Lisbonne, Portugal — Chez les patients diabétiques, l’activité des nouveaux hypolipémiants anti-PCSK9 ne semble pas différer de ce que l’on connait chez les patients non diabétiques. Ce message a été délivré à plusieurs reprises lors du congrès de l’European Association for the Study of Diabetes (EASD17). Une première fois par l’étude ODYSSEY DM-INSULIN , menée avec l’alirocumab (Praluent®, Sanofi-Regeneron) chez des diabétiques traités par insuline, et une seconde fois par l’étude FOURIER , menée, elle, avec l’évolocumab (Repatha®, Amgen).
Efficacité de l’evolocumab en fonction du statut diabétique
Les résultats présentés par le Pr Marc Sabatine (Harvard Medical School) et publiés dans le Lancet Diabetes Endocrinology, sont ceux d’une analyse préspécifiée de la population de FOURIER. Il s’agit d’une première analyse, exploratoire, visant à la fois « l’efficacité de l’évolocumab en fonction du statut diabétique et les effets de l’évolocumab sur la glycémie et le risque de développement d’un diabète ».
L’analyse montre qu’à 2,2 ans, l’évolocumab ne modifie pas la glycémie chez des sujets diabétiques, et n’augmente pas le risque de diabète chez des sujets normoglycémiques ou prédiabétiques.
En outre « les résultats suggèrent que l’évolocumab abaisse le LDL-c et réduit significativement le risque CV avec une efficacité similaire chez les patients diabétiques ou non ». Le conditionnel est important.
Rappelons qu’en mars dernier, des résultats étaient présentés au congrès de l’ American College of Cardiology 2017 , qui suggéraient pour la première fois une baisse du risque d’évènements CV sous évolocumab de 15% à 48 semaines chez des patients par ailleurs sous statine, soit un écart absolu de 1,5%.
Cette baisse relative est donc retrouvée chez les diabétiques, chez qui elle pourrait d’ailleurs correspondre à une baisse absolue plus importante d’un risque initial plus élevé.
A ce stade cependant, qu’il s’agisse de diabétiques ou non, la démonstration du bénéfice clinique des anti-PCSK9 sur les évènements CV est en cours, et l’on ne parle pas de bénéfice formellement prouvé.
Moins d’évènements CV chez des diabétiques à haut risque
A l’entrée dans l’étude, on comptait quelques 11000 sujets diabétiques (40% de la population de FOURIER ; 97% de DT2), 6000 sujets normoglycémiques, et 10000 sujets définis comme prédiabétiques (selon les critères de l’American Diabetes Association : HbA1c de 5,7% à 6,4% ou glycémie à jeun de 100 à 125 mg/dL).
FOURIER a été menée chez des patients à haut risque CV, puisqu’âgés de 40 à 85 ans, et présentant des manifestations cliniques d’athérosclérose (antécédents d’infarctus du myocarde ou d’AVC non hémorragique, ou artériopathie périphérique symptomatique), ainsi que des facteurs de risque additionnels. Ces sujets recevaient par ailleurs tous une statine.
Le critère primaire associait les cinq principaux évènements CV : décès CV, infarctus du myocarde (IDM), AVC, hospitalisation pour angor instable ou revascularisation coronaire. Le suivi médian est de 2,2 ans.
Par rapport au placebo, le risque relatif du critère primaire est de 0,83 (IC95%[0,75–0,93] ; p=0,0008) parmi les sujets diabétiques, et de 0,87 ([0,79–0,96] ; p=0,0052) chez les non diabétiques (sujets normoglycémiques et présentant un pré-diabète confondus).
Le bénéfice absolu semble par ailleurs plus important chez les diabétiques, ce qui serait cohérent avec un risque basal plus élevé. Cette réduction absolue est de 2,7% ([0,7-4,8]) parmi les diabétiques et de 1,6% ([0,1-3,2]) chez les non diabétiques, soit respectivement 37 ([21-137) et 62 ([32-1226]) patients à traiter durant 3 ans pour éviter un évènement du critère primaire.
Ces écarts sont « largement tirés par une plus grande réduction du risque absolu de revascularisation » ajoutent les auteurs.
Pas plus de diabète
Le principal critère secondaire regroupait les évènements les plus sévères : décès CV, IDM et les AVC. Les risques relatifs sont cette fois de 0,82 ([0,72–0,93] ; p=0,0021) chez les patients diabétiques, et de 0,78 ([0,69–0,89] ; p=0,0002) chez les non diabétiques.
