Pourquoi la FA survient 10 ans plus tôt chez les hommes ?

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

23 octobre 2017

Hambourg, Allemagne — La fibrillation atriale est un problème de santé publique grandissant en raison du vieillissement de la population. Sa prévalence est de l’ordre de 1% de la population générale. Or, jusqu’ici, l’étude du trouble du rythme en fonction du sexe n’a fait l’objet que de peu d’attention.

Pourtant, « comprendre les différences de risque et de facteurs de risques en fonction du sexe est essentiel pour développer des actions préventives sur le long terme afin de réduire la mortalité, le poids sur la société et le coût associés à la FA à la fois chez les femmes et chez les hommes », indiquent Christina Magnussen et coll. (University Heart Center Hamburg-Eppendorf, Hambourg, Allemagne) dans une étude publiée dans Circulation[1].

C’est pourquoi, les chercheurs allemands ont mené une analyse poolée de 4 cohortes du consortium européen BiomarCaRE (Biomarker for Cardiovascular Riskl Assessment in Europe/ cohortes :FINRISK, DanMONICA, Molisani Northern Sweden)[1].

L’objectif était d’analyser systématiquement les différences hommes-femmes pour :

-l’incidence de la fibrillation atriale ;

-l’association entre FA et mortalité ;

-les maladies cardiovasculaires ;

-les facteurs de risque classiques ;

- et les biomarqueurs.

Globalement, l’analyse de Schnabel et coll. a porté sur 79 793 individus sans diagnostic de FA à l’entrée dans l’étude (âge moyen 49,6 ans, de 24,1 à 97,6 ans, 51,7% de femmes).

 
Comprendre les différences de risque et de facteurs de risques en fonction du sexe est essentiel pour développer des actions préventives Christina Magnussen
 

La FA survient 10 ans avant chez les hommes

L’analyse des données montre que la fibrillation est moins fréquente chez les femmes (4,4 % vs 6,4%, p<0,001) et qu’elle survient globalement plus tard que chez les hommes. L’incidence cumulée de la FA augmente fortement après 50 ans chez les hommes et après 60 ans chez les femmes, soit avec 10 ans d’écart. Les deux courbes « hommes » et « femmes » confirment que l’incidence de la FA augmente avec l’âge : l’incidence de la FA avant 50 ans est très faible alors que les deux courbes se rejoignent autour de 30 % vers 90 ans.

 
L’incidence cumulée de la FA augmente fortement après 50 ans chez les hommes et après 60 ans chez les femmes.
 

La FA touche 30 % de la population, avec un risque élevé de décès

En termes de risque sur la vie entière, il est similaire pour les deux sexes. Plus de 30 % des hommes et des femmes développent une FA au cours de leur vie. Aussi, après ajustement pour l’âge et les facteurs de risque classiques, les personnes avec une fibrillation atriale ont un risque de décéder 3,5 fois supérieur à ceux exempt de FA, quel que soit le sexe. « Le risque de décès associé à la survenue d’une FA reste élevé. La FA pose un risque significatif de mort prématurée », rappellent les auteurs.

L’IMC élevé est le facteur de risque principal

Parmi les facteurs de risque classiques, tous les facteurs de risque cardiovasculaires (à l’exception du diabète de type 2), les antécédents d’AVC et d’IDM, et le Nt-proBNP sont associés à la survenue de FA dans les deux sexes.

Le facteur de risque principal est l’indice de masse corporel (IMC), avec 20 % des FA attribuables à l’IMC pour l’ensemble des participants (avec ou sans FA).

« L’IMC reste un facteur de risque central […] Et, quels que soient les mécanismes sous-jacents, il s’agit d’un facteur de risque modifiable », soulignent les chercheurs.

Pour ces derniers, il existe probablement un lien direct entre un IMC élevé et la survenue de FA. Ils rappellent qu’auparavant des études ont montré que l’obésité modifiait le remodelage et la fonction cardiaque, augmentant ainsi la prédisposition à la FA [2,3,4].

 
L’IMC reste un facteur de risque central, il s’agit d’un facteur de risque modifiable  Les chercheurs
 

IMC et cholestérol total : des différences en fonction du sexe

Parmi les facteurs de risque classiques, la pression artérielle, le tabagisme, la consommation d’alcool, le Nt-proBNP et les maladies cardiovasculaires (IDM, AVC...) sont prédictifs de FA sans réelle distinction entre les deux sexes.

En revanche, l’indice de masse corporel (IMC) élevé et un faible taux de cholestérol total sont associés à un risque plus élevé de FA chez les hommes que chez les femmes.

Concernant l’IMC, il est plus fortement associé à la survenue de FA chez les hommes que chez les femmes (RR pour l’augmentation d’une déviation standard= 1,31 vs RR=1,18, IC 95 %), soit un risque relatif de 0,89 (IC 95 % : 0,84 à 0,96).

En parallèle, la réduction du risque de FA associée aux taux élevés de cholestérol total est plus importante chez les femmes que chez les hommes (RR=0,86 versus 0,92, IC 95%), soit un risque relatif de 0,93 (IC 95% : 0,87 à 0,99). Les chercheurs notent que l’association persiste après ajustement pour les traitements anticholestérolémiants.

Schnabel et coll. rappellent que la relation « contre-intuitive » entre des taux élevés de cholestérol total et la réduction de la FA a été observée auparavant.

« Cette observation a été expliquée par les propriétés stabilisatrices de la membrane du cholestérol bien que la physiopathologie exacte reste peu claire », précisent-ils.

Au final, les chercheurs reconnaissent que leurs observations épidémiologiques ne permettent pas de comprendre les mécanismes qui pourraient expliquer ces différences en fonction du sexe. Ils appellent donc à mener d’autres travaux.

 
La relation « contre-intuitive » entre des taux élevés de cholestérol total et la réduction de la FA a été observée auparavant.
 

 

 

 

 

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