New York, Etats-Unis – Les résultats de l’étude de phase III CheckMate-214 pourrait bien changer les pratiques en matière de traitement du cancer du rein métastatique. Déjà présentés lors du Congrès de la Société Européenne d’oncologie médicale (ESMO) 2017 à Madrid, ils viennent d’être publiés dans le NEJM[1,2].
Dans cet essai, une combinaison d’immunothérapies comprenant du nivolumab (Opdivo®, Bristol-Myers Squibb)et de l’ipilimumab (Yervoy®, Bristol-Myers Squibb) a significativement réduit le risque de décès comparé à l’anti-tyrosine kinase sunitinib (Sutent, Pfizer) chez les patients à risque pronostique intermédiaire et défavorable, naïfs de traitement de leur carcinome rénal à cellules claires (RCC) avancé ou métastatique.
La survie globale à 18 mois était de 75 % dans le groupe nivolumab plus ipilimumab vs 60 % dans le bras sunitinib.
Cette augmentation très significative de la survie globale dans ce sous-groupe de patients a d’ailleurs conduit à l’arrêt de l’étude, a indiqué Bristol-Myers Squibb, pour permettre aux patients de basculer dans l’autre groupe. [3]
En revanche, chez les patients avec un RCC avancé ou métastatique de risque pronostique favorable, le sunitinib fait mieux en termes de survie sans progression et de taux de réponse, a précisé le Pr Bernard Escudier (Institut Gustave Roussy, Villejuif) lors de la présentation des résultats en session présidentielle.
« Les tumeurs avec le plus grand nombre de mutations semblent mieux répondre à l’immunothérapie des points de contrôle », a commenté le Dr Brendan Curti (Institut de recherche Earle A. Chiles Research, Cancer Institut du Cancer Providence, Portland, Etats-Unis) dans un éditorial accompagnant l’article[4].
« Dans la mesure où le sunitinib n’avait encore jamais été « vaincu », chercher à savoir si le nivolumab et l’ipilimumab pouvaient être supérieurs au sunitinib constituait un véritable changement de paradigme dans le traitement de première ligne du cancer du rein métastatique, a commenté le Dr Manuela Schmidinger, médecin oncologue (Medical University, Vienne). Et il était « courageux », de le choisir comme comparateur ».
le nivolumab (Opdivo™, Bristol-Myers Squibb) est un anticorps monoclonal humain ciblant PD-1 ;
l’ipilimumab (Yervoy™, Bristol-Myers Squibb) est un anticorps monoclonal humain ciblant CTLA-4 ;
le sunitinib (Sutent™, Pfizer) est un inhibiteur de récepteurs à tyrosine kinase, multi-cibles, déjà approuvé pour le traitement du CCR métastatique.
Nouvelles immunothérapies versus thérapie ciblée
L’essai CheckMate-214 avait pour but d’évaluer si les nouvelles immunothérapies pouvaient être supérieures à l'une des thérapies standard dans le RCC avancé ou métastatique non traité. Pour être inclus dans l’étude, les patients devaient remplir les critères suivants :
maladie avancée et/ou métastatique ;
composante de cellules claires ;
pas de thérapie systémique préalable pour le CCR ;
un bon état de santé global (indice de Karnofsky ≥ 70).
Ils étaient ensuite répartis dans deux groupes d’intervention :
-l’un (550 patients) recevait la combinaison d’immunothérapies en IV suivant le schéma : nivolumab, à la dose de 3 mg/kg, et ipilimumab, 1 mg/kg toutes les 3 semaines pour 4 doses, suivi par du nivolumab à 3 mg/kg toutes les 2 semaines.
-dans l’autre groupe, les 546 patients recevaient du sunitinib par voie orale à 50 mg sur un rythme hebdomadaire pendant 4 semaines et deux semaines sans rien, sur des cycles de 6 semaines.
Sur les 1096 patients de la population en intention de traiter, 23% étaient considérés comme étant de risque pronostique favorable, 61% étaient à risque intermédiaire, et 17% à risque défavorable dans chacun des groupes.
Un taux de réponse significativement amélioré chez les patients à haut risque
Sur l’ensemble de la population, la survie médiane sans progression n’a pas été améliorée (12,4 vs 12,3 mois; [RR, 0,98; 99,1% CI, 0,79-1,23; P = 0,8498] d’où l’impression de résultats mitigés laissée par l’annonce de BMS en août dernier [5]. Et si la survie sans progression dans le groupe à haut risque était en faveur de la combinaison (11,6 mois versus 8,4 mois avec le sunitinib), la significativité n’était pas atteinte [RR : 0,82; IC99,1% : 0,64-1,05; P = 0,0331]. Une valeur de P de 0,009 était requise.
