Troubles du cycle chez l’adolescente obèse: quelle prise en charge?

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

26 octobre 2017

Pau, France Les troubles du cycle menstruel survenant chez des adolescentes obèses peuvent être révélateurs d’un syndrome des ovaires polykystiques (SOPK). Quelle prise en charge faut-il envisager pour ces patientes? Réponses avec le Dr Geoffroy Robin (Hôpital Jeanne de Flandre, Lille), qui est intervenu aux 31èmes Journées Infogyn [1].

Entre 30 à 40% des adolescentes obèses présentent un cycle ovulatoire irrégulier, se manifestant notamment par un allongement de l'intervalle entre les règles (spanioménorrhée), voire une absence de règles (aménorrhée). Les menstruations sont aussi plus souvent douloureuses.

Selon le Dr Robin, « il y a un enjeu majeur dans la prise en charge de ces patientes ». Il s'agit notamment de vérifier, par un bilan biologique, si ces troubles sont liés à une modification ovarienne, habituelle à cet âge, ou à un SOPK, potentiellement accentué par l’obésité.

L’excès d’insuline impliqué dans l’hyperandrogénie

Le SOPK est un trouble hormonal caractérisé par un excès d'androgènes, se traduisant notamment par la présence de follicules immatures dans le pourtour des ovaires. Dans trois-quarts des cas, les femmes présentant ce syndrome ont un problème de surpoids.

Si les causes du SOPK ne sont pas clairement établies, l'insuline semble jouer un rôle majeur, souligne le gynécologue. « En cas d'obésité et d'insulino-résistance, l'excès d'insuline va stimuler la production d'androgènes au niveau ovarien. Il y a alors un effet amplificateur. »

L'obésité peut aussi être responsable, à elle seule, d'un dérèglement du cycle, en raison notamment d'un excès de leptine. « En perturbant l'axe gonadotrope, l'hyperleptinémie conduit à une ovulation irrégulière (dysovulation). Elle a aussi un effet inhibiteur sur la production d’estrogènes. »

Bilan sur cycle spontané ou déclenché

Pour y voir plus clair, il est recommandé de réaliser un premier bilan endocrinien et métabolique, au minimum deux ans après les premières règles, l'hyperandrogénie transitoire étant fréquente à la puberté. En l'absence d'anomalies, « il est à renouveler tous les deux ans ».

Le bilan est effectué à deux reprises, à J2 et à J5 après le début des règles, « lors d'un cycle spontané ou déclenché après prise du progestatif Duphaston® (dydrogestérone, Mylan) ». Si le cycle ne peut pas être déclenché, « le bilan est réalisé 10 jours plus tard, en aménorrhée ».

 
En cas d'obésité et d'insulino-résistance, l'excès d'insuline va stimuler la production d'andro-gènes au niveau ovarien. Dr Geoffroy Robin
 

Il comprend une mesure du taux sérique d'hCG, d'estradiol (E2), ainsi que de LH et de FSH « pour évaluer la réactivité de l'axe gonadotrope ». La prolactine permet également d'éliminer l'hyperprolactinémie.

Si la patiente présente des signes d'hyperandrogénie (acné, forte pilosité…) « assez fréquents chez l'adolescente obèse », le dosage portera également sur la testostérone totale et la 17-hydroxyprogestérone pour éliminer un déficit en 21-hydroxylase, lié à une hyperplasie des surrénales.

L’AMH à évaluer avec précaution

Le dosage de l'hormone anti-müllerienne (AMH) peut aussi être intéressant. L'évolution de cette hormone est, en effet, le reflet de l'excès de croissance folliculaire. « Il y a une très bonne corrélation entre le taux d'AMH et le nombre de follicules chez des femmes jeunes en âge de procréer. »

Le dosage d'AMH a toutefois une sensibilité variable selon les laboratoires. « De plus, il n'y a pas de valeur seuil spécifique défini pour les plus jeunes, alors que le niveau moyen d'AMH semble plus bas à l'adolescence, que celui observé chez les femmes de plus de 20 ans. »

En plus de ces dosages, une échographie pelvienne est menée pour rechercher la présence d'un ovaire polykystique. S'y ajoute un bilan métabolique pour explorer les anomalies lipidiques, une glycémie à jeun, et, si possible, un dosage de l'insuline à jeun.

