Paris, France – La Cour des comptes vient de publier un rapport alarmant sur la prise en charge des personnes présentant des troubles du spectre de l’autisme (TSA) en France.
Pour l’institution, la connaissance des TSA, demeure « lacunaire et doit être améliorée ». Et, « les progrès réalisés dans les prises en charge des enfants et surtout des adultes sont encore insuffisants ».

Pr Frédérique Bonnet Brilhault
Lors du congrès de l’Encéphale 2018, Medscape édition française a demandé au Pr Frédérique Bonnet Brilhault, pédopsychiatre spécialiste de l’autisme (responsable du centre universitaire de pédopsychiatrie du centre hospitalier de Tours) quels conseils elle pouvait donner aux pédiatres et aux médecins généralistes pour optimiser le diagnostic et la prise en charge de l’autisme.
Medscape édition française : Quel rôle peuvent jouer les pédiatres et les médecins généralistes dans le diagnostic précoce de l’autisme ?
Pr Frédérique Bonnet Brilhault : Il s’agit d’un des enjeux majeurs dans la prise en charge de l’autisme. Les pédiatres et les médecins généralistes sont à même de repérer des signes chez l’enfant bien avant les pédopsychiatres. Avec une bonne connaissance des aspects fondamentaux du développement, il devient possible de repérer les dysfonctionnements du développement des systèmes de synchronisation socio-émotionnelle et d’intervenir précocement. Or, l’intervention précoce est un enjeu majeur en termes de pronostic.
En pratique, il faut apprendre à évaluer comment un nourrisson regarde dans les yeux, sa capacité de sourire-réponse. Les études montrent que chez certains bébés on peut être amené à avoir une sémiologie dès deux mois.
Au final, il faut que le médecin généraliste soit le médecin référent pour l’autisme. Il doit être au cœur de la prise en charge de l’enfant, de la coordination des soins. Il ne faut pas oublier que ces enfants ont aussi des difficultés de sommeil, d’alimentation, de croissance, ce qui accentue l’importance de ce médecin référent.
En cas de suspicion de trouble autistique, y a-t-il des mots ou des comportements à adopter ou à éviter ?
Pr F. Bonnet Brilhault : En tant que médecin, il est important, si un parent exprime une inquiétude, de prendre le temps de réévaluer cette inquiétude.
Aussi, il ne faut pas sauter à pieds joints sur des diagnostics d’autisme à deux mois ou à 3 mois de vie. Il est souhaitable de dire que l’on va évaluer ensemble la trajectoire de développement. On ne peut pas parler d’autisme avant que le diagnostic soit posé par une équipe pluridisciplinaire. Il faut accompagner les parents en disant que l’on voit des atypicités dans le développement et qu’on va aller un peu plus loin dans la compréhension de ces atypicités.
Enfin, en cas de suspicion de trouble, il ne faut pas être culpabilisant pour les parents car ils ne sont pas responsables. Mais, il ne faut pas non plus rassurer sans raison.
Il semblerait que les TSA soient sous-diagnostiqués chez les femmes. Pourquoi et que peut-on faire pour inverser la tendance ?
En effet, nous voyons de plus en plus de jeunes femmes qui n’ont jamais été diagnostiquées. Il est possible de passer à côté du diagnostic parce que la sémiologie est un petit peu moins bruyante, « socialement plus acceptable » que chez les garçons et que les filles ont une capacité d’adaptation un peu plus importante. On ne pensera pas forcément à un retrait relationnel chez une fille timide, un peu isolée, qui travaille.
Aussi, les questionnaires diagnostiques chez l’adulte avec TSA et sans DI permettent mieux de repérer la sémiologie chez les hommes ce qui fait qu’on peut passer à côté des formes féminines.
A l’avenir, l’idée est de bien décrire les spécificités des TSA féminins et de faire des outils adaptés.
Le Pr Bonnet Brilhault n’a pas de liens d’intérêt en rapport avec le sujet. |
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Citer cet article: Autisme : 3 messages clés du Pr Bonnet Brilhaut aux généralistes et aux pédiatres - Medscape - 31 janv 2018.
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