En revanche, en s’intéressant uniquement aux patients à haut risque (risque pronostique intermédiaire et défavorable), l’étude a atteint l’un de ses critères primaires. Après environ 17,5 mois de suivi, le taux de réponse objective était de 41,6% dans le groupe nivolumab/ipilimumab versus 26,5% dans le groupe sunitinib (p < 0,0001) avec 9,4% des patients recevant le traitement combiné qui atteignait une réponse complète contre 1,2% des patients sous sunitinib. La durée de réponse médiane n’a pas été atteinte (IC 95% : 21,82 ; NR) versus 18,2 mois avec le sunitinib (IC 95% :14,82 ; NR).
« Nivolumab et ipilimumab ont induit un taux de réponse objective élevé, dont la qualité est soulignée par le taux de rémission complète, la durée de réponse et sa traduction en termes de survie globale, a considéré le Dr Manuela Schmidinger. Et parmi les meilleurs jamais obtenu dans cette population. »
Meilleurs résultats avec nivolumab plus ipilimumab si PD-L1 ≥ 1%
Aussi bien le taux de réponse objective que la survie sans progression ont été en faveur de l’association nivolumab plus ipilimumab chez les patients avec une expression de PD-L1 ≥ 1%, avec un taux de réponse de 58% contre 25% pour le sunitinib, et une PFS médiane de 22,8 [IC95% : 9,4, NR] mois versus 5,9 [IC95% 4,4 - 7,1] mois, respectivement [RR=0,48 (IC95% : 0,28 - 0,82; p = 0,0003)].
En revanche, chez les patients à risque pronostique favorable (qui étaient aussi ceux chez qui le taux de PD-L1 était le plus bas), les deux critères primaires étaient meilleurs avec le sunitinib qu’avec la combinaison ; dans cette cohorte spécifique, le taux de réponse objective était de 29% avec nivolumab/ipilimumab versus 52% avec le sunitinib (p = 0,0002) et la PFS médiane était de 15,3 mois (IC95% = 9.7 – 20,3) versus 25,1 mois (95% CI 20.9, NR), respectivement [RR = 2,17 ; IC95% = 1,46 – 3,22; p < 0,0001].
De la même façon, en considérant les patients tout risque confondu, aucune différence n’était observée entre les traitements, que ce soit pour le taux de réponse objective (p = 0,0191) ou la survie sans progression PFS (p = 0,819).
Profil de sécurité acceptable
En termes de sécurité, des événements indésirables (EI), tous grades confondus, sont survenus chez 509 (93%) patients du groupe nivolumab/ipilimumab et chez 521 (97%) patients recevant le sunitinib. Mais ils ont été moins sévères avec l’immunothérapie : 54% des patients ont expérimenté des EI de grade 3 à 4 contre 63% de patients avec des EI de grade 3 à 5, respectivement.
Quant aux arrêts de traitement pour cause d’EI, ils ont été moindres dans le groupe immunothérapies combinées : 22% et 12% respectivement. Enfin, sur les 159 décès survenus dans le groupe avec la combinaison, 7 (1%) ont été considérés comme étant liés au traitement, contre 4 (1%) des 202 décès du groupe sunitinib.
Vers de nouveaux standards
Pour les investigateurs de l’étude, les résultats de cette étude de phase III font de la combinaison d’immunothérapies nivolumab plus ipilimumab un traitement de première ligne potentiel pour les patients avec un RCC métastatique à haut risque, en particulier chez ceux dont la tumeur a une expression de PD-L1 ≥1%. En revanche, les résultats ne sont pas en faveur d’une utilisation chez les patients à risque pronostique favorable.
Quant à savoir comment choisir le meilleur traitement pour un individu donné parmi les traitements de première ligne, Manuela Schmidinger considère que cela sera possible « dès que l’on sera capable d’évaluer correctement la biologie de la tumeur ». En outre, plusieurs combinaisons de traitements sont aujourd’hui à l’étude dans les études de phase III, et certaines de ces combinaisons vont probablement devenir des traitements standards, ajoute-t-elle. « Ces données sont aussi encourageantes pour ceux qui conduisent actuellement des essais associant des combinaisons d’inhibiteurs de VEGF/immunothérapie versus sunitinib ».
L’essai a été financé par Bristol-Myers Squibb and Ono Pharmaceutical . Le Pr Bernard Escudier a déclaré des liens d’intérêt avec Bayer, Bristol-Myers Squibb, Exilixis, Ipsen, Novartis, Roche, Pfizer, Ipsen. |
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Citer cet article: Cancer du rein avancé à haut risque : une double immunothérapie mieux que le sunitinib - Medscape - 30 mars 2018.
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