Maladie de Parkinson: la caféine et ses métabolites envisagés comme biomarqueurs

Vincent Richeux, Deborah Brauser

Auteurs et déclarations

15 janvier 2018

Tokyo, Japon   Des chercheurs japonais ont constaté que les patients atteints d’une forme légère à modérée de la maladie de Parkinson présentent un faible taux de caféine dans le sang après une consommation de thé ou de café [1]. Ce qui les amène à envisager la caféine et ses métabolites comme potentiel biomarqueur dans le diagnostic précoce de la maladie.

La prévention des maladies neurodégénératives fait partie des nombreux bénéfices associés à une consommation quotidienne de café. Si les bienfaits de la boisson sont généralement attribués aux antioxydants et anti-inflammatoires qu’elle contient, l’effet neuroprotecteur serait davantage lié à l’action de la caféine.

Une mauvaise absorption en cause?

Pour rappel, les nombreuses données en faveur du café accumulées ces dernières années ont amené le comité consultatif en diététique du ministère de la santé américain à se prononcer, en 2015, de manière favorable vis-à-vis d’une consommation modérée de café, qui ne doit pas dépasser cinq tasses ou 400 mg de caféine par jour.

Concernant la maladie de Parkinson, de récents travaux ont souligné le possible effet préventif de la boisson sur la formation des corps de Lewy, signe de l’apparition de la maladie [2]. Selon une autre étude, les adeptes de café ont davantage de polymorphisme au niveau des récepteurs du glutamate, ce qui réduirait les risques de développer la maladie [3].

Dans cette nouvelle étude, le Dr Nobutaka Hattori (Juntendo University Scholl of Medicine, Tokyo) et ses collègues ne se contentent pas de souligner à nouveau l’effet neuroprotecteur de la caféine. Ils suggèrent aussi que les consommateurs de boisson caféinée développant la maladie seraient pénalisés par une mauvaise absorption de la caféine au niveau intestinal.

« Les résultats montrent que la malabsorption de la caféine pourrait être considérée comme un facteur de risque de maladie de Parkinson », a indiqué le Pr Hattori, auprès de Medscape édition internationale. Pour ralentir l’évolution de la maladie, l’administration de caféine par voie transcutanée serait donc, selon lui, une option thérapeutique à envisager.

 
La malabsorption de la caféine pourrait être considérée comme un facteur de risque de maladie de Parkinson  Dr Nobutaka Hattori
 

Un taux trois fois plus bas

Afin d’évaluer le métabolisme de la caféine chez les patients parkinsoniens, les chercheurs ont inclus 108 patients atteints d’une forme légère à modérée de la maladie de Parkinson, sans critères de démence, pris en charge entre 2013 et 2014. Les participants, en majorité des hommes (54%), étaient âgés en moyenne de 67,1 ans.

Leur consommation quotidienne de caféine a été contrôlée pour avoisiner les 120 mg de caféine absorbée par jour, par le biais de café ou de thé, dosés respectivement à 60 et 30 mg de caféine. Les taux sériques de caféine et de métabolites associés ont ensuite été évalués et comparés à ceux mesurés chez des patients en bonne santé (groupe contrôle).

Les résultats montrent une nette différence entre les deux groupes, avec un niveau de caféine trois fois plus bas chez les patients parkinsoniens comparativement au groupe contrôle, le taux moyen de caféine s’élevant respectivement à 24 pmol/10µL et 79 pmol/10µL.

De même, sur les 11 métabolites de la caféine testés, 9 étaient à des taux plus faibles chez les patients atteints de la maladie, y compris pour la théophyline, la théobromine et la paraxanthie, trois métabolites dont l’effet neuroprotecteur a été souligné dans de précédents travaux.

 
Les résultats montrent une nette différence entre les deux groupes, avec un niveau de caféine trois fois plus bas chez les patients parkinsoniens comparativement au groupe contrôle.
 

Les troubles gastro-intestinaux suspectés

Parmi les patients touchés par la maladie, ceux qui présentaient des troubles moteurs avaient un niveau de caféine encore plus bas. Or, il a déjà été constaté que les bienfaits de la caféine chez ces patients se traduisent notamment par un effet positif sur les symptômes liés à la motricité.

Par ailleurs, une analyse génétique a été menée pour évaluer le polymorphisme sur les gènes des enzymes CYP1A2 et CYP2E1 impliqués dans le métabolisme de la caféine. Il n’est pas apparu de différence significative entre les groupes, ce qui a conduit à envisager une mauvaise absorption de la caféine chez les patients parkinsoniens.

« Les troubles gastrointestinaux, en particulier la constipation, affectent plus de 80% des patients de la maladie de Parkinson, parfois plusieurs années avant l’apparition des symptômes », rappellent les auteurs, qui évoquent également des perturbations du microbiote intestinal pour tenter d’expliquer cette mauvaise absorption de la caféine.

Selon eux, le niveau de caféine et des métabolites apparait dès lors comme un biomarqueur fiable dans le diagnostic précoce de la maladie de Parkinson. Le niveau seuil de caféine est fixé à 33 pmol/10µL, avec une pharmacocinétique caractérisée par une aire sous la courbe de 0,78, qui passe à 0,87, en incluant les trois métabolites neuroprotecteurs, ou 0,98 avec les 11 métabolites.

 
Selon eux, le niveau de caféine et des métabolites apparait dès lors comme un biomarqueur fiable dans le diagnostic précoce de la maladie de Parkinson.
 

L’interaction avec les médicaments à explorer

D’autres travaux devront toutefois être menés pour confirmer cette observation, notamment avec une plus large cohorte, estiment-ils. Même s’ils n’ont observé de corrélation entre le taux du lévodopa, un médicament anti-Parkinson et le niveau de caféine, ils ajoutent qu’il faudrait aussi vérifier l’éventuelle influence des médicaments anti-Parkinson sur le métabolisme de la caféine.

Dans un éditorial accompagnant la publication, le Dr David Munoz (Université de Toronto, Canada) et Shinsuke Fujioka (Université de Jukuoka, Japon) soulignent l’intérêt de l’étude, dont les résultats pourraient représenter « une découverte importante en termes de diagnostic de la maladie de Parkinson».

Si les seuils fixés pour poser la caféine comme biomarqueur leur semblent pertinents, ils s’interrogent toutefois sur les mécanismes à l’origine de faible niveau de caféine. Selon eux, il est fondamental de vérifier s’il existe une interaction avec les médicaments anti-Parkinson, en étudiant notamment le métabolisme de la caféine chez les patients non traités.

Toutefois, « si ces résultats sont confirmés, ils permettraient d’envisager un test simple pour le diagnostic précoce de la maladie de Parkinson, peut-être même avant l’apparition des symptômes », a souligné le Dr Munoz dans un communiqué, qui rappelle que cette maladie reste difficile à détecter pendant les premiers stades de développement.

 

 
Les résultats pourraient représenter « une découverte importante en termes de diagnostic de la maladie de Parkinson» Les éditorialistes
 

 

L’étude a été financée sur fonds publics provenant de l’agence japonaise de la recherche médicale.

Le Dr Nobutaka Hattori a déclaré des liens d’intérêt avec Hisamitsu Pharmaceutical, Dai-Nippon Sumitomo Pharma, Otsuka Pharmaceutical, Novartis, GlaxoSmithKline, Nippon Boehringer Ingelheim, FP Pharmaceutical, Eisai, Kissei Pharmaceutical, Janssen Pharmaceutical, Nihon Medi-Physics, et Kyowa Hakko-Kirin.

 

 

 

 

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