Dégénérescence des bioprothèses de valve aortique: consensus sur une définition standard

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

6 février 2018

Paris, France Un groupe d’experts internationaux a émis un consensus sur une définition standardisée de la dégénérescence des bioprothèses en position aortique. Objectif: améliorer la qualité du suivi des patients et permettre la comparaison sur la durabilité entre les prothèses implantées par voie transcatheter (TAVI) et celles implantées par voie chirurgicale.

Le consensus a été publié dans la revue Circulation [1]. Les points essentiels ont été présentés par le PrFabien Doguet (CHU de Rouen) lors d’une session spéciale des Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie consacrée aux faits ayant marqué l’année 2017 [2].

« Le document propose de caractériser de manière pratique et standardisée la dégénérescence des valves et apporte des recommandations sur les étapes du suivi des patients et de la surveillance par imagerie », précisent les auteurs. 

Une dégénérescence plus rapide par TAVI?

Contrairement aux valves mécaniques, les bioprothèses ont l’inconvénient de se dégrader avec le temps. Alors que le TAVI est de plus en plus pratiqué, il reste à savoir si ces valves posées par voie transcatheter présentent la même durabilité que celles implantées par chirurgie.

Le recul sur les TAVI est encore insuffisant pour se prononcer. Une récente étude, menée par le DrDanny Dvir (Washington Hospital Center, Etats-Unis) a toutefois suscité des inquiétudes, en rapportant une dégénérescence chez la moitié des patients, huit ans après la pose. Avec un début de dégradation significative observée entre quatre et six ans [2].

Dans cette étude, les signes de dégénérescence ont été recherchés au cours d’un suivi échographique. Cette dégénérescence a été définie par une régurgitation au moins modérée et/ou une sténose caractérisée par une élévation du gradient de pression moyen de plus de 20 mmHg, par rapport aux mesures obtenues immédiatement après l’implantation.

Si ces résultats, présentés en 2016 lors du congrès de cardiologie interventionnelle EuroPCR, à Paris, ont eu un certain retentissement, beaucoup de cardiologues se sont montrés prudents dans l’interprétation, en soulignant les limites de l’étude, qui s’appuie essentiellement sur des critères échographiques présentés comme discutables.

Nécessité d’un « discours commun »

« Cette étude et les réactions qu’elle a suscitées ont amené à rechercher un consensus sur une définition standard de la dégénérescence valvulaire », a expliqué auprès de Medscape édition française le Dr Thierry Bourguignon (CHU de Tours), co-auteur avec le Dr Dvir de ces nouvelles recommandations.

« Beaucoup d’études de suivi prennent en compte les symptômes et les critères cliniques liés à la dégénérescence des valves, en incluant notamment le taux de ré-intervention pour remplacer la bioprothèse devenue défectueuse, mais sans considérer l’évolution de la prothèse en elle-même », précise-t-il.

« Or, toutes les détériorations ne sont pas symptomatiques et tous les patients avec une prothèse détériorée ne sont pas forcément réopérés. Ce qui explique que l’incidence des détériorations a été jusqu’à présent sous-évaluée dans les études de suivi. »

« Il existe plusieurs définitions de la dégénérescence des valves aortiques », a souligné pour sa part le Dr Doguet, lors de son intervention. « Mais, à l’heure du développement des TAVI, il nous faut un discours commun pour évaluer correctement le risque de dégénérescence à long terme des différentes bioprothèses ».

La rédaction du document a fait appel à plusieurs experts internationaux. Il reprend les données de la littérature sur la durée de vie des différentes prothèses et expose les caractéristiques définissant la dégénérescence, avant de proposer une définition commune aux prothèses TAVI et aux prothèses chirurgicales « basée sur des critères échographiques précis et exhaustifs ».

 
A l’heure du développement des TAVI, il nous faut un discours commun pour évaluer correctement le risque de dégénérescence à long terme des différentes bioprothèses.
 

Des durées de vie très variables

« Les méta-analyses portant sur les bioprothèses (…) montrent que la dégénérescence débute habituellement huit ans après l’implantation, avec une nette hausse du taux de dégradation après dix ans », indiquent les auteurs, qui précisent que la durée de vie varie d’un modèle à l’autre et selon les générations.

Parmi les bioprothèses présentant une grande longévité figure la valve aortique de Carpentier-Edwards Perimount® (CE-P), associée à une survie en absence de dégénérescence à 15 et 20 ans, respectivement de 79% et 54% [4]. A l’opposé, des cas de dégénérescence observée dans les cinq premières années ont été rapportés avec d’autres modèles [5].

Pour caractériser la dégénérescence d’une bioprothèse, on distingue les facteurs liés au patient de ceux associés à la prothèse en elle-même. « Si certains facteurs sont communs aux prothèses chirurgicales et aux prothèses TAVI (nature du tissu utilisé, fixation au glutaraldéhyde, traitement anticalcification…), ces dernières présentent des caractéristiques qui pourraient éventuellement modifier cette durabilité », souligne le Dr Bourguignon.

« La compression des feuillets [des valves de bioprothèse posées par TAVI] nécessaire pour faire passer la valve par voie transcutanée induit de microscopiques lésions tissulaires », précisent les auteurs. De plus « la tendance à réduire la taille du manchon pour faciliter l’insertion du dispositif (…) requiert d’avoir des feuillets encore plus fins, ce qui peut réduire la durée de vie ».

Trois stades de dégénérescence

En se basant sur des critères échographiques et en tenant compte du caractère progressif du processus de dégradation, les experts ont défini trois grands stades de dégénérescence structurelle des valves (SVD), qu’ils ont associé à une prise en charge spécifique:

-   Stade 0: la valve est normale. Le suivi se résume à une évaluation clinique et échographique annuelle.

-   Stade 1: l’aspect morphologique de la valve se modifie au niveau des feuillets de la prothèse, sans manifestation hémodynamique. Les échographies sont à répéter tous les trois à six mois, « après le diagnostic initial du début de dégénérescence », indique le Pr Doguet. « On propose éventuellement une anticoagulation si les feuillets des valves semblent s’épaissir. »

-   Stade 2S: apparition d’une sténose modérée. « La surveillance est renforcée ». Les échographies sont maintenues tous les trois à six mois après le diagnostic initial, « même si une stabilisation est observée ».

-   Stade 2R: apparition d’une régurgitation modérée. La stratégie de surveillance est la même que pour le stade précédent.

-   Stade RS: apparition d’une maladie aortique. L’évaluation clinique se poursuit dans les mêmes conditions et l’intervention pour remplacer la prothèse est à envisager lorsque le patient devient symptomatique.

-   Stade 3: développement d’une sténose aortique sévère ou d’une insuffisance aortique sévère. La valve est à remplacer.

Même si ces critères de dégénérescence n’émanent pas directement des sociétés savantes comme l’AHA/ACC ou l’ESC/EACTS, le Dr Bourguignon se dit confiant sur la possibilité qu’elles soient reprises pour le suivi des patients et dans les études comparatives évaluant les différentes prothèses, notamment les TAVI.

« Les critères échographiques retenus par notre groupe devraient notamment être repris dans le prochain document du Valve Academic Research Consortium-3 (VARC-3) », précise le chirurgien. Celles-ci sont destinées à évaluer les conséquences cliniques de l’implantation des valves aortiques par cathéter.

 

Le Dr Bourguignon a déclaré des liens d’intérêt en tant que consultant/orateur pour Edwards Lifesciences, fabricant de bioprothèses (chirurgicales et TAVI).

 

 

 

 

 

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