Le blog du Dr Boris Hansel - Diabétologue et nutritionniste
Retour sur l’étude PURE (Prospective Urban-Rural Epidemiology), présentée au dernier congrès de l’European Society of Cardiology (ESC 2017) , et publiée dans le Lancet [1], et sur « la communication qui en a découlé ».
Il s’agit de « l’une des plus vastes études observationnelles jamais menée dans le domaine de la nutrition », rappelle le Dr Hansel. Elle collige « les données de plus de 135000 individus, dans plus de 18 pays du monde entier ».
Aspect important : ces pays sont de niveau économique très différents, et la majorité des sujets inclus dans PURE proviennent de pays de faible niveau économique.
Les résultats montrent une relation positive entre la consommation de glucides et la mortalité toutes causes, et une relation inverse entre consommation de graisse et mortalité totale. En outre, la consommation de graisses saturées apparait inversement associée à la mortalité totale.
« Ces résultats sont très étonnants en ce qui concerne les graisses, et en particulier les graisses saturées », souligne le Dr Hansel.
Consommer beaucoup de graisses saturées réduirait la mortalité, et réduire les graisses saturées, serait donc dangereux.
« C’est en tout cas le message que les auteurs de l’étude se sont permis de passer de façon explicite dans leur article ».
Ce message « clair et spectaculaire » a bien entendu été largement repris dans la presse grand-public, puisqu’il est « assez agréable d’entendre dire qu’il faut manger gras, de la crème fraiche ou des viandes grasses pour prolonger son existence ».
« J’ai été assez interloqué que l’on puisse, à partir d’une étude observationnelle, diffuser de tels messages », poursuit le Dr Hansel. Car certes, « le nombre de sujets dans l’étude PURE est considérable ». Certes, le Lancet, qui a publié l’étude, est « une revue prestigieuse ».
« Mais cela suffit-il pour changer brutalement et radicalement les messages sanitaires nutritionnels ? »
Il faut donc rappeler que PURE est une étude observationnelle, avec de nombreux biais, dont certains sont d’ailleurs mentionnés par les auteurs eux-mêmes.
« Manger des graisses saturées est à l’évidence un marqueur d’un certain mode de vie.
Et ce marqueur n’a pas la même signification dans les différents pays du monde ».
Les pays de faible niveau socio-économique, sont caractérisés par une alimentation pauvre en graisses saturées, et riche en glucides - simplement parce qu’on y mange peu de viande et beaucoup de féculents.
Et dans ces pays, « est-ce vraiment le manque de graisses saturées qui est dangereux, ou le fait que l’alimentation soit peu variée, et donc potentiellement carencée », questionne le Dr Hansel.
« Indépendamment de ces biais, qui sont difficiles à éliminer compte tenu de la méthodologie de PURE, il y a quelque chose que j’ai trouvé étrange dans la publication », poursuit-il.
« Les auteurs n’ont pas décrit l’IMC des individus ».
Pourtant, dans une précédente publication de l’étude, en 2016, l’IMC était bien mentionnée, donc cette variable a été collectée. Et l’on peut constater des variations importantes selon le niveau économique des pays inclus dans l’étude.
Il est donc surprenant que dans la dernière analyse, publiée dans la Lancet, les auteurs n’aient pas tenu compte de ces différences d’IMC.
Il y a là « potentiellement un énorme biais », qui implique de « rester modéré dans les conclusions à tirer de PURE ».
« Cette étude ne peut pas effacer tout ce qui a été dit des apports en graisses et de la morbi-mortalité », résume le Dr Hansel.
L’American Heart Association a d’ailleurs publié dernièrement dans Circulation une synthèse sur les associations entre les graisses et les maladies cardiovasculaires (MCV) [2].
« Cette synthèse concluait à l’importance de réduire les apports en graisses saturées en prévention primaire ou secondaire des MCV ».
« On voit donc que le débat se poursuit et n’est absolument pas clôt », insiste le Dr Hansel.
« On sait bien la difficulté qu’il y a à produire des preuves formelles dans le domaine de la nutrition. Mais si l’on intègre PURE à l’ensemble des données disponibles, on peut confirmer une chose et une seule : l’intérêt de limiter les apports en glucides à environ 50 voire 55% des apports énergétiques, et de limiter ces apports au profit des graisses insaturées ».
Et il s’agit là d’une donnée « qui devient de plus en plus solidement établie, et que l’on peut recommander à nos patients ».
Manger des graisses ou des sucres ? L’étude observationnelle PURE chamboule tout
Mode de vie et risque vasculaire : comment éviter le scénario catastrophe ?
Pour PURE, la prévention secondaire CV dans le monde n'est pas à la hauteur
L’excès de graisses saturées pourrait majorer le risque de cancer du poumon
Citer cet article: L’essai PURE se trompe de message sur les graisses saturées - Medscape - 21 sept 2017.
Commenter