Déficit cognitif léger : les nouvelles recommandations américaines misent sur l’activité physique et intellectuelle

Vincent Richeux, Megan Brooks

Auteurs et déclarations

10 janvier 2018

Washington, Etats-Unis L’American Academy of Neurology (AAN) a réactualisé ses recommandations sur la prise en charge des sujets présentant un déficit cognitif léger, potentiellement associé à un début de maladie neurodégénérative de type Alzheimer. La pratique d’une activité physique y est présentée comme un moyen de prévenir le déclin cognitif.

Alors que le déremboursement des médicaments anti-Alzheimer utilisés pendant les stades précoces de la maladie est envisagé en France, en raison d’un intérêt médical insuffisant, ces recommandations soulignent à nouveau le manque d’efficacité du traitement pharmacologique. La stimulation physique et intellectuelle reste l’option à privilégier.

Les dernières recommandations dataient de 2002. Pour cette mise à jour, publiée dans Neurology, le comité d’experts a repris les données de la littérature concernant le traitement des patients souffrant d’un déficit cognitif, ainsi que la prévalence et le pronostic associés à la perte des capacités cognitives.

Un quart des 80-84 ans concernés

Chez les personnes atteintes de déficit cognitif léger, les troubles de la mémoire et de la concentration sont suffisants pour altérer la qualité de vie. Il peut s’agir d’un stade précoce de la maladie d’Alzheimer, mais aussi de la conséquence d’un trouble neurologique ou psychiatrique, précisent les auteurs.

La prévalence du déficit cognitif léger dans la population générale augmente avec l’âge et s’accentue nettement au-delà de 80 ans. Elle est de 6,7% chez les personnes âgées de 60 à 64 ans, 10,1% de 70 à 74 ans, 14,8% de 75 à 79 ans, puis passe à 25,2% chez les individus âgés de 80 à 84 ans.

La littérature montre que les hommes et les femmes ont autant de risque d’être confrontées à un déclin cognitif, mais que les individus ayant un faible niveau d’éducation sont plus à risque. Après deux ans de suivi, l’évolution du déclin cognitif conduit à une démence chez 14,9% des patients âgés de plus de 65 ans.

Les anticholinestérasiques déconseillés

Coordonné par le Dr Ronal Petersen (Mayo Clinic de Rochester, Rochester, Etats-Unis), le groupe de travail a souligné l’absence de bénéfice significatif des traitements pharmacologiques. Les inhibiteurs de cholinestérase, prescrits dans le traitement symptomatique des formes légères de la maladie d’Alzheimer, sont particulièrement visés.

Le document comprend un tableau récapitulatif listant les différents médicaments utilisés dans le traitement du déclin cognitif. On y retrouve le donépézil (Aricept®, Eisai), la galantamine (Reminyl ®, Janssen-Cilag) et la rivastigmine (Exelon®, Novartis Pharma), des anticholinestérasiques non approuvés, chacun étant jugé « inefficace dans la prévention du risque de progression vers une démence ».

En France, ces trois molécules anti-Alzheimer avaient fait l’objet, en 2016, d’une proposition de déremboursement de la part de la haute autorité de santé (HAS), en raison de leur manque d’efficacité. Une proposition finalement non suivie. Dans un communiqué, la HAS préconisait alors de privilégier une approche non médicamenteuse.

Les recommandations américaines incluent un deuxième tableau consacré aux deux traitements non pharmacologiques évalués dans cette indication: la pratique physique et les exercices de stimulation intellectuelle. Dans les deux cas, les études ont montré un effet bénéfique avec une amélioration significative des fonctions cognitives.

 
Le groupe de travail a souligné l’absence de bénéfice significatif des traitements pharmacologiques.
 

Marche et rééducation cognitive individuelle

En s’appuyant sur les résultats de deux évaluations, menées sur une période de six mois, les experts estiment que les résultats cliniques peuvent être améliorés en intégrant la pratique régulière d’un exercice physique (deux fois par semaine) dans la prise en charge globale des patients présentant un déclin cognitif léger.

Par ailleurs, bien que les bénéfices associés soient moins évidents, les exercices stimulant les fonctions cognitives sont également recommandés. La rééducation cognitive individuelle, focalisés sur la mémoire et l’attention, peut ainsi aider à améliorer les activités de la vie quotidienne des patients.

Pour sa part, la HAS préconise « une stimulation cognitive avec des mises en situation ou des simulations de situations vécues (…) dont l’objectif est de ralentir la perte d’autonomie », ainsi qu’« une promotion de l’exercice physique (notamment la marche) », le tout intégré dans un parcours de soins coordonné.

Avant tout, il faut savoir diagnostiquer un déficit cognitif léger, en se basant notamment sur une évaluation clinique et en utilisant les outils disponibles appropriés, comme les tests d’évaluation cognitive, précisent les recommandations.

 
Pratique physique et exercices de stimulation intellectuelle : dans les deux cas, les études ont montré un effet bénéfique avec une amélioration significative des fonctions cognitives.
 

Rester à l’écoute des patients

Les auteurs invitent également à rester réceptifs aux remarques des patients et de leur proches concernant la dégradation des fonctions cognitives. « Même si elles ne sont pas suffisantes pour établir un diagnostic, ces plaintes (…) sont au cœur de la plupart des critères diagnostiques du déficit cognitif».

Une fois le déficit diagnostiqué, le patient doit être orienté vers des praticiens spécialisés dans la prise en charge des troubles cognitifs. « Une évaluation médicale est à envisager pour identifier les facteurs de risque de déficit cognitif potentiellement modifiables ».

Les patients et les proches doivent également être informés sur l’absence de bénéfice avéré des traitements pharmacologiques. Pour ceux qui souhaitent malgré tout une approche médicamenteuse, il est proposé de les orienter vers des essais cliniques consacrés à la recherche de nouveaux traitements.

La maladie d’Alzheimer touche près de 850 000 personnes en France. L’évolution se fait sur plusieurs années avec l’apparition d’une dépendance progressive ayant des répercussions sur les activités de la vie quotidienne. Il s’agit du motif principal d’entrée en institution.

 
Les patients et les proches doivent être informés sur l’absence de bénéfice avéré des traitements pharmacologiques.
 

 

 

 

 

 

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