Trouble de la personnalité borderline: quelle prise en charge chez l’adolescent ?

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

6 février 2018

Paris, France La prévention et la prise en charge du trouble de la personnalité borderline chez l’adolescent sont parfois contestées. Toutefois, elles s’avèrent utiles, voire judicieuses, en raison du caractère flexible de la personnalité à cet âge, estime le Pr Mario Speranza (Le Chesnay), qui est intervenu lors du congrès de l’Encéphale 2018 [1].

« L’existence du trouble de la personnalité borderline à l’adolescence a fait l’objet de nombreuses controverses », a rappelé le pédopsychiatre. La difficulté à évaluer ce trouble est, en effet, renforcée face à des comportements excessifs, jugés normaux à cet âge, qu’il faut pouvoir distinguer des manifestations cliniques associées à la pathologie.

Une prévalence de 3%

Néanmoins, « la multiplication des études portant sur l’adolescent borderline confirme une certaine reconnaissance ». Et, depuis la quatrième édition du Manuel diagnostique et statistiques des troubles mentaux (DSM-4), « le diagnostic est applicable à l’adolescent, lorsque des traits de personnalité non adaptative persistent plus d’un an ».

La prévalence des troubles de personnalité borderline chez l’adolescent est évaluée à 3%, un taux proche de celui observé chez l’adulte. « C’est une population que l’on retrouve fréquemment dans les unités d’hospitalisation en psychiatrie » et facilement en demande de soins, précise le Pr Speranza.

Pour rappel, le trouble de la personnalité borderline se caractérise par des comportements impulsifs majeurs et par une instabilité dans les émotions, les relations affectives et la perception de l’image de soi . Il est quasiment aussi fréquent que le trouble bipolaire et fait partie des trois pathologies psychiatriques à plus haut taux de suicide.

Il s’agit d’un trouble particulièrement difficile à prendre en charge, même à l’âge adulte, en raison notamment de l’hétérogénéité des présentations cliniques et des troubles de l’attachement très spécifiques à cette pathologie (voir aussi Pourquoi est-il si difficile de prendre en charge les sujets «bordeline»?).

 
Le trouble de la personnalité borderline fait partie des trois pathologies psychiatriques à plus haut taux de suicide.
 

Privilégier l’approche dimensionnelle

Ces adolescents, confrontés plus jeune à une instabilité affective, présentent une hypersensibilité relationnelle. « A chaque fois qu’ils sont sollicités émotionnellement dans un cadre relationnel, ils réactivent ces modèles d’attachement pathologiques et développent des stratégies d’évitement », explique le psychiatre.

Concernant le dépistage du trouble chez l’adolescent, les études montrent que « l’approche dimensionnelle est plus pertinente » que l‘approche catégorielle, associée à une moins bonne stabilité diagnostique entre l’adolescence et l’âge adulte. L’évolution de la personnalité serait ainsi mieux prise en compte.

Rappelons que l’approche catégorielle envisage les manifestations psychiques comme des catégories distinctes pour définir les troubles de la personnalité. Tandis que l’approche dimensionnelle catégorise par le biais de divers traits de personnalité (les dimensions), en y associant une intensité allant du normal au pathologique.

Peu d’études ont validé chez l’adolescent les interventions thérapeutiques ayant fait leur preuve chez l’adulte borderline, a souligné le Pr Speranza. « L’adolescence représente pourtant une période clé pour la prévention et la prise en charge thérapeutique de ces troubles, en raison d’une certaine flexibilité dans les traits de personnalité ».

La prescription de médicament est à envisager uniquement en cas de comorbidités (Voir aussi notre article Etats limites : les traitements pharmacologiques visent les comorbidités). « Il n’existe pas de traitement pharmacologique contre les troubles de personnalité borderline », rappelle le spécialiste. « Il est plus judicieux de se concentrer sur les interactions psychosociales » et envisager une psychothérapie.

Utilisée avec succès chez l’adulte borderline, la thérapie de groupe s’appuyant sur le modèle STEPPS (Systems Training for Emotional Predictability and Problem Solving), qui aborde le trouble comme un problème de régulation de l’émotion, ne peut pas être envisagée chez l’adolescent, par manque de preuve d’efficacité.

 
L’adolescence représente une période clé pour la prévention et la prise en charge thérapeutique de ces troubles Pr Mario Speranza
 

Deux thérapies efficaces chez l’adolescent

Deux modèles de psychothérapies se sont révélés jusqu’à présent efficaces pour cette tranche d’âge: la thérapie comportementale dialectique (DBT), une thérapie cognitive-comportementale s’appuyant sur des techniques d’acceptation (voir encadré ci-dessous) et le traitement basé sur la mentalisation (MBT), qui associe une thérapie de groupe et une thérapie individuelle.

La DBT a été développé initialement « pour les situations de risque suicidaire sévère dans le trouble borderline adulte ». Adaptée à la population adolescente, en impliquant notamment la famille, elle permet une baisse des hospitalisations et une stabilisation des comportements sur le long terme.

 
Encore peu pratiquée en France, la thérapie comportementale dialectique (DBT) a été développée spécialement pour les patients borderline.
 

La MBT s’appuie sur la capacité à différencier et à séparer ses pensées et ses sentiments de ceux des personnes qui nous entourent. « L’approche est davantage centrée sur l’attachement », commente le Pr Speranza, l’objectif étant d’améliorer la gestion de l’affect et le contrôle émotionnel.

Cette thérapie semble faciliter chez l’adolescent le développement de relations intimes plus satisfaisantes. « De récentes études ont montré une diminution des conduites suicidaires et des automutilations, ainsi qu’une amélioration à long terme des capacités d’attachement ».

Zoom sur la thérapie comportementale dialectique

Encore peu pratiquée en France, la thérapie comportementale dialectique (DBT) a été développée spécialement pour les patients borderline. Elle fait partie des psychothérapies cognitives comportementales de troisième génération.

La thérapie débute par un entrainement à la méditation de pleine conscience (mindfulness) « pour que les patients focalisent leur attention sur ce qui se passe en eux, sans jugement et sans réagir de façon automatique ou impulsive », a expliqué le Dr Sybille Von De Fenn (Paris), lors d’une autre intervention consacrée à cette thérapie [2].

Dans un deuxième temps, les patients travaillent sur leur tolérance au stress, « en apprenant à réduire la tension intérieure par l’observation de la montée du stress ». Pour cela, ils développent leur compétence à se distraire « pour passer le moment de crise », qui peut se manifester, par exemple, par une activité physique répétée.

Les autres modules se focalisent sur la régulation émotionnelle, « pour savoir quand l’émotion est justifiée ou non », dans l’objectif notamment de réduire l’absence de contrôle. « Accepter les émotions et diminuer les blocages est fondamental ». L’augmentation de l’estime de soi, fortement mise à mal, est aussi un objectif majeur.

Caractérisé par une alternance entre séance individuelle et collective, « le rythme de la DBT est soutenu », le patient étant notamment invité à faire état quotidiennement de ses émotions sur un carnet spécifique. En cas de comportement dysfonctionel, « une analyse doit être menée par le patient avant la séance ». 

 

 

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