France -- Plus d’un mois s’est écoulé depuis l’extension de l’obligation vaccinale chez les tout petits et le calme semble revenu, tout du moins dans les cabinets des pédiatres.
« Nous avons eu beaucoup de questions des parents l’année dernière, le plus souvent concernant le lien entre le vaccin contre l’hépatite B et la sclérose en plaques, mais cela s’est apaisé », indique le Dr Vurpillat-Almanza, pédiatre à Besançon (membre de l’AFPA), à Medscape édition française.
« Tout en continuant à répondre aux questions, nous avons une obligation qui lève les hésitations d’une population de parents qui écoutaient parfois plus les bruits de couloir que les messages scientifiques », souligne, pour sa part, le Dr Fabienne Cahn-Sellem, pédiatre à Puteaux, membre du Bureau de l’association française de Pédiatrie Ambulatoire (AFPA) et de la revue Le Pédiatre.
Au final, selon les deux pédiatres, les parents réalisent aujourd’hui que les 11 maladies à vaccination obligatoires depuis le 1 er janvier sont celles qui étaient déjà ciblées par les vaccins administrés en routine.
« L’obligation concerne plus ceux qui refusaient malgré nos explications répétées, ces parents-là ont désormais une règle qui devrait les sécuriser », commente le Dr Cahn Sellem.
La rougeole continue d’inquiéter
Pour le Dr Vurpillat-Almanza, qui travaille également en crèche, si la situation s’est améliorée, pour les prochains mois, en crèche, persistera une inégalité entre les enfants nés avant et après le 1er janvier.
« Nous avons demandé à ce que l’obligation vaccinale s’étende à tous les enfants présents en crèche mais cela n’est pas possible au niveau législatif. Cela signifie que les enfants nés après le 1er janvier qui devront obligatoirement recevoir leur vaccination contre la rougeole à 1 an (avant cela ils sont protégés par les anticorps maternels) pourront être contaminés, entre temps, par les plus grands qui n’ont pas eu l’obligation de se faire vacciner. Je trouve que cela pose un problème d’inégalité devant la loi alors que la rougeole est hautement contagieuse et peut être une maladie grave », explique-t-elle.
Le Dr Thiébaut-Noël Willig, pédiatre à Toulouse (membre de l’AFPA) rappelle qu’en raison de la couverture vaccinale insuffisante contre la rougeole en France, des épidémies continuent de frapper régulièrement la population. Depuis l’épidémie de 2008-2012 au cours de laquelle près de 24 000 cas de rougeole ont été déclarés dont 10 décès, plusieurs foyers épidémiques ont été observés. Le dernier en date frappe actuellement la Nouvelle Aquitaine avec plus de 200 personnes touchées et plus de 50 hospitalisations alors que l’épidémie n’a pas atteint son pic, selon l’agence régionale de santé locale.
« Nous avons en France une couverture vaccinale que beaucoup de pays en voie de développement sont capables de dépasser avec des programmes bien conçus. Nous continuerons à avoir des morts de la rougeole tant que nous ne vaccinerons pas 90 % de la population », souligne le pédiatre.
Une réflexion de populations à haut niveau de revenus
On le sait, la question de la vaccination est particulièrement sensible en France, surtout lorsqu’elle touche les enfants. Les polémiques successives sur la vaccination contre l’hépatite B, les vaccins anti-HPV et maintenant l’extension de l’obligation vaccinale pédiatrique en témoignent.
Mais, la méfiance touche aussi régulièrement d’autres pays riches. Au Royaume-Uni, une étude frauduleuse publiée dans le Lancet en 1998 (rétractée depuis) qui faisait le lien entre le vaccin de la rougeole, des oreillons et de la rubéole (ROR) et un « nouveau syndrome » de trouble de l'autisme et de l'intestin a semé la panique au début des années 2000 et, aux Etats-Unis la polémique sur les vaccins penta et hexavalents et le risque de mort subite du nouveau-né a aussi entraîné un recul de la vaccination.
Mais, ce scepticisme à reste une réflexion de pays occidentaux, selon le Dr Willig. « Les gens ont oublié ce qu’étaient la réalité et la mort par maladies infectieuses parce qu’ils ont la chance de vivre dans un pays riche à haut niveau d’hygiène et à haut niveau d’accès à la médecine. Si vous posez la question à des gens qui viennent d’Asie ou d’Afrique où la mortalité infantile est encore importante, il n’y a jamais de refus vaccinal », explique-t-il.
Toutefois, au final, les autorités de santé ont plutôt tendance à étendre le champ des vaccinations chez l’enfant, à l’image de la France avec la nouvelle extension de l’obligation vaccinale. Ces dernières années, le Royaume-Uni a proposé de vacciner tous les nourrissons contre le méningocoque B, alors que les Etats-Unis ont recommandé de vacciner les enfants contre la grippe dès six mois de vie et en Australie et aux Etats-Unis, il est désormais préconisé de vacciner tous les garçons contre le HPV.
Anecdote intéressante, en raison des épidémies successives de rougeole sur notre territoire, cet été les Centers for Disease Control (CDC) américains ont recommandé à leurs ressortissants non à jour dans leurs vaccinations de se faire vacciner avant de se rendre en France.
« Nous sommes probablement un des pays développés où il y a le plus de cancers du col, d’hépatite B et chez nous, on meurt de la rougeole alors qu’il n’y pas d’argument scientifique qui tienne la route contre la vaccination », s’agace le Dr Vurpillat-Almanza.
Sur ce dernier point, la nouvelle obligation vaccinale devrait améliorer la situation à moyen terme.
Pour le reste, ce sera aux médecins de continuer à convaincre les plus réticents de l’intérêt individuel et collectif de la vaccination. Un travail de longue haleine qui sera surement plus facile à accomplir pour certains vaccins que pour d’autres.
Grippe : l’importance d’un vaccin surtout « altruiste »
Le vaccin contre la grippe, notamment, figure en mauvaise place, même auprès des soignants. D’après un récent sondage de Medscape réalisé auprès de médecins français, allemands et américains, 37% de 724 répondeurs français étaient en désaccord avec l’exigence de la vaccination contre la grippe des soignants au contact de malades (voir le sondage « Ethique médicale »).
Des chiffres qui doivent absolument évoluer selon le Dr Willig. « Il ne parait pas acceptable de se dire que des professionnels de santé risquent de contaminer des personnes fragiles. Nous en tant que pédiatres, si on transmet involontairement la grippe à un nouveau-né, on s’en voudra toute notre vie. Le vaccin anti-grippe, pour les adultes en bonne santé, est surtout un vaccin altruiste », explique-t-il.
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Citer cet article: Obligation vaccinale : la tension retombe - Medscape - 8 févr 2018.
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