POINT DE VUE

Comprendre la thérapie CAR- T

Dr Manuel Rodrigues

Auteurs et déclarations

11 septembre 2017

Le blog du Dr Manuel Rodrigues – Oncologue

Des lymphocytes autologues modifiés, dites cellules CAR-T, développées par Novartis, viennent d’obtenir une AMM aux Etats-Unis dans le traitement de la leucémie aigüe lymphoblastique pédiatrique (LAL).

C’est une première. Le Dr Rodrigues revient sur la nature de ces cellules, leur efficacité, leurs effets secondaires, et leur coût.

Les cellules CAR-T sont des lymphocytes T prélevés chez un patient atteint d’un cancer métastatique, cultivées et modifiées ex vivo pour exprimer un récepteur chimérique dirigé contre un antigène tumoral, puis réinjectées au patient.

Il s’agit d’un « nouveau mode de  traitement des cancers très prometteur », souligne le Dr Rodrigues.  Les cellules CAR-T qui viennent d’obtenir une AMM aux Etats-Unis expriment un récepteur ciblant le récepteur tumoral CD 19. Mais d’autres CAR-T, dirigées contre d’autres antigènes tumoraux sont en préparation.

« Les résultats sont extrêmement intéressants », indique le Dr Rodrigues, qui rappelle que dans l’essai pivot, mené chez 88 patients, dont 68 patients ont effectivement pu recevoir des CAR-T, la survie était estimée à 17 mois lors de la publication. Le chiffre est cependant « probablement très sous-estimé », souligne le Dr Rodrigues.

Les 79% de survie à 12 mois sont plus parlants, lorsqu’on les compare aux 38% de survie à 12 mois obtenus dans un essai pédiatrique du blinatumomab, et aux 20% obtenus avec la clofarabine.

Ces résultats concernent « des patients multi-traités,  qui avaient déjà reçus trois lignes de traitement en moyenne, et présentaient donc un très mauvais pronostic.

Il apparait donc que l’on peut guérir ces patients. Preuve en est que le premier patient traité, il y a plus de 5 ans, reste aujourd’hui en rémission complète.

Les cellules CAR-T réadministrées au patient en une seule injection, « restent en effet dans le corps du patient pendant probablement plusieurs années, en dormance ».

Il faut cependant être conscient de deux limites.

Premièrement, les effets secondaires. « C’est un traitement qui n’est pas anodin », souligne le Dr Rodrigues. « Il comporte des risques élevés de toxicité, et celle-ci est importante ». Pour fixer les idées, en contexte de leucémie aigüe lymphoblastique, le comparateur adéquat ne serait pas la chimiothérapie, mais la greffe de moelle osseuse.   

En une à deux semaines, la toxicité se manifeste chez près d’un patient sur deux, en particulier par un syndrome de relargage cytokiniques.

Il s’agit donc d’un traitement potentiellement très lourd.

Le Dr Rodrigues note d’ailleurs que des travaux sont en cours pour intégrer dans les cellules CAR-T modifiées un « interrupteur moléculaire, que l’on peut utiliser pour bloquer la réponse anti-tumorale, et désactiver les CAR-T après leur réinjection au patient.

Deuxièmement, c’est un traitement qui va se négocier à un prix très élevé.

Ici encore, la greffe de moelle sert de comparateur, puisque c’est son coût qui a servi pour construire le prix demandé pour les CAR-T : « aux Etats-Unis, de 300 à 500.000 dollars pour le traitement d’un patient », précise le Dr Rodrigues, en indiquant qu’une greffe de moelle autologue coûte environ 350.000 dollars, et une greffe allogénique, 800.000 dollars.

Qu’il s’agisse de l’efficacité, des indications, des effets secondaires et des coûts, on n’en est cependant qu’aux débuts. « Ce type de traitement vient d’obtenir l’AMM contre le CD 19, mais de multiples CAR-T sont en développement, et outre Novartis, d’autres laboratoires sont sur les rangs ».

Le Dr Rodrigues conclut sur un parallèle avec les traitements curatifs de l’hépatite C. Les CAR-T peuvent « potentiellement guérir des maladies incurables, mais leur prix sera très élevé, soulevant un véritable problème, et un véritable questionnement ».

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