PACA, France -- C’est une bien étrange directive que des agences régionales de santé (ARS) ont fait parvenir, début décembre, à des établissements de soins psychiatriques. Dans ce courrier, que l’ARS Paca a fait suivre à leurs directeurs, on enjoint les responsables desdits établissements de contribuer à l’expulsion des étrangers hospitalisés en situation irrégulière. L’ARS demande de faire signer aux patients soumis à une décision d’expulsion, et hospitalisés sans consentement, un document qui sera transmis à la préfecture. Dans ledit courrier, l’ARS s’engage à fournir aux directeurs « en même temps que l’arrêté préfectoral de levée des soins sans consentement, la décision d’obligation de quitter le territoire ainsi qu’une notification à faire signer par le patient ». Elle ajoute : « Parmi les personnes prises en charge par vos services et qui sont susceptibles de faire l’objet d’une levée de la mesure de soins sans consentement, quelques patients se trouvent dans une situation irrégulière et ont vocation à quitter le territoire national ». Selon des syndicats de psychiatres contactés par Medscape, il n’y a pas d’autre ARS pour le moment, qui aurait adressé ce genre de courriers à des établissements de santé psychiatriques (EPSM).
« Collusion regrettable », requête inacceptable
Face à cette chasse aux étrangers « malades » en situation irrégulière, deux syndicats de psychiatres, le syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) et l’union syndicale de la psychiatrie (USP) se sont fendus d’un courrier commun pour dénoncer cette procédure, et appeler les psychiatres à la désobéissance. « Cette collusion entre des agences chargées de la santé et des décisions de police intérieure est déjà regrettable, mais l’utilisation des hospitalisations en SDRE (soins psychiatriques sur décision du Représentant de l'État) pour repérer et contrôler des personnes non désirées sur le territoire, est très inquiétante. La consigne donnée aux personnels soignants de devenir des agents administratifs pour le compte du Ministère de l’Intérieur est de plus inacceptable », jugent-ils. Cette instruction, analysent-ils, « met fin à l’illusion que la loi de 2011 serait bien la loi sanitaire équilibrée comme l’ont vanté les réformateurs ». Et d’ajouter que l’USP et le SPH refusent de collaborer à cette directive. Si la circulaire a finalement été retirée (voir encadré), ce n’est pas la première fois que le ministère de l’intérieur veut transformer les psychiatres en auxiliaire de police.
Des précédents
En aout dernier, le ministre de l’intérieur Gérard Collomb avait a émis le souhait que les psychiatres collaborent avec les forces de l'Ordre en vue de l'arrestation de patients psychiatriques dangereux, en voie de radicalisation (voir notre article). « Toute proposition qui pourrait faire croire à un engagement des soignants exerçant en prison dans un repérage de personnes incarcérées criminologiquement dangereuses et ayant des intentions terroristes conduira à une dégradation des soins en prison et sera totalement inopérante, voire contre-productive, tout en étant contraire à la déontologie médicale », avait alors répondu par communiqué, l’association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP).
Il n’y a pas que les hôpitaux psychiatriques où s’organisent la chasse aux sans-papiers en situation vulnérable. Les centres d’hébergement d’urgence ont été également incités, via une circulaire, à laisser entrer des équipes préfectorales pour recenser les personnes sans papiers. Officiellement ces équipes devront faire le point sur la situation administrative de ces sans papiers. Lors d’une rencontre organisée place Beauvau avec Gérard Collomb et Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires, vingt associations avaient collectivement quitté une réunion pour protester contre cette circulaire.
Agnès Buzyn condamne l’initiative de l’ARS Paca
Selon des informations de la chaine d’informations LCI, la ministre de la Santé Agnès Buzyn a demandé jeudi matin à l’agence régionale de santé Paca de retirer immédiatement la lettre qu’elle avait envoyée aux établissements de santé mentale (ESPM), Tous les hôpitaux concernés par cette directive ont reçu un deuxième courrier pour l’annuler. « C’était une initiative malheureuse car les médecins n’ont pas à jouer ce rôle-là », a ajouté le ministère de la Santé. L’ARS Paca a de son côté confirmé le retrait de la circulaire.
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Citer cet article: Jean-Bernard Gervais. L’ARS Paca veut transformer les psychiatres en auxiliaires de police - Medscape - 10 janv 2018.
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