
Dr Thierry Lardenois
Paris, France -- Le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) a signé avec la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF), et le Centre national de gestion (CNG) des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la Fonction Publique hospitalière, ce 22 novembre, une convention de partenariat pour l’entraide des médecins en France. Le but de cette convention est de mettre en application, dans le cadre d’un projet commun, un programme élargi d’entraide médico-psychologique des médecins en difficulté, en promouvant leur propre éducation à la santé, et en multipliant les actions de dépistage et de prévention. La convention, signée pour une durée de quatre ans, stipule que les partenaires établiront chaque année un rapport d’activité. Le Dr Thierry Lardenois, président de la CARMF, interrogé par Medscape, détaille les projets que porteront les trois partenaires réunis.
Medscape édition française : D’où vient ce concept d’entraide médicale ?
Dr Thierry Lardenois : Avec le Dr Léopold [longtemps vice-président de la CARMF et décédé début 2017, NDLR], qui m’a initié à l’entraide, nous nous sommes rendu compte que les médecins étaient sans doute les plus mal soignés des Français, et les plus mal pris en charge. Indépendamment de ce que fait la CARMF – qui prend en charge des médecins déjà en difficulté – nous avons décidé d’initier des solutions en amont, hors CARMF, pour « débusquer » le confrère en difficulté, avant qu’une grave crise n’émerge. Et ça peut aller parfois jusqu’au suicide. Nous avions alors monté l’APSS, dont je suis le président, qui est l’Association pour les soins aux soignants (voir notre article). Le but est de prendre en charge des médecins en difficulté psychologique avant tout. Nous avons constaté que nous n’étions pas les seuls à avoir pris ce genre d’initiative. Même s’il existe des zones blanches sur le territoire – des zones qui ne sont absolument pas couvertes – dans le nord de la France, en Bretagne, dans la région PACA… Ma première idée a été de fédérer l’ensemble des associations d’entraide il y a deux ans. Finalement, ça n’a pas abouti. Les acteurs institutionnels ne voyaient pas forcément d’un bon œil de ne pas être impliqué. J’ai alors proposé il y a deux ans à l’Ordre des médecins de prendre une initiative. Je ne connaissais pas le CNG, c’est l’Ordre des médecins qui a décidé de les impliquer. Nous avons décidé, CARMF, CNG et Ordre des médecins, de donner un cadre aux associations. Nous avons proposé à ces dernières de référer auprès des institutionnels les initiatives prises en matière d’entraide. Nous voulons signifier aux médecins français que des instances nationales sont à leur écoute, pour leur offrir une réponse à des difficultés passagères, en respectant la déontologie et le secret médical.
Medscape édition française : Quelles seront les étapes suivantes ?
Dr T. Lardenois : Maintenant que nous avons signé cette convention, nous allons créer un numéro de téléphone unique, qui va permettre à tous les médecins français de savoir qu’il y a une prise en charge possible. Nous espérons le mettre en place dans l’horizon des dix huit mois. En appelant ce numéro là, le médecin en difficulté sera mis en relation avec un référent, pour assurer une prise en charge optimisée. Par ailleurs, le CNG, qui prend en charge les hospitaliers, devrait proposer des « plans B » aux libéraux. Nous ne disposons pas au sein de la CARMF, ou de l’Ordre, d’organismes qui nous permettent de proposer des plans B. Jusqu’à présent, nous ne pouvions rien proposer à un confère qui n’était plus en capacité de faire son métier.
Le CNG devrait donc proposer des reconversions aux libéraux ?
Dr T. Lardenois : C’est tout à fait cela. Le CNG devrait proposer ce service aux libéraux. A contrario, pour les hospitaliers qui voudraient être reclassés en libéral, nous cherchons des solutions. Pour les médecins en exercice mixte, nous travaillerons en collaboration pour proposer des aides en matière de conversion, de maladie, de reprise professionnelle…
Cette ouverture du CNG aux libéraux est-elle d’ores et déjà effective ?
Dr T. Lardenois : Oui, tout à fait, c’est maintenant d’ores et déjà possible. Le directeur du CNG et moi-même sommes en contact, et nous allons gérer au cas par cas.
Quel est le bilan des organismes et établissements qui prennent en charge ces médecins en difficulté ?
Dr T. Lardenois : L’établissement qui est le plus actif est la clinique de Villeneuve-lès-Avignon (voir notre article). Elle dispose de psychiatres formés aux soins des soignants, totalement différents des soins de la population standard. Un médecin qui se soigne est plus complexe à prendre en charge. Cette clinique n’est pas seulement ouverte aux médecins mais à tous les soignants.
Par ailleurs, nous constatons jour après jour que les langues se délient, la parole se libère. Des médecins nous appellent pour obtenir des renseignements sur l’entraide parce qu’ils connaissent l’un de leurs collègues qui est dans une position difficile… Nous prenons, dans un premier temps, les médecins qui en font la demande, et nous mettons en place les outils de dépistage des confrères en difficulté. A terme, l’Ordre pourra se mettre en contact avec un confrère en difficulté, pour lui proposer une aide.
Combien de temps vous faudra-t-il pour parfaire ce dispositif ?
Il faut convaincre et pas contraindre, donc je ne me fixe plus de délais. Il faut du temps, de la patience, pour que chaque acteur se rende compte qu’il faut se mettre en réseau, partager les expériences, apporter sa pierre… Dès maintenant, les associations se rencontrent plusieurs fois par an. Nous allons commencer à instaurer le début de la fusion des premières associations d’entraide, sur la base du volontariat.
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Citer cet article: 3 instances nationales se mobilisent pour venir en aide aux médecins en difficulté - Medscape - 5 déc 2017.
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