Critères diagnostiques du SOPK

Selon la conférence de consensus de Rotterdam (2003), le diagnostic de SOPK est retenu si deux critères parmi les trois suivants sont présents:

           
  • Oligospanioménorrhée (cycles longs avec menstruations courtes)

  • Hyperandrogénie clinique (acné, séborrhée, pilosité) et/ou biologique (testostérone totale)

  • Critères échographiques: présence d'un gros ovaire (plus de 10mL) ou de plus de 12 follicules de 2 à 9 mm par ovaire.

           

Concernant ce seuil de 12 follicules de petite taille, il peut être ajusté selon le matériel employé, précise le Dr Robin. « Avec les appareils d'échographie plus récents, dotés d'une sonde à très haute fréquence, le seuil peut être fixé à 25 follicules sur au moins un des deux ovaires. »

« Pour éviter un surdiagnotic, le SOPK ne peut être révélé que par un diagnostic d'élimination. Ces critères ne peuvent être appliqués que si toutes les autres causes de troubles du cycle ou d'hyperandrogénie ont été éliminées. »

 
L'hyperleptinémie...a aussi un effet inhibiteur sur la production d’estrogènes. Dr Geoffroy Robin
 

L’acné, critère majeur mais peu spécifique

L'application des critères diagnostiques du SOPK dans cette population présente toutefois quelques pièges. « A l'adolescence, l'hyperandrogénie clinique ne se manifeste pas toujours par un hirsutisme, mais plutôt par de l'acné, un signe peu spécifique à cet âge ». Pour avoir une valeur clinique, « il faut que l'acné touche au moins deux zones du corps ».

Pour ce qui est du diagnostic échographique, la difficulté réside dans la capacité à distinguer les follicules avec une échographie par voie sus-pubienne, privilégiée chez les adolescentes qui n'ont pas encore eu de relation sexuelle. « Dans ce contexte, l'évaluation du volume ovarien est plus pertinent. »

Par ailleurs, il est fréquent d'observer de multiples follicules chez les adolescentes et les femmes jeunes, rappelle le gynécologue. « La présence d'un ovaire polykystique (OPK) ne signifie pas forcément qu'il s'agit d'un SOPK. D’où la nécessité d’y associer une exploration du trouble du cycle pour détecter l’hyperandrogénie. »

Prise en charge du SOPK

Lorsque le SOPK est avéré, la prise en charge passe tout d'abord par l’application de mesures hygiéno-diététiques pour favoriser la perte de poids. « Le traitement par metformine peut être indiqué en deuxième intention uniquement en cas de diabète de type 2. »

Les troubles du cycle sont traités, quant à eux, par la mise en place d’une contraception estroprogestative (IMC<35). « A condition que l'adolescente ne présente aucun facteur de risque artériel ou thrombo-embolique veineux ».

« En cas de contre-indication pour les estroprogestatifs, les microprogestatifs peuvent être prescrits sans restriction, avec ou sans risque cardiovasculaire. L’implant contraceptif par microprogestatif est efficace, quel que soit l’IMC ».

Utilisation limitée d’Androcur®

En cas d'hyperandrogénie clinique, l'acétate de cyprotérone (Androcur®, Bayer) peut être utilisé. « Personnellement, je l'utilise uniquement en présence d'un hirsutisme chez l'adolescente qui ne réagit pas bien à la pilule oestroprogestative ou chez celles pour qui la pilule est contre indiquée », précise le Dr Robin.

Le traitement par Androcur® est alors administré à la dose de 50 mg, associé à de l'estradiol en percutané, « pour être le plus neutre possible sur le risque cardiovasculaire ». Ce traitement, un puissant antigonadotrope, « ne doit pas être associé à une pilule estroprogestative ».

S'il est bien toléré, « le traitement par Androcur® peut être maintenu pendant quatre à cinq ans », en alternance entre 20 jours de traitement et 8 jours d’arrêt, précise le praticien. « Ensuite, en l'absence de contre-indications, il est recommandé de passer à une contraception estro-progestative. »

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