Un projet de réalité virtuelle au secours des patients souffrant de schizophrénie à Montpellier 

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

12 décembre 2017

Montpellier, France – Les chercheurs anglais ne sont pas les seuls à utiliser la réalité virtuelle dans la prise en charge de la schizophrénie (voir notre article). En France, une équipe du CHRU de Montpellier a elle aussi mis au point des avatars, non pas pour éteindre les hallucinations auditives comme au King’s College de Londres, mais pour aider les patients souffrant de schizophrénie à réduire leurs difficultés d'interaction avec les autres. Une étude est en cours dans le cadre du programme de recherche AlterEgo (voir encadré en fin d’article), coordonné par le Pr  Benoît Bardy, chercheur à l’université de Montpellier spécialisé en sciences du mouvement humain. Explications du Pr Delphine Capdevielle, psychiatre au CHRU de la Colombière à Montpellier.

Améliorer les relations sociales et interpersonnelles des patients

Le principe est le suivant : construire un avatar pour chacun des patients schizophrènes qui participe à l'étude – c’est-à-dire une image virtuelle en trois dimensions qui lui ressemble morphologiquement – et jouer sur la similarité du mouvement et du comportement entre le patient et le thérapeute pour améliorer les relations sociales et interpersonnelles de ces patients.

« Si nous nous intéressons aux avatars et aux robots, c’est parce que, dans une interaction bidirectionnelle, les patients souffrant de schizophrénie peuvent avoir du mal à comprendre les émotions qu’on leur renvoie (gestes, postures, expressions faciales...), explique le Pr Delphine Capdevielle. Il y a quelque chose de difficile à contrôler dans un entretien humain, car beaucoup de facteurs propres au thérapeute entrent en compte (émotions, préoccupations, etc)».

Fournir une réponse plus automatique et plus simpliste que celle de l’être humain

« L’intérêt des avatars et des robots, c’est qu’ils sont susceptibles de fournir une réponse plus automatique et plus simpliste que celle de l’être humain », précise la psychiatre. Et en effet, ils peuvent être programmés pour adopter un langage parlé et corporel plus proche de celui patient et donc plus compréhensible par celui-ci. « Implanter dans un avatar des réponses, des feed-back émotionnels, de même que des gestes ou mimiques (selon un principe d'imitation) propres aux patients permet d’interagir beaucoup plus facilement, et dans le cadre d’une thérapie, de donner plus d’intensité au message que le thérapeute veut lui faire passer ».

Cette thérapie, issue des neurosciences, est fondée sur la théorie de la ressemblance et de l’imitation (mimicry). Elle suggère qu’il est plus facile d’interagir avec quelqu’un qui adopte nos attitudes. « On s’est aperçu que deux personnes communiquent mieux si elles bougent de la même façon. Si un avatar arrive à se coordonner et à faire les mêmes mouvements que moi en même temps, je vais mieux retenir ce qu’il dit, je vais être plus en empathie, mieux connecté à lui » décrypte la psychiatre.

Pour réaliser cette prouesse technique, les chercheurs utilisent des capteurs qui analysent le mouvement (voir ici la vidéo du consortium AlterEgo), afin d'en extraire les signatures motrices de chacun des individus pour les ré-implémenter dans l’avatar après traitement par des modèles mathématiques complexes. 

Mais la similitude entre le patient et l’avatar va plus loin. « D’autres théories ont montré que nous sommes plus attentifs à un avatar qui nous ressemble physiquement, ajoute le Pr Capdevielle. Nous sommes donc allés jusqu’à créer des avatars avec des morphologies similaires à celles des patients pour voir si on obtenait une amélioration des réponses aux thérapies ».

Etude en cours

Après avoir créé les conditions d’une interaction coordonnée efficace où les avatars ont été bien reçus par les patients, les chercheurs passent désormais à l’étape suivante consistant à tester la réadaptation en elle-même. L’idée est de réaliser une thérapie des interactions sociales, soit via l'avatar du thérapeute, soit via l'avatar du patient. 

« Après des essais pilotes concluants, une étude pour valider cette méthode clinique de réhabilitation est en cours (ClinicalTrials.gov Identifier: NCT02879591) chez une vingtaine de patients » conclut le Pr Capdevielle.

 

AlterEgo

L’expérience participe au projet européen, appelé AlterEgo (2013-2016) qui a pour but de développer et de tester des méthodes de réadaptation de façon à améliorer les déficits relationnels, en utilisant les robots et la réalité virtuelle. Le projet est fondé sur la théorie de la similarité, suggérant qu’il est plus facile d’interagir avec quelqu’un qui nous ressemble, que la ressemblance soit morphologique, comportementale, cinétique. Ce projet est l’un des 17 à avoir été sélectionné et financé à hauteur de 2,9 millions d’euros après un appel à projets lancé en 2012 par la Commission européenne.

Il est coordonné par le Centre EuroMov (Unité Mouvement & Santé) de l’Université de Montpellier 1 (Pr. B. Bardy) et implique des spécialistes en informatique (centre DFKI, Allemagne), en robotique (Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, CH), des mathématiciens (Université de Bristol, Université d’Exeter, RU), de même que des cliniciens, psychologues et psychiatres du CHRU de Montpellier.

 

 

 

 

 

 

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