Paris, France — Les femmes décèdent davantage que les hommes d’une maladie cardiovasculaire. Pourtant, elles restent moins bien dépistées et sont prises en charge plus tardivement. Au cours d’une intervention aux Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie[1], le Pr Claire Mounier-Vehier (CHRU de Lille) a rappelé les facteurs de risque, dont certains sont spécifiques à la population féminine.

Pr Claire Mounier-Véhier
Les maladies cardio-vasculaires touchent de plus en plus les femmes, en particulier les moins de 50 ans. Il s’agit de la première cause de mortalité chez les femmes en France, désormais plus nombreuses à décéder de maladie cardio-vasculaire que les hommes. En effet, sur les 147 000 décès recensés chaque année, 54% concernent des femmes (voir aussi la vidéo Maladie cardiaque chez la femme : comment améliorer le dépistage et la prise en charge ?).
Le tabagisme, principal responsable
« Les infarctus chez les femmes de moins de 50 ans ont triplé ces 15 dernières années », affirme le Pr Mounier-Véhier, également présidente de la Fédération française de cardiologie (FFC). En cause: l’évolution des modes de vie et l’adoption de comportements à risque (tabac, alimentation déséquilibrée, manque d’activité physique …).
A lui seul, le tabagisme est responsable de plus de 60% des infarctus survenant chez la femme jeune. En ajoutant l’obésité, l’hypertension et certains facteurs psychosociaux, essentiellement liés à la précarité, « il s’agit des principaux facteurs expliquant l’augmentation de 5% par an des infarctus chez les femmes de moins de 50 ans ».
En comparaison, le taux de décès associé à ces pathologies est sept fois plus élevé que la mortalité par cancer du sein. « Si le dépistage des maladies cardiovasculaires pouvait être systématique au moment de la péri-ménopause, comme l’est le dépistage du cancer du sein, on obtiendrait une baisse significative de la mortalité », estime la cardiologue, qui défend une proposition en ce sens (voir aussi la vidéo Maladie cardiaque chez la femme : comment améliorer le dépistage et la prise en charge ? ).
Car c’est un fait, les femmes sont aussi moins bien dépistées, non seulement parce qu’elles « ne se sentent pas concernées par les maladies cardiovasculaires », habituellement associées aux hommes, mais aussi parce que « les tests diagnostiques ont été conçus en se basant sur la physiologie cardiovasculaire masculine », souligne le Pr Mounier-Véhier.
Des signes cliniques différents
Les symptômes peuvent, en effet, être différents selon les sexes. La douleur dans la poitrine irradiant le bras gauche et la mâchoire, typique chez les hommes, est absente chez les femmes dans environ 40% des cas. Elle peut être remplacée par d’autres signes comme des nausées, des palpitations à l’effort, un essoufflement... Des signes souvent liés à un problème d’anxiété.
« Elles ne vont pas forcément associer certains symptômes à la maladie cardiovasculaire, surtout s’ils surviennent avant la ménopause », précise la cardiologue. De même, « les médecins vont plus spontanément recommander à une patiente de perdre du poids si elle se plaint d’essoufflement, sans faire le lien avec une maladie coronarienne sous-jacente ».
Autre facteur en défaveur de la population féminine : « d’un point de vue anatomique, les artères des femmes sont plus fines et se bouchent plus facilement », ce qui fait qu’elle récupèrent aussi plus difficilement après un accident cardiovasculaire, indique la FFC, dans une brochure de sensibilisation.
Comment identifier les femmes les plus à risque? Plusieurs facteurs ont été mis en évidence avant et après la ménopause, a rappelé la cardiologue. Parmi les plus connus, on peut citer l’hypertension, la consommation d’alcool « qui diminue l’efficacité des traitements antihypertenseurs » ou encore la sédentarité « encore plus délétère chez la femme ».
Ménarche précoce, migraine, SOPK…
Les facteurs de risque non habituels comprennent les maladies inflammatoires auto-immunes (lupus érythémateux, polyarthrite rhumatoïde…), propices au développement de maladie athéromateuse, la migraine, qui traduit une tendance aux contactions brutales du système vasculaire (spasmes), ainsi que l’apnée du sommeil.
