Grippe : 6 fois plus de risque d’infarctus dans la semaine qui suit le diagnostic

Marine Cygler

Auteurs et déclarations

1er février 2018

Toronto, Canada – Une étude canadienne publiée dans le 24 janvier dans le NEJM démontre pour la première fois le lien de cause à effet entre les infections respiratoires aiguës, en particulier la grippe, et la survenue d'infarctus du myocarde (IDM) [1].

Ce travail mené par le Dr Jeffrey C. Kwong (Université de Toronto, Canada) et ses collègues confirme l'association souvent observée entre syndrome grippal et événements cardiovasculaires. Mais, jusqu’ici, les différentes études réalisées à ce sujet manquaient soit d'un diagnostic de la grippe confirmé en laboratoire, soit d'une méthodologie suffisamment solide autorisant à affirmer le lien avec certitude.

Pour cette nouvelle étude, les chercheurs ont utilisé les données de santé de l'Etat de l'Ontario pour analyser les cas d'infections respiratoires attestées et identifiées par prélèvement et les hospitalisations urgentes liées à un IDM entre mai 2009 et mai 2014. Ils ont ainsi pu établir une série de cas où les témoins, âgés de plus de 35 ans, sont leur propre contrôle. Cette méthodologie limite les biais. 

Un intervalle de risque de 7 jours

L'équipe canadienne a ensuite comparé l'incidence de survenue des infarctus pendant l'intervalle de risque, défini comme étant les sept jours suivant le test positif pour la grippe, par rapport aux intervalles de contrôle, à savoir les 52 semaines précédant le test positif et les 51 semaines suivant l'intervalle de risque.

Sur les 364 hospitalisations pour IDM, 344 ont eu lieu pendant les intervalles de contrôle, ce qui revient à un taux d'admission moyen de 3,3 par semaine.

20 IDM se sont produits pendant l'intervalle de risque, soit un taux d'hospitalisation de 20,0 par semaine (un taux six fois plus élevé que pendant les intervalles de contrôle). Après la première semaine, le risque chute rapidement, et non graduellement au grand étonnement des chercheurs. Dès le jour 8 après le test positif, il n'y a, semble-t-il, plus de sur-risque lié à l'épisode grippal.

Date d'hospitalisation pour infarctus après le test positif à la grippe

Taux d'incidence (CI à 95%)

Jours 1 à 3

6,30 (3,25–12,22)

Jours 4 à 7

                         5, 78 (3,17–10, 53)

Pour la première semaine après le test, le taux d'incidence est donc de 6,05 (3,86 – 9,50)

Jours 8 à 14

0,60 (0,15 – 2,41)

Jours 15 à 28

0,75 (0,31–1,81)

 

 
Après la première semaine, le risque chute rapidement.
 

Un sur-risque avec d’autres infections respiratoires

Concernant le mécanisme physiopathologique menant à l'IDM, le tropisme du virus de la grippe sur les artères n'est pas connu. En revanche, les processus inflammatoires causés par l'infection sont, eux, suspectés.

Un sur-risque de faire un IDM, moins élevé que pour la grippe mais significatif, a également été observé pour d'autres infections pendant l'intervalle de risque.

 Types d'infection

Rapport d'incidence (IC 95%)

Grippe de type A

5,17 (3,02 – 8,84)

Grippe de type B

10,11 (4,37 – 23,38)

VRS (virus respiratoire syncitial)

3,51 (1,11 – 11,12)

Autres virus

2,77 (1,23 – 6,24)

Maladies respiratoires non virales non identifiées

 

3,30 (1,90 – 5,73)

La vaccination anti-grippale en prévention

«Dans l'étude de Jeffrey Kwong, certains patients vaccinés attrapent la grippe et font un infarctus. Bien sûr, le vaccin antigrippal n'est aujourd'hui pas efficace à 100 %, mais comme il diminue le risque d'attraper le virus quand on est exposé, il diminue de fait celui de faire un infarctus » a commenté Dr Odile Launay, infectiologue à l’Hôpital Cochin (Paris) lors d'un entretien téléphonique à Medscape édition française. D'ailleurs, les auteurs de l'étude insistent sur la pertinence des politiques d'encouragement de la vaccination antigrippale pour les personnes âgées de 65 ans et plus. Celles-ci étant plus concernées par l'IDM que les plus jeunes lors de l'intervalle de risque.

Différents travaux ont déjà montré la pertinence de la vaccination antigrippale pour la prévention des pathologies coronariennes, en particulier chez les personnes à haut risque vasculaire ou ayant déjà présenté un IDM.

« C'est un message important à la fois pour la population et pour les cardiologues. Les spécialistes du cœur ne sont pas assez sensibilisés à la vaccination » a souligné l'infectiologue.

 
Les spécialistes du cœur ne sont pas assez sensibilisés à la vaccination  Dr Odile Launay
 

 

Jeffrey C. Kwong ne déclare pas de conflit d'intérêt. Pour ses co-auteurs, voir sur nejm.org.

Odile Launay n'a pas de lien avec l'étude.

 

 

 

 

 

 

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