Paris, France – Il est rare que la descente d’organes – sujet plutôt tabou– fasse la une. C’est pourtant ce qui s’est passé le mois dernier quand les médias français se sont emparés de l’affaire « Prolift », un implant de création française, dont les effets secondaires ont entrainé de nombreuses plaintes de patientes de par le monde au cours des dernières années (voir onglet 2). Dans ce contexte de controverse, l’Association française d’urologie (AFU) a tenu à faire une mise au point sur le traitement de la descente d’organes à l’occasion de son congrès annuel[1].
1. Prise en charge du prolapsus en 2017 : les messages-clés
Fréquent chez les femmes en deuxième moitié de vie, le prolapsus est un trouble de la statique pelvienne. Il traduit un vieillissement des tissus de soutien, le relâchement du vagin et l’affaissement des organes pelviens (utérus mais aussi vessie, urètre, rectum). « La perte de la position anatomique de l’organe fait que le vagin est comblé par la descente d’organe, avec possiblement des symptômes tels qu’une sensation de pesanteur, de boule vaginale, des troubles de la miction… » explique le Pr Jean-Nicolas Cornu (chirurgien-urologue et membre coordonnateur du centre de pelvipérinéologie, CHU de Rouen).
Une évaluation complète et multidisciplinaire
Si le prolapsus se produit au dépens d’un organe (par ex. l’utérus), le retentissement ou les enjeux de sa correction vont avoir un retentissement sur les deux autres (par ex. vessie et rectum). « La problématique est donc forcément pluridisciplinaire. » Pour autant, il n’y a aucun parallélisme entre l’anatomie, les symptômes dus au prolapsus et ceux spécifiques à l’organe concerné, la gêne fonctionnelle et la qualité de vie, précise l’orateur. « Une évaluation complète des patients est donc absolument nécessaire sur ces cinq aspects. Cela prend du temps, mais c’est indispensable. De plus, compte-tenu des différentes sphères concernées, cela peut/doit être fait tantôt par les urologues, tantôt par les gynécologues, tantôt par les gastro-entérologues, les pelvi-périnéologues ». La prise en charge devra bien évidemment tenir compte de l’âge et des facteurs de risque de récidive. Les examens complémentaires seront guidés par la clinique.
Ne traiter que les prolapsus symptomatiques
Rappel important et consensuel : tous les prolapsus n’entrainent pas de symptômes, et il convient de ne traiter que les prolapsus génitaux symptomatiques. Comment ? « Aucun médicament ne permet de traiter le prolapsus, tout au plus, ses symptômes. La kinésithérapie n’a qu’un rôle modeste en termes curatifs. La solution chirurgicale se profile donc assez rapidement, avec deux options : la voie abdominale et la voie vaginale, l’une n’excluant pas l’autre l’autre ».
La voie transabdominale est réalisée sous laparoscopie. « On implante une prothèse de polypropylène, la plupart du temps entre la vessie et le vagin antérieure, fixée au promontoire. La pose d’une prothèse postérieure est discutée : elle ne doit pas être systématique et dépend des patients ». Les complications spécifiques sont les plaies vésicales, rectales, vasculaires au promontoire. En postopératoires, les érosions vaginales qui peuvent survenir tardivement, des troubles colorectaux le plus souvent transitoires. Mais depuis plus de 15 ans qu’elle est pratiquée, cette intervention reste globalement satisfaisante.
Par voie vaginale, la technique classique consiste à faire une réparation autologue où l’on dissèque les tissus que l’on recoud pour le renforcer avec les tissus de la patiente sans implanter de matériel prothétique. L’autre solution consiste à accompagner cette réparation de la pose d’une prothèse à base de plaques de polypropylène (comme Prolift, voir onglet 2). « A son démarrage, dans les années 2000, cette technique a été associée à de meilleurs résultats anatomiques de la correction du prolapsus, indique le Pr Cornu. Mais on s’est aperçu qu’il n’y avait pas vraiment de différences sur la résolution des symptômes et les réinterventions pour récidive. » De plus, si le résultat anatomique est plus solide, la médaille a un revers : ces implants ont généré des complications spécifiques.
« De fait, notre attitude consensuelle interdisciplinaire est aujourd’hui de dire qu’il n’y a pas de bénéfice à faire courir ce risque aux patientes que l’on opère pour la première fois par voie basse (1ere intention). Elles n’ont pas à recevoir ce matériel prothétique de façon systématique ».
Dans des mains expérimentées et avec des indications solides
Si certaines prothèses ont été retirées du marché (voir onglet 2), faut-il toutes les supprimer ?
« Dans des mains expérimentées et avec des indications solides (par ex. chez des patientes qui récidivent ou ont des facteurs de récidive très importants), ces plaques en polypropylène macroporeux peuvent être proposées après discussion pluridisciplinaire. Il est donc important que ces dispositifs ne disparaissent pas du marché. »
Enfin, quelles que soient la voie d’abord choisie et la problématique que l’on traite, l’hystérectomie ne doit en aucun cas être systématique.
« La prise en charge globale de la patiente – depuis le diagnostic jusqu’au suivi – repose sur une utilisation rationnelle et maitrisée des thérapeutiques possibles. Le dialogue avec les patientes, et une discussion du bénéfice/risque sont la pierre angulaire d’une décision » a conclu le Pr Cornu. Ces recommandations ont été publiées par l’AFU en 2016 [2].
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Citer cet article: Prolapsus : au-delà de la controverse Prolift, quelle prise en charge ? - Medscape - 27 nov 2017.
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