Avant 50 ans, l’âge des premières règles apparait comme un facteur de risque majeur, une ménarche survenant entre 8 et 12 ans étant associées à un risque accru de développer un infarctus du myocarde à la ménopause. « Une ménarche précoce est associée à une prise de poids plus importante ».
La contraception est bien entendu à prendre en compte. « Le choix du contraceptif doit absolument intégrer le risque cardiovasculaire individuel de chaque femme, quel que soit le mode d’administration », dès lors qu’il contient des œstrogènes de synthèse, rappelle le Pr Mounier-Véhier.
La présence d’un syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), « qui favoriserait le syndrome métabolique » est aussi à considérer comme un facteur de risque (Voir notre article Syndrome des ovaires polykystiques : quel risque cardiovasculaire ?). Tout comme l’hystérectomie, « associé à un risque d’infarctus du myocarde multiplié par deux » ou la ménopause précoce, survenant avant 40 ans.
Après la ménopause, il faut tenir compte d’éventuels antécédents de cancer du sein, en particulier lorsque celui-ci a été traité par radiothérapie, « en raison du risque accru d’athérome au niveau coronaire ».
Post-ménopause: prudence en cas d’ostéoporose
Par ailleurs, une femme atteinte d’une forme sévère d’ostéoporose est à considérer comme à haut risque cardiovasculaire. Des études ont montré que « les cellules vasculaires et valvulaires peuvent se transformer en ostéoblastes et participer à la calcification des valves et des artères. »
Le syndrome métabolique représente l’un des principaux facteurs de risque. « Il concerne une femme sur deux à la ménopause ». Il est toutefois plus facile d’agir sur ce syndrome chez les femmes que chez les hommes, en particulier sur l’insulinorésistance, en améliorant l’alimentation et en favorisant l’activité physique.
Les troubles climatériques de la ménopause (bouffées de chaleur, irritabilité, douleurs musculaires, épuisement, trouble du sommeil…), liées à la diminution progressive des œstrogènes, sont aussi à ajouter dans la liste de facteurs de risque. « Cinq bouffées de chaleur par jour double le risque d’infarctus du myocarde » (Voir aussi notre article : Bouffées de chaleur précoces : nouveau facteur de risque cardiovasculaire ?).
« Il s’agit d’un bon critère pour instaurer un traitement hormonal de la ménopause lorsqu’il n’y a pas de contre-indication », ajoute la spécialiste. Après 60 ans, il est préférable d’administrer un traitement par estrogènes par voie transdermique, plutôt que par voie orale, associée à un sur-risque de thrombose et d’AVC.
Un score spécifique à l’étude
Pour évaluer au mieux le risque cardiovasculaire, il est envisagé d’élaborer un score spécifique pour les femmes, a indiqué le Pr Mounier-Véhier. « Aucun score de risque à disposition ne prend en compte les spécificités du risque hormonal des femmes. Ils ont tous été établis à partir de cohortes où les femmes étaient sous-représentées ».
Des progrès sont toutefois constatés dans la prise en compte des spécificités féminines. L’American Heart Association (AHA) a notamment émis des recommandations en 2014 sur la prévention de l’AVC chez la femme [2]. En France, la même année, la FFC a publié un livre blanc, avec un chapitre consacré aux femmes pour alerter sur ces défauts de prise en charge.
En plus d’adapter la prévention cardiovasculaire à la population féminine, il y est notamment recommandé d’« identifier les femmes à risque de maladies cardiovasculaires et leur proposer des prises en charge adaptées, en particulier au moment des trois phases clés: contraception, grossesse et ménopause ».
Pour cela, il est suggéré de « mettre en œuvre des modes de prise en charge spécialisée et transversale dans chaque territoire entre filières gynécologique et cardiologique en lien avec le médecin généraliste ».
Maladie cardiaque chez la femme : comment améliorer le dépistage et la prise en charge ?
Bouffées de chaleur précoces : nouveau facteur de risque cardiovasculaire ?
Ménopause : les œstrogènes par voie vaginale réduisent de 50% le risquecardiovasculaire
Syndrome des ovaires polykystiques : quel risque cardiovasculaire ?
Les calcifications vasculaires du sein, nouveau marqueur de risquecardiovasculaire?
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Citer cet article: Maladie cardiovasculaire chez la femme: quels facteurs de risque prendre en compte? - Medscape - 19 févr 2018.
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