Paris, France – « Les troubles du comportement alimentaire ont un retentissement important sur la peau en raison des pathologies carentielles, des vomissements compensatoires et des comorbidités psychiatriques assez fréquemment associées comme les troubles obsessionnels compulsifs ou les troubles dysmorphiques. Reconnaitre les signes cutanés peut permettre un diagnostic précoce des troubles alimentaires qui sont souvent cachés et niés », a indiqué le Dr Nathalie Feton-Nadou (dermatologue, Gisors) lors d’une session de FMC sur le dépistage des signes cutanés des troubles des conduites alimentaires aux Journées Dermatologiques de Paris mi-décembre (JDP2017) [1].
Regarder les mains et la langue, en particulier, peut mettre sur la piste d’un trouble alimentaire, a souligné, pour sa part, le Pr Laurent Misery (chef du service de dermatologie au CHRU de Brest).
Troubles alimentaires : de plus en plus de personnes concernées
Les orateurs ont rappelé que les troubles du comportement alimentaire (TCA), principalement l’anorexie et la boulimie, sont associés à une mortalité importante. Il s’agit de la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans, juste après les accidents de la route et de la 3ème maladie chronique de l’adolescence après l’obésité et l’asthme.
Alors qu’auparavant, les TCA étaient observés principalement dans les pays occidentaux et riches, ils se développent désormais au Japon, au Moyen Orient ou en Afrique en raison de l’occidentalisation de ces pays. En outre, alors qu’ils étaient classiquement présents dans les milieux socio-économiques élevées, ils touchent désormais toutes les couches sociales. Aussi, en ce qui concerne l’anorexie mentale, elle atteindrait de plus en plus de patients prépubères (8-12 ans). Enfin, l’orthorexie nerveuse ou « obsession du manger sain » est un phénomène qui prend de l’ampleur et qui peut lui aussi induire des carences, a souligné le Pr Misery (voir aussi L’orthorexie, obsession du « manger sain », nouveau trouble du comportement alimentaire ?).
1. Les signes cutanés des carences alimentaires
« L’existence de signes cutanéo-muqueux visibles (essentiellement de nature carentielle) doit attirer l’attention du médecin », a indiqué le Pr Misery.
Les dermatoses carentielles sont de plusieurs ordres :
-Fer : pâleur, glossite, peau sèche ;
-Zinc : tableau d’acrodermite entéropathique en moins marqué (eczéma craquelé, dermite croûteuse des plis et péri-orificielle) ;
-Vitamine B12 : glossite ;
-Vit PP (B3) : tableau de type pellagroïde (peau sèche, eczéma photodistribué, craquelé, glossite) ;
-Vit C : tableau de type scorbut avec des purpura ecchymotiques et des kératoses folliculaires, déchaussements dentaires.
Pour le dermatologue, « objectiver les carences constitue dès lors la première étape de la prise en charge ». La pratique d’une NFS à la recherche d’une anémie, le dosage du fer sérique et de la ferritine afin de mettre en évidence une carence en fer, le dosage des vitamines B1, B6, B9 (acide folique), B12, C « peuvent être judicieux et entraîner une prise de conscience de la part de la patiente des conséquences néfastes de leur régime alimentaire. Une discussion peut alors être engagée », explique-t-il.
Porter une attention particulière aux mains et à la bouche
« Les signes cutanéo-muqueux des troubles alimentaires sont multiples mais l'examen dermatologique de la bouche et des mains est vraiment intéressant parce qu'il permet d'évoquer un diagnostic bien avant la perte ou la prise de poids », a indiqué le Pr Misery.
La main « anorexique » peut présenter plusieurs caractéristiques :
-signe de Russell (abrasion et/ou érythème des jointures et du dos de la main) ;
-atrophie du tissu sous-cutané ;
-xérose (dessèchement de la peau) ;
-acrocyanose (trouble vasomoteur des extrémités) ;
-excoriations (lésions de grattage) ;
-dystrophie unguéale.
Au niveau des phanères, les carences en fer peuvent induire une fragilité unguéale, les purges peuvent provoquer un bombement en verre de montre et les comorbidités une onychophagie.
Aussi, l’atteinte des muqueuses orales est un signe précoce de trouble alimentaire. La langue dépapillée, la bouche sèche, les ulcérations buccales sont très évocatrices d’une carence en vitamine B12 et une glossite doit faire rechercher une carence en vitamine B. Mais, toute la cavité buccale est révélatrice des carences nutritionnelles : dents (déchaussements, caries), glandes salivaires, peau péri-buccale… (péridontopathie, xérostomie, candidose orale, hypertrophie parotidienne).
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Citer cet article: Troubles du comportement alimentaire : des signes cutanés révélateurs - Medscape - 16 janv 2018.
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