Le blog du Dr Boris Hansel - Diabétologue et nutritionniste
TRANSCRIPTION
Je vais revenir sur un thème qui a fait l’objet d’une large communication grand publique au cours des dernières semaines : la guérison du diabète de type 2. Ce qui a alimenté cette communication, ce sont notamment les résultats de l’étude DiRECT, une étude qui a été publiée en ligne sur le site du Lancet.
En quelques mots, il s’agissait :
Un essai randomisé en cluster — c’est-à-dire qu’on tire au sort non pas les individus, mais les centres dans lesquels on expose les volontaires à l’intervention et les centres dans lesquels on décide de recruter les sujets témoins.
L’intervention : un régime très hypocalorique avec des substituts de repas pour un apport calorique quotidien de moins de 850 calories par jour pendant environ 4 mois, suivi d’une période de réintroduction d’une alimentation équilibrée sur une période de 2 à 7 semaines, avec ensuite un suivi mensuel en vue de stabiliser le poids. Dans cette intervention, l’activité physique n’était pas particulièrement encouragée — on demandait aux gens de suivre simplement ce qu’ils avaient l’habitude de faire — et les traitements antidiabétiques et antihypertenseurs étaient tous interrompus en début d’étude et réintroduits par la suite, mais uniquement en cas de besoin.
Les sujets témoins : ils recevaient des soins conformes aux recommandations anglaises en vigueur. Quelle était la population incluse ? Il s’agissait de sujets qui avaient en moyenne une hémoglobine glyquée de 7,7 % — donc un équilibre glycémique assez moyen —, un indice de masse corporelle autour de 35 en moyenne — donc une obésité sévère.
Les résultats à un an sont très clairs :
une perte de poids de plus de 15 kg a été obtenue chez un quart des patients du groupe intervention et chez zéro sujets témoins. Donc, un effet assez important sur le poids avec l’intervention.
En ce qui concerne la rémission du diabète, on a observé, toujours à 1 an, que près de la moitié des sujets étaient en rémission dans le groupe intervention contre seulement 4 % dans le groupe témoin.
Dernier résultat (sans surprise) : la rémission du diabète était associée à la perte de poids.
Face à cette étude et ces résultats, je voudrais poser deux questions :
est-ce que ces résultats sont nouveaux ?
est-ce qu’on peut en retirer quelque chose pour la pratique clinique ?
D’abord, est-ce que ces résultats sont nouveaux ? Les auteurs signalent — et là, il faut le dire, c’est juste — qu’il s’agissait de la première étude randomisée ayant pour objectif principal de tester l’impact d’une perte du poids sur la rémission du diabète. Maintenant, est-ce que c’est vraiment nouveau pour ce qui est de ce qu’on voit dans cette étude ? Il faut avouer qu’il n’y a rien de neuf dans l’idée que perdre beaucoup de kilos met un diabète en rémission. C’est ce qu’on observe dans un certain nombre d’études qui ont évalué des régimes très restrictifs, c’est également ce qui se passe chez les patients qui ont une chirurgie bariatrique. Alors même si on peut imaginer que d’autres mécanismes que la perte de poids soient impliqués dans la chirurgie bariatrique sur la rémission du diabète, on est quand même tous assez convaincus que la perte de poids après chirurgie est en grande partie responsable de la rémission du diabète. Donc des résultats qui ne sont pas surprenants, puisqu’on les connaît dans d’autres études, même si l’objectif principal dans ces autres études n’était pas d’évaluer l’effet sur la rémission du diabète. Donc on va reconnaître, malgré tout, le mérite de ces auteurs qui ont conduit une très belle étude randomisée dans laquelle peu de monde, peu de scientifiques, auraient été capables ou auraient tenté de s’investir.
Deuxième question, que peut-on tirer de ces résultats pour la pratique clinique ? Pour y répondre, je vais poser une autre question : quelle est la proportion de nos patients, ceux que nous voyons en consultation quotidiennement, qui sont capables de suivre un régime aussi restrictif pendant plusieurs mois ? Et également, parmi ces patients qui suivraient un tel régime, que deviennent-ils au-delà de quelques mois ? Là, on retombe dans la problématique classique de tous les régimes très hypocaloriques et de leurs effets à long terme. Les résultats, vous les connaissez, je ne vais pas revenir sur l’efficacité à long terme des régimes restrictifs qui, finalement, concernent assez peu de personnes. Si on revient sur les résultats de l’étude DiRECT, on peut voir qu’ils sont très supérieurs à ce qu’on peut observer dans la vie réelle. Moins de 15 % de perdus de vue à 12 mois dans l’étude DIRECT – c’est très différent de ce qu’on peut observer dans la vie réelle, avec nos patients, où on perd de vue pas mal de monde, et puis, dans les essais, ou en général c’est plutôt de l’ordre de 30, 40 voire 50 % des patients qui sont perdus de vue à un ou deux ans, donc beaucoup plus de perdus de vue que ce qu’il y a dans l’étude DiRECT. Donc, ce qui est clair, c’est qu’ici la sélection des patients du groupe intervention a été très stricte — probablement qu’on a inclus dans ce groupe uniquement des sujets dont on sentait bien qu’ils allaient adhérer à un régime très restrictif.
Concrètement, à mon sens, cette étude n’apporte rien de très nouveau sur l’intérêt de la perte de poids, mais, pour ma part, elle me rappelle une chose que je sais, mais qui est souvent bien de rappeler : il existe des patients qui sont capables de maigrir et de maigrir beaucoup. Et même s’il ne s’agit que de 4 ou 5 % de nos patients, donc capables de perdre 15, 20, 30 kilos, ça vaut peut-être la peine d’essayer de leur proposer un régime strict, à condition que ce soit sous surveillance et à un moment bien choisi. S’ils répondent, eh bien tant mieux, sinon, tant pis. À condition, toutefois, de se souvenir de l’importance de ne pas les culpabiliser, ni même que cela soit perçu par le patient et par le soignant comme une situation d’échec, puisque c’est « normal » de reprendre des kilos ou de ne pas perdre beaucoup de poids quand on est en obésité sévère.
Voilà pour ce qui est de mon analyse de l’étude DiRECT et de ses implications pratiques. Je vous remercie de votre attention et je vous dis à très bientôt sur Medscape.
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Citer cet article: Rémission du diabète dans DiRECT: beaucoup de bruit pour rien? - Medscape - 31 janv 2018.
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