physique adapté via sa plateforme téléphonique et son site Internet « La Santé par le Sport ». De son côté, la commission médicale du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) a produit, en avril 2017, un volume « Médicosport-santé », qui devrait être repris sous forme de fiches Vidal, d’ici la fin du premier semestre 2018. Enfin, au deuxième semestre 2018, la Haute autorité de santé (HAS) devrait formuler des recommandations ciblées, pathologie par pathologie et des référentiels d’évaluation. Très attendues, elles devraient permettre aux délégués de la Cnamts de sensibiliser les médecins traitants à l’intérêt de l’APA.
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Citer cet article: Le dispositif sport-santé peine à se mettre en mouvement - Medscape - 12 févr 2018.
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