L’osimertinib bientôt en première ligne dans le cancer du poumon muté EGFR ?

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

14 septembre 2017

Madrid, Espagne – Dans le cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC), l’osimertinib améliore la survie sans progression de 54% comparé au traitement de première ligne chez les patients avec une mutation du récepteur à l’EGF (EGFR). Les résultats de l’étude FLAURA ont fait l’objet d’une présentation en Late-breaking au Congrès de la Société Européenne d’oncologie médical (European Society for Medical Oncology, ESMO) 2017 à Madrid [1].

En France, l’osimertinib (Tagrisso®, AstraZeneca) a l’AMM dans le traitement du cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC), localement avancé ou métastatique, avec mutation EGFR T790M.

Mutation de résistance T790M

Les mutations du récepteur à l’EGF sont retrouvées chez environ 15% de patients atteints de ce type de cancer en Occident et ce taux grimpe à 35% dans les pays asiatiques. Et chez ces patients, les inhibiteurs d’EGFR sont supérieurs à la chimiothérapie en première ligne de traitement.

Problème : en dépit de taux de réponse élevé et d’une bonne survie sans progression, « dans les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) mutés EGFR, la résistance aux inhibiteurs de tyrosine kinase (TKI) anti-EGFR est un phénomène inéluctable survenant en moyenne après 9 mois de traitement » rapportait récemment le Dr Emilie Hutt sur Medscape édition française. Les patients développent alors des métastases principalement cérébrales. Chez une grande partie de ces patients (plus de 50%), la résistance de la tumeur est liée au développement d'une mutation appelée T790M dans le gène codant pour EGFR. La présence de ce variant, T790M, réduit l’accrochage des TKI anti-EGFR de première ou deuxième génération, au site de liaison, altérant possiblement l’activité inhibitrice de ces agents.

Les mutations EGFR et en particulier la mutation T790M peuvent être ciblées par l’osimertinib. « Nous avons fait l’hypothèse que l’osimertinib, un inhibiteur de tyrosine kinase (TKI) anti-EGFR de troisième génération, qui cible les mutations d’EGFR et les mutations de résistance de type T790M serait associé à des meilleurs résultats » a affirmé le Pr Suresh Ramalingam, principal investigateur et oncologue (Winship Cancer Institute of Emory University, Atlanta).

 
Les mutations du récepteur à l’EGF sont retrouvées chez environ 15% de patients atteints de ce type de cancer en Occident et ce taux grimpe à 35% dans les pays asiatiques.
 

Une étude préliminaire chez 60 patients avec des mutations EGFR naïfs de tout traitement a montré une survie sans progression moyenne de 20,5 mois avec l’osimertinib, soit près de 2 fois ce que l’on obtient d’habitude avec l’erlotinib ou le gefitinib.

Réduction de 54% du risque de progression

FLAURA est une étude de phase III qui a comparé l’osimertinib (n = 279) à la prise en charge standard par erlotinib ou gefitinib (n= 277) comme traitement de première ligne dans le CBNPC chez 556 patients présentant des mutations de type 19 ou 21 dans un exon de EGFR.

La survie médiane sans progression a été de 18,9 mois avec l’osimertinib versus 10,2 mois avec le traitement standard, soit un risque relatif de 0,46 (IC95% 0,37–0,57; p<0,0001). « On observe une réduction de 54% du risque de progression ou de décès, avec une rapide divergence des courbes » a commenté l’orateur en conférence de presse. Par ailleurs, le bénéfice a été retrouvé chez tous les patients, qu’ils aient eus ou non des métastases cérébrales à l’inclusion. « Sur l’ensemble des patients, les tumeurs cérébrales ont progressé chez 17 patients (6%) vs 42 (15%) du groupe traitement standard, suggérant que l’osimertinib protège le cerveau » a considéré l’oncologue.

En outre, la durée médiane de réponse était deux fois plus élevée chez les patients traités par osimertinib (17,2 mois) versus prise en charge standard (8,5 mois). Et le taux de réponse complète était de 80% versus 76%, respectivement.

Nouveau traitement de référence ?

Concernant la toxicité, le profil de sécurité de l’osimertinib a été plus favorable malgré un traitement plus long (16, 2 mois) comparé au traitement standard. L’incidence des toxicités de grade 3 ou plus était moins élevée avec l’osimertinib (34%) qu’avec le traitement de référence (45%), et « il y a eu moins d’arrêts de traitement » a précisé l’orateur.

Enfin, les résultats sur la survie globale étaient en faveur de l’osimertinib, avec un risque relatif de 0,63 même si la différence n’était pas significative à ce stade de l’étude (p = 0,0068).

« Compte-tenu de ces premiers résultats prometteurs, l’osimertinib devrait être considéré comme un nouveau traitement de référence en première ligne chez les patients avec un CBNPC avancé muté pour EGFR », a conclu le Pr Ramalingam.

En 1ère ligne ou pas ? Un vrai dilemme

Pour le Pr Maurice Pérol, pneumo-oncologue au Centre Régional de Lutte Contre le Cancer Centre Léon Bérard (Lyon) : « ce sont des résultats intéressants même s’il est trop tôt pour juger de l’effet sur la survie ». « On note toutefois une tendance en faveur d’une meilleure survie globale avec l’osimertinib » a-t-il commenté pour Medscape édition française. « Ici, les résultats étaient attendus. Ce qu’on ignorait, en revanche, c’était l’amplitude de la différence entre les traitements, dont va découler l’attitude thérapeutique à tenir ». Dilemme : faut-il traiter tous les patients avec l’osimertinib en première ligne ou plutôt privilégier une séquence avec un premier traitement, un deuxième, puis l’osimertinib, sachant que l’on ne sait pas actuellement traiter les résistances à l’osimertinib autrement que par la chimiothérapie ? s’interroge-t-il. « Je pense que la plupart des médecins vont switcher pour l’osimertinib en première ligne pour exposer 100% des patients au traitement le plus efficace. Si l’on attend la survenue d’une résistance, on n’est pas sûr que cette résistance sera sensible à l’osimertinib – cela correspond seulement à la moitié des cas. Et dans le même temps, certains patients bénéficieront plus du traitement séquentiel…Comme il est impossible d’anticiper les mécanismes de résistances, c’est une question compliquée » a conclu le Pr Pérol.

 
L’osimertinib devrait être considéré comme un nouveau traitement de référence en première ligne chez les patients avec un CBNPC avancé muté pour EGFR Pr Suresh Ramalingam
 

Après AURA3, FLAURA

L’étude de phase III AURA3 a inclus 419 patients présentant un CBNPC métastatique muté EFGR, ayant progressé sous TKI en première ligne et présentant cette mutation de résistance [3]. Les patients sont randomisés entre osimertinib et un doublet de chimiothérapie platine-pemetrexed. Les résultats ont été largement en faveur de l’osimertinib avec un gain en survie sans progression de presque 6 mois (10,1 mois versus 4,4 mois), et un meilleur taux de réponse objective.

 

L’étude a été financée par Astra-Zeneca. Le Pr S. Ramalingam a des liens d’intérêt avec Astra Zeneca, Bristol-Myers Squibb, Genentech, Boehringer Ingelheim. Certains auteurs sont employés par AstraZeneca. Les liens d’intérêt des auteurs sont détaillés dans la publication. Le Pr Pérol déclare avoir des liens d’intérêt avec Amgen, AstraZeneca, Boehringer Ingelheim, Bristol Myers Squib, Lilly, MSD, Novartis, Pfizer et Roche.

 

 

 

 

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