Maladie thromboembolique et cancer : vers un traitement standard par AOD ?

Vincent Richeux, Roxanne Nelson

Auteurs et déclarations

28 décembre 2017

Atlanta, Etats-Unis - Dans le traitement de la maladie thromboembolique veineuse (MTEV) survenant chez le patient atteint de cancer, l’anticoagulant oral direct (AOD) edoxaban (Lixiana®, Daiichi Sankyo Europe GmbH) pourrait devenir une alternative à l’héparine de bas poids moléculaire (HBPM) daltéparine (Fragmine®, Pfizer). C’est ce que suggère un essai comparatif, dont les résultats ont été présentés lors du congrès de l’ American Society of Hematology (ASH 2017) [1.]

Cet essai clinique randomisé a rapporté un taux de survie similaire à un an de plus de 50%, sans récidive de MTEV, ni saignement majeur, chez les patients ayant pris le traitement oral et chez ceux sous traitement standard par daltéparine administré par voie sous-cutanée. Les résultats ont été publiés simultanément dans the New England Journal of Medicine[2].

La METV est une complication fréquente des néoplasies actives et représente un facteur de  mauvais pronostic et de surmortalité chez les patients cancéreux. Le traitement curatif et préventif repose sur une injection en sous-cutané de HBPM pendant plusieurs mois. Néanmoins, les risques de récidive ou d’hémorragies restent élevés pour ces patients.

Voie orale vs voie sous-cutanée

De plus, ce traitement est contraignant en raison de sa voie d’administration, surtout pour les plus âgés, qui doivent se faire eux-mêmes les injections quotidiennement. Un traitement oral par AOD, apparait donc séduisant, mais leur intérêt dans la prise en charge de la MTEV chez les patients atteints de cancer n'a pas été clairement démontré.

Mené par le Dr Gary Raskob (University of Oklahoma Health Sciences Center, Oklahoma City, Etats-Unis) et ses collègues, l’essai multicentrique international Hokusai VTE Cancer a inclus un total de 1 050 patients atteints de cancer et présentant une maladie thromboembolique veineuse. Plus de la moitié (53%) avaient un cancer métastatique.

Lors de l’inclusion, 63% des patients étaient atteints d’une embolie pulmonaire avec ou sans thrombose veineuse profonde. Les autres avaient une thrombose veineuse profonde isolée. Dans la majorité des cas (67%), la MTEV était symptomatique.

Ils ont été randomisés pour recevoir, soit une dose quotidienne par voie orale de 60 mg d’edoxaban (ou 30 mg en cas de clairance de la créatinine de 30 à 50 mL/min ou un poids <60 kg), soit une injection quotidienne en sous-cutané de daltéparine, à raison de 200 UI/kg pendant un mois, puis 150 UI/kg (traitement standard).

 
L’edoxaban par voie orale est similaire à la daltéparine en sous-cutanée dans le traitement et la prévention d’une VTE associée au cancer. Dr Gary Raskob
 

6,5% de récidive de MTVE

L’objectif était de comparer les deux régimes thérapeutiques pour un traitement de 6 à 12 mois. Le critère d’évaluation primaire est un critère composite d’efficacité et de sécurité défini par l’apparition d’une récidive de MTVE ou d’un saignement majeur.

A un an, le critère primaire a été observé pour 12,8% (n=67) des patients sous edoxaban, contre 13,5% (n=71) dans le groupe sous daltéparine. La différence n’est pas significative.

En considérant seulement la récidive de MTVE, elle a concerné 6,5% (n=34) des patients ayant reçu l’AOD, contre 10,3% (n=54) sous traitement standard par daltéparine. La thrombose veineuse profonde était alors presque deux fois moins fréquente (respectivement 13 contre 30 patients concernés) avec l’edoxaban.

A l’inverse, le taux d’épisodes hémorragiques majeurs étaient deux fois plus élevés sous edoxaban, pour atteindre 6,3% (n=33) des patients traités, contre 3,2% (n=17) chez ceux sous daltéparine. Les hémorragies sont plus souvent intestinales avec l’AOD (17 contre 3), tandis que la daltéparine est associée à un peu plus d’hémorragies intracrâniennes (4 contre 2).

Davantage d’hémorragies majeures

Toutefois, même si les saignements cliniquement significatifs apparaissent plus fréquents sous AOD, le nombre d'hémorragies graves de grade 3 et 4 reste similaire, puisqu’elles sont survenues chez 12 patients dans chacun des groupes.

« Il y avait un taux plus faible de récidive de MTVE sous edoxaban, mais ce bénéfice a été contrebalancé par une hausse du risque d’hémorragie majeure. Celles-ci restent toutefois moins graves avec l’AOD », a commenté le Dr Raskob.

En terme d’efficacité et de sécurité, « l’edoxaban par voie orale est similaire à la daltéparine en sous-cutanée dans le traitement et la prévention d’une VTE associée au cancer » , a-t-il conclu.

En plus de la prévention des AVC et de l’embolisme systémique chez les patients en fibrillation articulaire non valvulaire, l’edoxaban est le quatrième AOD disponible dans le traitement et la prévention des thromboses veineuses profondes et des embolies pulmonaires.

L’étude a été financée par le laboratoire Dalichi Sankyo.

Le Dr Raskob a déclaré des liens d’intérêt avec BMS, Eli Lilly, Janssen, Johnson & Johnson, Pfizer, Portola:, Boehringer-Ingelheim, Bayer Healthcare et Daiichi Sankyo.

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