Sur le plan de la sécurité, l’évolocumab n’augmente pas le risque de survenue d’un diabète parmi l’ensemble des sujets non diabétiques (8% vs. 7,6% ; RR=1,05 ; [0,94-1,17]), ni le taux de conversion parmi les sujets prédiabétiques. (11,3% vs. 11,2% ; RR=1,00 ; [0,89-1,13]).
Les chiffres d’HbA1c et de glycémie à jeun n’apparaissent par ailleurs pas différents entre les trois groupes de patients.
Enfin, les taux d’effets secondaires sont de 78,5% parmi les diabétiques recevant de l’évolucumab vs. 78,3% dans le groupe placebo, et 76,8% parmi les non diabétiques vs. 76,8%.
Des questions sur le long terme, et sur le coût
Un ensemble de messages rassurants, donc, mais qui devront être confirmés.
L’information sur l’absence d’augmentation du diabète est importante, d’une part parce que cette question a été largement soulevée avec les statines (sur-risque de diabète estimé entre 9% et 15%), d’autre part parce qu’il existe malgré tout des arguments théoriques en faveur d’un risque.
« Généralement, les études de randomisations mendéliennes ont montré que les polymorphismes déterminant une activité réduite de PCSK9, sont associés à un risque accru de diabète », a rappelé le Pr Lawrence Leiter (Toronto University, Canada), second auteur de l’étude dans le Lancet (et premier auteur d’ODYSSEY DM-INSULIN) lors d’une présentation préliminaire à l’EASD.
Tout en restant non significatif, un petit excès de survenue de diabète est d’ailleurs constaté sous évolocumab. Et comme cette tendance semble augmenter d’année en année, il faudra évidemment la suivre.
La question centrale concerne la survenue des évènements CV, que l’anti-PCSK9 réduit dans les mêmes proportions chez les patients diabétiques ou non diabétiques. Les résultats sont cohérents, mais la démonstration clinique manque encore de recul. Pour le moment, on en est à scruter la tendance des courbes.
Bénéfice absolu plus important pour les diabétiques
Les auteurs soulignent que « l’ampleur de la réduction du risque du critère primaire avec l’évolocumab tend à augmenter avec le temps ».
A plusieurs reprises, le Pr Sabatine a, pour sa part, insisté sur le bénéfice absolu plus important que les diabétiques pourraient tirer de l’évolocumab (37 diabétiques vs. 62 non diabétiques à traiter durant 3 ans pour éviter un évènement du critère primaire).
Ces ratios « suggèrent que l’utilisation de l’évolocumab chez des patients athérosclérotiques et diabétiques pourrait être particulièrement intéressante sur le plan du coût/efficacité », estiment les auteurs dans l’article.
Face au coût, que l’on sait très élevé, l’argument est donc qu’un bénéfice absolu plus important devrait rendre le coût relatif plus supportable.
Les différents systèmes de soins feront chacun leurs choix de remboursement. Mais globalement, « dans un futur prévisible, l’accès aux inhibiteurs de PCSK9, compte tenu de leur coût élevé, va probablement rester limité pour la grande partie du demi-milliard de diabétiques de type 2 à travers le monde », concluent les Prs Luca A. Lotta et Simon J. Griffin (Cambridge University, Royaume-Uni), dans un éditorial joint à la publication.
L’étude FOURIER est financée par Amgen. Le Pr Sabatine a déclaré des financements de recherche par Abbott, Amgen, AstraZeneca, Critical Diagnostics, Daiichi-Sankyo, Eisai, Genzyme, Gilead, GlaxoSmithKline, Intarcia, Janssen, the Medicines Company, MedImmune, Merck, Novartis, Poxel, Pfizer, Roche Diagnostics et Takeda, ainsi que des honoraires de consultant de Alnylam, Amgen, AstraZeneca, Cubist, CVS Caremark, Esperion, Intarcia, Ionis, Janssen, the Medicines Company, MedImmune, Merck, et MyoKardia. Le Pr Leiter a déclaré des financements de recherche de Amgen, Eli Lilly, Merck, Pfizer, Regeneron/Sanofi et the Medicines Company, ainsi que des honoraires de consultant de Amgen, Eli Lilly, Esperion, Kowa, Merck, Regeneron/Sanofi, et the Medicines Company. Les déclarations d’intérêt des autres auteurs sont indiquées dans la publication. |
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Citer cet article: Efficacité/sécurité de l’hypolipémiant évolocumab chez les diabétiques dans FOURIER - Medscape - 27 sept 2017.
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