Enregistré le 11 septembre 2017, à Madrid, Espagne
Le Pr Olivier Mir commente l’actualité des sarcomes : la survie des patients diffère selon le lieu de la chirurgie (NETSARC) ; nouveautés dans les tumeurs stromales gastro-intestinales ; signal de vigilance avec le dénosumab dans les tumeurs osseuses à cellules géantes ; l’actualisation de SARCOGYN marque la fin d’un dogme.
TRANSCRIPTION
Bonjour, je suis Olivier Mir, oncologue médical et pharmacologue, et je vais vous parler des points les plus importants des présentations orales abordées lors de ce congrès de Madrid 2017 [European Society for Medical Oncology (ESMO) 2017].
Étude française FSG-GETO/NETSARC
Concernant les sarcomes, l’étude la plus marquante et la plus importante[1] est celle du Groupe Sarcome Français, qui a porté sur un peu plus de 9000 malades traités sur tout le territoire français et qui s’intéressait à examiner le devenir de ces patients en termes de rechute locale et de survie globale selon leur lieu de prise en charge, selon qu’ils étaient pris en charge dans des centres de référence du réseau national NETSARC, labellisé par l’Institut National du Cancer, ou en dehors de ces centres NETSARC. Le principal résultat de cette étude est que la survie des patients diffère selon le lieu où a été réalisée la chirurgie — on avait déjà des données qui avaient été présentées à Chicago — montrant que le taux de rechute locale et la conformité avec la prise en charge selon les guidelines internationaux étaient meilleurs dans les centres NETSARC. Cette année, on nous montre que la survie est meilleure quand les patients ont été opérés en centre NETSARC — même si ce sont des patients avec des maladies plus graves qui ont été opérés dans ces centres, souvent des tumeurs plus profondes plus volumineuses, avec de plus hauts grades — et on a une amélioration de la survie qui est de l’ordre de 40 %, ce qui amène une question très importante pour la pratique : au-delà de demander un avis dans une RCP spécialisée « sarcome » pour les patients atteints de sarcome, ne faut-il pas aussi les adresser pour qu’ils y soient opérés ? C’est une question à laquelle les autorités régulatrices en France devront répondre. Mais on a, en tout cas, l’impression sur les résultats de cette étude que cela va conditionner le pronostic et la survie globale pour ces patients.
Les tumeurs stromales gastro-intestinales
La deuxième étude qui a été présentée[2] est un essai de phase 2 qui présente les résultats d’un nouveau médicament destiné aux tumeurs stromales gastro-intestinales (les GIST). On se souvient que pour les GIST on a trois lignes de traitement enregistrées : l’imatinib en première ligne, le sunitinib en deuxième ligne et le régorafénib en troisième ligne. Là, il s’agit d’un inhibiteur un peu différent, qui va agir à un autre endroit des récepteurs KIT et des récepteurs au facteur de croissance dérivé des plaquettes. Cet inhibiteur s’appelle DCC-2618, c’est un nom un petit peu difficile à retenir, mais c’est un médicament qui avait montré dans des essais précliniques des résultats très positifs sur des lignées de GIST avec différentes altérations moléculaires concernant KIT ou PDGFRA. Les résultats de cet essai de phase 2 sont assez encourageants, puisque chez les patients qui avaient reçu en moyenne trois lignes de traitement au préalable, on a un taux de contrôle de la maladie qui est de l’ordre de 50 % à six mois, ce qui est extrêmement encourageant, et ce indépendamment du type de mutation ou du type de traitement reçu au préalable. Donc un médicament qui va être à suivre. Il va faire l’objet d’un essai randomisé de phase 3 en quatrième ligne, donc chez les patients qui auront déjà reçu les trois premières lignes standard de traitement — imatinib, sunitinib et régorafénib. Et cet essai de phase 3, qui sera randomisé contre placebo, va probablement permettre, si les résultats se confirment, à ce médicament d’intégrer l’arsenal thérapeutique contre les GIST.
