Un label « maternité » pour faire de la bienveillance une priorité

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

22 décembre 2017

Paris, France — Sous la houlette de son président, le Pr Israël Nisand, le Collège national des gynécologues et obstétriciens Français (CNGOF) a décidé de mettre en place un « label maternité » pour les établissements qui répondront à un certain nombre de critères relatifs à l’information des femmes et à la bienveillance de l’accueil. Ce label qualité se veut une réponse de la profession aux accusations de violences gynécologiques qui ont émergé cet été dans les médias, sur les réseaux sociaux, et même sous la plume de la secrétaire d’Etat à l’Egalité des femmes et des hommes. Annoncé en préambule des dernières Journées du CNGOF, il devrait naître, à terme, en juin 2018.

La bienveillance : programme n°1 de toutes les maternités

Gestes médicaux imposés, inappropriés, propos déplacés… les gynécologues-obstétriciens ont été la cible de la vindicte féminine au cours des derniers mois pour des faits relevant de la « maltraitance gynécologique » et de « violences obstétricales ». Face à ce « gynéco bashing », les praticiens du CNGOF ont décidé, comme l’a expliqué le Pr Nisand, « d’upgrader la qualité – non pas technique, car la France est déjà dans le peloton de tête sur la sécurité des naissances – mais en termes de bientraitance ».

Bien que les professionnels se disent meurtris par des accusations, qu’ils considèrent comme injustes et « vécues comme une sorte de punition collective » mais sans toutefois « nier que des comportements inadéquats puissent exister », le message a été reçu. « L’alerte que nous avons eu tout du long de l’année, nous en tenons compte, insiste le président du CNGOF, même si ce n’est pas nous qui sommes violents. La naissance est une violence, et nous devons l’atténuer encore mieux que nous ne l’avons fait jusqu’à présent ». La mise en place de ce label est une réponse puisqu’il s’agit de « faire de la bienveillance, le programme n°1 de toutes les maternités qui le voudront bien, en espérant un effet de contagion » (voir aussi encadré ci-dessous).

Savoir-dire et savoir-être

Si les gynéco-obstétriciens disent avoir été meurtris par les accusations portées par certaines femmes, ils n’en reconnaissent pas moins « qu’ils ont parfois du mal à y mettre les formes ».

« Dire que la femme et l’enfant se portent bien, c’est le minimum minimorum mais ça ne suffit plus. Nous avons tellement avancé sur la sécurité que l’on peut passer à la vitesse supérieure. C’est-à-dire veiller à l’équilibre psychique et à l’intégrité de la femme » reconnait le Pr Nisand. De son côté, le Dr Amina Yamgnane (gynécologue-obstétricienne, Neuilly) a rappelé que « l’accouchement est un moment de charge émotionnelle intense pour tous, famille et accoucheurs ». Lors de « situations extrêmes, les accoucheurs, qui sont des êtres humains, peuvent parfois tenir des propos violents dans le feu dans l’action. Sous l’effet du stress, il peut y avoir des sorties de route langagière. » C’est pourquoi, « il faut toujours revoir la patiente, à froid, pour aller discuter avec elle de ce qui s’est passé » estime la chef de service de la Maternité de l'Hôpital Américain. Avant d'ajouter que ce qui s’est passé cet été « ne questionne pas le savoir-faire des soignants mais le savoir-dire et le savoir-être ».

Afficher le taux d'épisiotomies, de césariennes

« Que nous demandent les femmes ? D’être mieux informées de ce qui se passe dans les maternités, d’être plus autonomes, d’avoir affaire à des équipes bienveillantes, a résumé le chef du service gynécologique des hôpitaux de Strasbourg. Nous allons donc créer un label de sorte que les 513 maternités qui le souhaitent puissent améliorer leur qualité et l’accueil ». Pour être labellisées, les maternités volontaires devront s'engager à respecter 14 critères comme afficher leur taux d'épisiotomies, de césariennes, d’extractions instrumentales, élaborer un projet de naissance pour la maman, s’assurer de la formation de son personnel médical et paramédical à la bienveillance et à la bientraitance, etc. « J’en attends un effet positif en obligeant les établissements qui ne calculent pas ces taux à le faire. D’autant qu’une fois que l’on connait ces chiffres, ça les fait baisser ». Exemple : une maternité qui a un taux de césarienne de 40% alors que la moyenne nationale est à 20% devra revoir ses pratiques. De même, une maternité labellisée sera en mesure de proposer une analgésie péridurale H24.

Une information neutre et collective via l’appli

Le plus : les femmes qui accoucheront dans ces maternités bienveillantes et bientraitantes bénéficieront d’une application grâce à laquelle elles recevront en temps et heure tout au long de leur grossesse une information neutre et collective. L’appli les incitera aussi à élaborer un projet de naissance réaliste et compatible avec la sécurité (voir encadré Recommandations accouchement normal).

Le label devrait voir le jour en juin 2018. Le Pr Nisand espère que la moitié des 513 maternités françaises l’obtienne.

Nouvelles recos HAS sur l’accouchement normal : « oui sur tout, si organisation et sécurité »

La bienveillance et la qualité des relations avec les femmes seront aussi au cœur des prochaines recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) sur l’accouchement normal. Comprendre celui qui débute de façon spontanée (le déclenchement est donc exclu de la définition) et ne s’accompagne que de faibles risques identifiés au début du travail, qui perdurent tout au long du travail et de l’accouchement. « L’idée est de laisser une grande liberté dans le projet de naissance » a affirmé le Pr Bernard Hédon qui a présenté les principales conclusions du groupe de travail du CNGOF.

Par exemple, il y sera recommandé « d’accepter un certain nombre de « méthodes » (accouchement en piscine, en musique...) même si elles n’ont pas la preuve scientifique de leur efficacité (sic), de laisser la femme pousser comme elle le veut, se positionner comme elle le souhaite… 

La bientraitance se traduira par « la qualité de la relation avec la femme et l’accompagnant, la prise en compte des préférences et des attentes exprimées dans le projet de naissance, si celui existe et s’il n’est pas incompatible avec la sécurité ou les protocoles établis ».

En clair, « ce sera oui sur tout, à condition qu’il y ait organisation et sécurité » a résumé le Pr Hédon.

Les rapporteurs ont qualifié ces nouvelles recommandations de « remarquables, claires et lisibles avec une attention particulière portée à la femme » et ont souligné « la qualité du travail ». Le texte est en cours de validation par la HAS.

 

 

 

 

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