Cancer du sein HR+/HER- : l’abémaciclib améliore la survie sans progression

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

21 septembre 2017

Madrid, Espagne – Parmi les essais importants présentés Congrès de la Société Européenne d’oncologie médicale (ESMO) 2017 à Madrid figure l’étude MONARCH 3 dont les résultats intérimaires à 18 mois montrent que l’abémaciclib, en combination avec des anti-aromatases non stéroïdiens (NSAI), anastrozole ou letrozole, prolonge significativement la survie sans progression et améliore les taux de réponse chez des patients avec un cancer du sein avancé hormone-sensible (HR+) et négatif pour HER2 (HER-) [1].

Ces données font de l’abémaciclib, un nouveau traitement possible de la classe des inhibiteurs des cyclines CDK4/6 à pouvoir être utilisé en première ligne, en combinaison, chez ce type de ces patientes.

Cependant, si, dans cette étude, la majorité des femmes a tiré bénéfice de l’abémaciclib en traitement initial, il semble que certains sous-groupes de patientes pourraient s’en tenir à une hormonothérapie seule.

Abémaciclib, un inhibiteur du cycle cellulaire CDK4/CDK6

Une des caractéristiques du processus tumoral est la capacité de maintenir une prolifération continue tout en échappant aux signaux de contrôle de la croissance. De fait, le cycle cellulaire est apparu comme une cible thérapeutique potentielle. L'abémaciclib un inhibiteur kinase cycline-dépendantes (CDK) qui cible la voie du cycle cellulaire CDK4 (cycline D1) et de la CDK6 (cycline D3), avec une activité antinéoplasique potentiel. En inhibant cette voie du cycle cellulaire stimulée par les estrogènes, l’abémaciclib, permet l'arrêt du cycle cellulaire en phase G1, la suppression de la synthèse d'ADN et l'inhibition de la croissance des cellules cancéreuses. Trois inhibiteurs sélectifs de CDK 4/6 administrés par voie orale sont en cours de développement : l’abémaciclib (Lilly), palbociclib (Ibrance®, Pfizer) and ribociclib (Kisqali®, Novartis). Seuls les deux derniers sont approuvés en Europe.

Troisième inhibiteur des CDK4/6 à l'

« C’est la troisième étude démontrant qu’ajouter un inhibiteur des CDK4/6 à un traitement hormonal fait mieux que le traitement hormonal seul [Les 2 autres études sont PALOMA-2 et MONALEESA-2 / NDLR]», a commenté le Dr Angelo Di Leo, (service d’oncologie médicale Sandro Pitigliani, Istituto Toscano Tumori, Prato) lors de la présentation de l’étude.

           

Première ligne, sensible aux anti-aromatase/avec IA

           
           

Inhibiteur des CDK4/6

           
           

RR (PFS)

           
           

IC95%

           
           

PALOMA2

           
           

Palbociclib (Pfizer)

           
           

0,58

           
           

(0,46 – 0,72)

           
           

MONALEESA2

           
           

Ribociclib (Novartis)

           
           

0,58

           
           

(0,46 – 0,70)

           
           

MONARCH3

           
           

Abemaciclib (Lilly)

           
           

0,54

           
           

(0,41 – 0,72)

           

 

« C'est vrai que c'est la troisième étude, mais c'est quand même très intéressant puisqu'on en avait déjà deux qui allaient dans le même sens et cette troisième va encore dans le même sens » a renchérit le Dr Thomas Bachelot (Département d’oncologie médicale Centre Léon Bérard, Lyon) pour Medscape édition française.

Voir aussi la vidéo de Medscape édition française  Cancer du sein : 5 études majeures à l'ESMO 2017 où le Pr Frédérique Penault-Llorca et le Dr Thomas Bachelot commentent les essais MONARCH 3, LORELEI, KEYNOTE 0086, ExteNET et une étude sur la signature génétique après chimiothérapie.

Un taux de réponse objective de 59% avec abémaciclib

MONARCH 3 est une étude de phase III en double aveugle qui a comparé l’abémaciclib plus anastrozole ou letrozole à un placebo plus anti-aromatases non stéroïdiens (NSAI) chez les femmes en post-ménopause HR+/HER-, n’ayant reçu aucun traitement systémique au préalable pour un stade métastatique. Les patientes devaient être naïves de traitement hormonal ou avoir progressé depuis plus de 12 mois après leur dernier traitement hormonal.

Les 493 femmes ont été randomisées selon un mode selon 2:1 (328 dans le bras abémaciclib, 165 dans le bras placebo), mais classées aussi selon le site métastatique : métastases viscérales, osseuses, autres, et/ou l’existence d’un potentiel traitement hormonal préalable.

L’abémaciclib a été administré oralement à la dose de 150 mg deux fois par jour ou sur un mode continu, auquel venait s’ajouter soit 1 mg d’anastrozole, soit 2,5 mg de letrozole, quotidiennement.

Le critère primaire était la survie sans progression, et les critères secondaires comprenaient le taux de réponse objective et la sécurité.

