La FDA valide la MDMA (ecstasy) en phase III contre le stress post-traumatique

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

30 août 2017

Santa Cruz (CA), Etats-Unis -- Difficile d’imaginer qu’une drogue ayant illégalement envahie les dancefloors dans les années 1990 soit sur le point de devenir le médicament de choix pour redonner le sourire aux vétérans américains. Pourtant, ironie de l’histoire, la MDMA (3,4-Methylenedioxymethamphétamine) plus connue comme principal composant de l’ecstasy – drogue récréative qui a eu son heure de gloire aux temps des « rave party » – est en bonne place pour accéder à un statut bien plus officiel. La FDA vient en effet de lui accorder le statut de « breakthrough therapy » contre le stress post-traumatisme [1]. Il se trouve que la MDMA – dans un contexte médical encadré – a permis de soulager très efficacement des personnes souffrant de SPT sévère et de longue date, comme les soldats américains. En tant que percée thérapeutique majeure, elle devrait bénéficier de procédures accélérées et facilitées pour intégrer 2 études de phase III, et être autorisé à plus grande échelle par la suite si les résultats sont à la hauteur des attentes.

Enorme avancée en termes d’acceptation 

« Ce n’est pas une grande avancée scientifique, a déclaré David Nutt, un neuro-psycho-pharmacologue londonien (Imperial College London) au magazine Science, car il est évident depuis 40 ans que ces drogues sont des médicaments. Mais c’est une énorme avancée en termes d’acceptation [2]».

Dans son communiqué, l’Association multidisciplinaire pour les études sur les substances psychédéliques (MAPS), qui soutient la recherche dans ce domaine depuis plus de 30 ans, indique que l’Agence américaine  a donné son aval à « un traitement qui présente des avantages significatifs et est bien mieux toléré que tout ce qui existe actuellement pour le SPT».

Ecstasy, la pilule du bonheur

Ce n’est pas pour rien que l’ecstasy a été baptisée « pilule du bonheur »,  et symbolisée par le « smiley » figurant sur les comprimés. Sa capacité à aider les personnes traumatisées tient en grande partie à ses effets « positifs », à savoir un sentiment d’euphorie, et d’empathie facilitant la communication – d’ailleurs recherché par les « ravers » et autres nightclubbers en quête d’harmonie et de communion collective sur le dancefloor. 

68% de « guérison » à un an

Selon la MAPS, la FDA a aussi donné son accord pour la réalisation de 2 études de phase III évaluant la psychothérapie assistée par MDMA chez des patients atteints de SPT sévère. Mais pas question d’ingérer une pilule colorée et souriante à la demande, ici, les 200 à 300 participants souffrant de SPT seront randomisés en bonne et due forme pour recevoir 3 administrations quotidiennes de MDMA ou de placebo, associées à une psychothérapie sur une période de 12 semaines, le tout sous contrôle médical.

Il faut dire que les études de phase 2 se sont révélées très prometteuses, voire miraculeuses puisque sur 107 participants inclus, victimes de longue date de SPT (17,8 ans en moyenne) et résistants aux traitements, 61% ne souffrait plus de SPT après juste trois sessions de psychothérapie sous MDMA, 2 mois après le traitement. A 1 an, ce chiffre atteignait 68%. La substance constitue donc un véritable espoir pour les ex-combattants traumatisés par les horreurs de la guerre.

Pas d’effet secondaire majeur

La MDMA, même pure, n’est pas sans effet secondaire : augmentation transitoire du rythme cardiaque, de la pression artérielle, et de la température corporelle suivant un effet dose, mais cela n’a pas été problématique aux doses proposées dans les études de phase II. Ce qui n’est pas forcément le cas lors de l’usage récréatif avec des produits fortement dosés, coupés, voire même ne contenant même pas de MDMA. Un effet chronique peut aussi entrainer des pertes de mémoire, prévient-on dans un très bon article du Washington Post[3].  

En Europe aussi ?

Si l’Europe n’est pas directement concernée pour le moment – une fois le financement trouvé, les inclusions de phase II se feront aux EU, Canada et Israël –, la MAPS compte bien démarrer des discussions avec les instances de régulation européenne prochainement. En outre, après avoir affronté des obstacles majeurs de la part des Autorités, le Dr Nutt est sur le point de lancer une étude sur l’utilisation de la MDMA dans l’addiction à l’alcool, à en croire Science Magazine[2].

Les drogues psychédéliques : de l’interdiction à la redécouverte

Et pourquoi pas du LSD contre l’anxiété, de la kétamine dans la dépression et des champignons hallucinogènes contre les TOC pendant qu’on y est ? Et oui, pourquoi pas ? Depuis peu, ces substances psychédéliques – composés chimiques modifiant la conscience – sont à nouveau envisagées comme traitement en psychiatrie ou, du moins, comme source potentielle de molécules thérapeutiques. Après un certain engouement au début du 20e siècle, la médecine moderne a finalement abandonné les recherches sur leur potentiel thérapeutique, les autorités ayant rendu leur usage illégal après qu’elles ont été détournées à des fins récréatives.

Mais au final, rien d’étonnant à ce regain d'intérêt, les substances hallucinogènes sont depuis longtemps utilisées pour leurs vertus médicinales. En Chine, dans les pays d'Afrique ou d'Amérique du Sud, chamanes et guérisseurs les prescrivent pour traiter divers troubles psychiatriques.

 

 

 

 

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