La combinaison dabrafenib/trametinib : un nouveau standard dans le mélanome muté stade III BRAF+

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

18 septembre 2017

Madrid, Espagne – La combinaison dabrafenib plus trametinib a très significativement réduit de 53% le risque de récidives et de décès à 3 ans des patients avec un mélanome opéré, ayant la mutation BRAF V600 et à haut risque de récidive. La combinaison qui avait fait ses preuves au stade métastatique pourrait donc bien devenir un standard en adjuvant pour les stades III. Ce résultat a été présenté au Congrès de la Société Européenne d’oncologie médicale (European Society for Medical Oncology, ESMO) 2017 à Madrid [1] et publié simultanément dans le New England Journal of Medicine [2]  ».

 « Même après une résection complète, les patients avec un mélanome de stade III restent à risque de récidive, et beaucoup vont finalement mourir à un stade métastatique, a affirmé le dermatologue Axel Hauschild (Hopital universitaire Schleswig-Holstein, Kiel) en introduction à la conférence de presse. Et en dépit d’avancées récentes, de nouvelles options de traitement, plus efficaces et moins toxiques, sont nécessaires en adjuvant. » D’où l’idée de tester sur un stade III, la combinaison de deux thérapies ciblées, l’une inhibant BRAF, l’autre MEK ½, sachant la combinaison a fait la preuve de son efficacité en augmentant la survie globale dans les études de phase III COMBI-d et COMBI-v chez des patients atteints d’un mélanome avancé ou métastatique non résécable et porteurs d’une mutation BRAF.

Voir aussi la vidéo du Pr Caroline Robert (Gustave Roussy) : Mélanome : résultats très positifs présentés à ESMO 2017, selon C. Robert

Une étude qui change la donne

Appelé à commenter ces résultats en conférence de presse, le Dr Dummer Reinhard, du service de dermatologie (Hôpital universitaire de Zurich), a évoqué « deux options très convaincantes pour les patients atteints de mélanome », faisant référence à l’étude CheckMate 238 évaluant le nivolumab en adjuvant pour les stades III opérés . « Ces nouvelles options vont changer la pratique, les médecins vont devoir désormais choisir quelle est la meilleure pour leurs patients mutés BRAF V600. Mais il apparait clairement dès à présent que les traitements par interféron n’ont plus leur place et que les recommandations vont devoir intégrer cette nouvelle donne. »

« C’est l’une des deux études très positives [l’autre est l’étude CheckMate 238] qui ont été présentées cette année en session présidentielle et qui vont très certainement nous faire nos pratiques, a commenté le Dr Caroline Robert (responsable du service dermatologie, Gustave Roussy, Villejuif) pour Medscape édition française. Chez les patients mutés pour BRAF, qui représentent environ 50% des patients, les résultats de l’étude COMBI-AD montrent que la combinaison dabrafenib plus trametinib diminue le risque de récidive de 53%, on a même désormais des résultats disponibles de survie globale qui sont significatifs. Je n’ai pas beaucoup de doutes concernant l’utilisation prochaine chez nos patients de cette double thérapie. »

Combinaison de deux thérapies ciblées, anti BRAF, anti MEK

L’étude de phase III randomisée, en double aveugle, Combi-AD a comparé la combinaison dabrafenib plus trametinib comme traitement adjuvant chez les patients avec un mélanome opéré, ayant la mutation BRAF V600 et à haut risque de récidive (stade III) à un placebo. Les 870 patients (naïfs de tout traitement systémique ou de radiothérapie) se répartissaient ainsi : 18% de stade IIIA, 41% de stade IIIB, 40% de stade IIIC, et 1% sans stade établi. 438 patients ont été assignés à recevoir du dabrafenib à 150 mg deux fois par jour, auquel on ajoutait du trametinib à 2 mg 1 fois par jour, et 432 ont reçu les placebos correspondants, et ce, pendant 12 mois. Le critère primaire était la survie sans récidive, alors que la survie globale, la survie sans métastases à distance, le délai jusqu’à rechute et la sécurité du traitement.

Après un suivi médian de 2,8 ans, le risque de récidives ou de décès a été réduit de 53% dans le bras dabrafenib plus trametinib en adjuvant comparé au placebo [RR : 0,47; IC95% : 0,39, 0,58]. La survie sans rechute médiane n’a pas été atteinte dans le bras comportant la combinaison versus 16,6 mois dans le bras placebo (p < 0.001). Et le bénéfice a été retrouvé dans chaque des sous-groupes de patients.

Survie sans récidive à 1, 2 et 3 ans

 

1 an

2 ans

3 ans

Combinaison

88%

67%

58%

Placebo

56%

44%

39%

 

En ce qui concerne les critères secondaires; le risque relatif pour la survie globale était de 0,57 en faveur de la combinaison (IC95%, 0,42 – 0,79).

Des effets secondaires plus nombreux

En revanche, les événements indésirables ont été plus nombreux avec la combinaison d’inhibiteurs BRAF/MEK : 41% des patients ont expérimenté des EI de stade 3/4 dans ce groupe contre 14% sous placebo. De plus, 26% des patients du bras dabrafenib plus trametinib ont arrêté l’étude à cause d’EI versus 3% des patients du groupe contrôle. « Les effets secondaires ont été plus nombreux qu’attendu avec la combinaison, a commenté le Dr Hauschild, mais n’ont pas fait apparaitre de nouvelles toxicités ». 

Et au vu des données sur la survie sans récidive et la sécurité de la combinaison, « le régime dabrafenib and trametinib apparait donc comme une nouvelle option de traitement à ce stade » a conclu le dermatologue allemand.

Dabrafenib + trametinib ou nivolumab

Interrogés sur le choix du traitement, entre dabrafenib plus trametinib, d’une part, et nivolumab d’autre part, chez un patient donné avec un mélanome opéré BRAF-V300+, les différents experts ont reconnu que c’était désormais la question qui allait se poser en pratique clinique et que la réponse n’était pas forcément simple. Bien que le traitement relève en grande partie du praticien, le Dr Hauschild a souligné que le choix pourra aussi tenir compte du patient. « D’un point de vue pratique, par exemple, le nivolumab requiert une perfusion deux fois par semaine, alors que la combination dabrafenib/trametinib se prend oralement. Pour un patient qui vit à distance de l’hôpital, la thérapie ciblée pourra se révéler une option plus adaptée que le nivolumab » a-t-il expliqué. Autre facteur de choix, la toxicité des traitements a souligné le Dr Reinhard.

 

L’étude a été financée par Novartis et GlaxoSmithKline : les deux molécules ont été développées par GSK, mais reprises par Novartis, qui a racheté la branche oncologie de GSK en 2014.

Les auteurs ont de nombreux liens avec l’industrie pharmaceutique listés dans la publication.

 

 

 

 

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