Une étude intérimaire réalisée à 194 événements (18 mois) a montré que l’abémaciclib plus un NSAI améliore significativement la survie sans progression (PFS) ; la médiane de PFS n’a pas été atteinte dans le groupe avec la combinaison de traitement contre 14,7 mois dans le groupe placebo plus NSAI [RR : 0,543; 95% ; IC : 0,409; 0,723 (p = 0,000021)].

Le taux de réponse objective a, quant à lui, été de 59% avec abémaciclib versus 44% avec le placebo (p = 0,004).  

Deux analyses exploratoires de sous-groupes

Les patientes, telles que définies dans l’étude, sont-elles toutes à même de bénéficier de ce traitement ?

Pour le savoir, deux analyses exploratoires de sous-groupes ont été menées, l’une portant sur les femmes ayant des métastases hépatiques, l’autre en restreignant l’étude aux femmes avec uniquement des métastases osseuses. Et les résultats montrent que « les femmes avec la maladie à l’état le plus critique, notamment celle avec des métastases hépatiques, sont celles qui tirent le plus de bénéfice du traitement additionnel.

En revanche, «les patientes avec des métastases osseuses, ou une maladie plus indolente, ayant rechuté longtemps après la fin de leur traitement hormonal, ont un excellent pronostic avec la thérapie hormonale seule, a précisé le Pr Léo. C’est la première fois que nous avons des indices suggérant que des femmes puissent bénéficier différemment d’un traitement par inhibiteurs CDK 4/ 6 en fonction de certaines caractéristiques cliniques, impliquant la possibilité que certaines patientes avec un bon pronostic puissent démarrer avec juste une thérapie hormonale. Chez ces patientes – environ un tiers dans cette étude –, les inhibiteurs CDK4/6 pourraient être réservés à une deuxième ligne de traitement du stade métastatique. L’idée mérite que l’on réalise des études supplémentaires étant donné nos résultats ».

Plus de diarrhées et de neutropénies

La sécurité a été cohérente avec celle rapportée précédemment avec l’abémaciclib. Les événements indésirables les plus fréquents avec l’abémaciclib (vs control) ont été la diarrhée (81,3% vs 29,8%), la neutropénie (41,3% vs 1,9%), et la fatigue (40,1% vs 31,7%). Une neutropénie de grade 3/ 4 a été retrouvée chez 21,1% patients sous abémaciclib versus 1,2% des patients sous placebo. Les réductions de doses ont été beaucoup plus fréquentes avec l’abémaciclib (43% vs 6% pour le contrôle), de même que les arrêts de traitement (20% vs 3% pour le bras contrôle).

« L'abémaciclib pourrait être un peu plus efficace que le palbociclib et le ribociclib; on sait qu'il est un peu plus efficace en première ligne — même si on ne peut évidemment pas faire de comparaison directe entre les différentes études — il est aussi un peu plus toxique avec plus de toxicité digestive en particulier, jusqu'à 9 % de diarrhée grade 3, ce qui n'est pas négligeable, alors que les autres drogues n'avaient pas ces problèmes » a commenté le Dr Bachelot.

L’abémaciclib est aussi à l’étude en combinaison avec le trastuzumab (Herceptin®) chez les patients avec un cancer du sein HR+/HER2+ localement avancé ou métastatique dans l’essai de phase II monarcHER trial (NCT02675231).

Pas encore de données de survie globale

Considérant sa bonne efficacité et son profil de sécurité compatible avec un traitement sur le long terme, Nicholas Turner (Institute of Cancer Research, London) s’est demandé, en démarrant sa discussion de l’étude, si ce traitement était susceptible de concurrencer les standards de première ligne basé sur l’hormonothérapie.

Il a argumenté que le bénéfice constant retrouvé au long des différentes études reflète un effet classe des inhibiteurs. Notant que les données de survie globale n’étaient pas encore disponibles, il a rappelé que « toutes les études avec les inhibiteurs CDK4/6 étaient largement sous dimensionnées pour ce critère, la médiane de survie globale sous letrozole seul étant de 50 mois approximativement, la puissance de MONARCH3 est à environ 50% ».

Pour y voir plus clair entre ces 3 molécules, il va falloir attendre. « La médiane de survie sans progression n'est pas atteinte dans le bras expérimental, donc il faut vraiment attendre de voir jusqu'où ça va. Peut-être que dans 1 an ou 2, on verra des différences apparaître entre ces différentes études » a considéré, de son côté, le Dr Bachelot.

Quant à savoir si ces résultats vont changer la donne sur le choix des patientes les plus à même de prendre un traitement hormonal, le Dr Turner a finalement répondu positivement compte-tenu des analyses de sous-groupes, tout en ajoutant que « même si les patients naïves de tout traitement hormonal, avec une maladie de bon pronostic, de petit volume et sans métastases viscérales sont les plus susceptibles de bénéficier d’un traitement par anti-aromatases seuls, il reste difficile de dire qui bénéficiera le plus des inhibiteurs de CDK 4/6 ». 

 

L’essai a été financé par Eli Lilly and Company. Le Pr A. di Leo a déclaré des liens d’intérêt avec Daichii-Sankyo, Roche, Novartis, Pfizer, AstraZeneca, Genomic Health, Eisai, Lilly, Pierre Fabre, Bayer, Celgene; Puma Biotechnology.

 

 

 

 

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