Toujours dans le domaine des GIST, les données actualisées de l’étude de l’imatinib en situation adjuvante[3] — qui était une étude européenne, du groupe EORTC — ont été présentées cette année avec un recul qui est de quasiment 10 ans. Cette étude comparait, chez les patients qui avaient été opérés pour des GIST à risque haut ou intermédiaire de rechute, le fait de donner 2 ans d’imatinib en situation adjuvante ou de ne pas donner de traitement postopératoire. Le premier résultat de cette étude, est que naturellement le fait de donner de l’imatinib en situation adjuvante va retarder la rechute — on a une différence qui est assez nette entre les patients qui ont reçu l’imatinib et ceux qui ne reçoivent pas de traitement qui naturellement vont rechuter plus tôt. En revanche, ce que l’on ne savait pas avec autant de recul, c’est qu’il n’y a pas différence entre termes de survie globale entre les deux groupes, ce qui encore une fois va poser la question d’identifier de façon peut-être un peu plus précise les patients à qui on va donner de l’imatinib en situation postopératoire – pas seulement sur le risque tel qu’il était évalué à l’époque sur le nombre de mitoses, la localisation, la taille de la tumeur, mais probablement avec plus d’éléments, notamment génétiques, qui n’avaient pas été recueillis dans l’étude à l’époque, parce que c’est une étude qui a été « designée » il y a un peu plus de 15 ans, qui a démarré il y a une dizaine d’années et par conséquent l’analyse des mutations des gènes KIT et PDGFRA n’était pas réalisée en routine à l’époque, alors que c’est le cas aujourd’hui. Donc cette étude nous apprend que l’imatinib en situation adjuvante va retarder la rechute, mais ça ne modifiera pas la survie globale des patients qui le reçoivent, puisque cette rechute est, certes retardée, mais il va falloir reprendre l’imatinib et d’autres lignes de traitement par la suite.
Le dénosumab dans le traitement des tumeurs osseuses à cellules géantes
Enfin, la dernière étude importante[4] dont les résultats actualisés ont été présentés cette année est l’étude de phase 2 qui a permis l’enregistrement du dénosumab (un anticorps anti RANK ligand) pour le traitement des tumeurs osseuses à cellules géantes. On se rappelle que ce sont des tumeurs à malignité essentiellement locale — c’est exceptionnel qu’il y ait une transformation sarcomateuse, que ça donne des métastases —, mais ce sont des tumeurs plutôt mutilantes qui étaient traitées auparavant par des chirurgies souvent assez lourdes et avec des taux de rechute qui était non négligeables. Cette étude a donc évalué le dénosumab chez un peu plus de 500 patients atteints de tumeurs à cellules géantes. Naturellement, les résultats confirment ce qui avait été obtenu dans la première analyse qui avait permis l’obtention d’une AMM pour ce médicament, à savoir que le taux d’activité est majeur — on est à plus de 98 % de réponse sur des paramètres tels que la douleur. Cela nous donne aussi des informations importantes sur ce qui est à surveiller chez les patients qui reçoivent ces traitements avec, en termes de complications, la plus fréquente, un risque d’ostéonécrose de la mandibule, qui est de l’ordre de 5 % des patients traités. Naturellement, tous ces patients n’avaient pas bénéficié de soins dentaires optimaux et d’une surveillance très régulière, donc c’est un signal de vigilance, à savoir que les patients qui ont des infections bucco-dentaires ne sont probablement pas dans une situation propice pour recevoir ce type de traitement. Et puis il va falloir une surveillance régulière de l’examen endobuccal et du panoramique dentaire. Dans les complications moins fréquentes, on note quelques hypercalcémies à l’arrêt du dénosumab — bien souvent, il y a une espèce d’effet rebond avec quelques hypercalcémies, c’est moins de 1 % des patients traités ; et chez moins de 1 % des patients traités également, des fractures atypiques du fémur qui, encore une fois, justifient une surveillance non pas systématique par imagerie, mais de symptômes avant-coureurs pouvant être des symptômes douloureux.
Actualisation de l’étude SARCOGYN : un dogme remis en cause
Enfin, une étude dont les résultats ont été actualisés cette année au congrès de Madrid est l’étude SARCGYN[5] dont on rappelle qu’elle évaluait, chez les patientes qui avaient été opérées de sarcome utérin, une chimiothérapie postopératoire à base de doxorubicine, ifosfamide et cisplatine. Les données actualisées ont permis d’identifier une première population qui ne bénéficie pas de ce genre d’approche, qui sont les carcinosarcomes – et on sait que dans ce type de maladie l’utilisation de la chimiothérapie en postopératoire n’a absolument aucun impact sur les paramètres liés à la survie. Le deuxième item, c’est la mauvaise tolérance, qui a été confirmée par ces analyses ultérieures — on rappelle qu’il y avait eu deux décès toxiques en cours d’études, ce qui pour la pratique de routine et la pratique au quotidien fait remettre en cause le dogme qui était que les patientes qui avaient été opérées, qui avaient eu une radiothérapie, pouvaient recevoir une chimiothérapie à base de doxorubicine, cisplatine et ifosfamide. C’est un dogme qui maintenant est remis en cause, c’est-à-dire que ces chimiothérapies doivent probablement n’être envisagées qu’après avis d’une RCP dédiée sur discussion pluridisciplinaire des cas à risque, ou bien dans un contexte d’essai clinique.
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Citer cet article: L’actualité des sarcomes par le Pr Olivier Mir - Medscape - 4 oct 2017.
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