Barcelone, Espagne — Trois ans après le retentissant échec de la dénervation rénale dans SYMPLICITY HTN-3 , la procédure revient dans SPYRAL HTN-OFF MED. Les résultats ont été présentés par le Pr Michael Böhm (Université de Sarre, Hambourg, Allemagne) lors du congrès de l’European Society of Cardiology (ESC 17), et publiés dans le Lancet[1].
A la différence de SYMPLITY HTN-3, qui était une phase 3, menée chez des hypertendus résistants, SPYRAL HTN-OFF MED opère un surprenant retour vers la preuve de concept, puisqu’elle est menée chez moins d’une centaine d’hypertendus modérés, ne prenant aucun médicament antihypertenseur. Il s’agit cependant toujours d’une étude contrôlée, versus une procédure factice (sham). Dans ce contexte, la dénervation se montre efficace à 3 mois. Pour fixer les idées, la dénervation équivaudrait alors à la prise d’un médicament antihypertenseur.
Une autre différence capitale avec SYMPLICITY HTN-3 mérite d’être soulignée : dans SPYRAL HTN-OFF MED, la dénervation, jusqu’à présent envisagée comme traitement de dernier recours, chez des patients résistant à toute la pharmacopée, se présente ni plus ni moins que comme un traitement de première ligne.
Efficace et sure à 3 mois
SPYRAL HTN-OFF MED a été menée chez 80 patients présentant des chiffres de :
-PAS ambulatoire (sur 24 h) > 140 et < 170 mmHg,
-une PAS au cabinet > 150 et < 180, et une PAD au cabinet > 90 mmHg.
On note que ce seuil de PAD a permis d’exclure l’HTA systolique isolée, ce qui n’avait pas été fait dans SYMPLICITY HTN-3.
Autre aspect important : l’absence de prise médicamenteuse a été vérifiée à l’entrée dans l’étude dans le sérum et les urines, puis à 3 mois en cas de PAS < 140 mmHg. Les variations de prise de médicaments avait en effet été un aspect très critiqué de SYMPLICITY HTN-3.
La procédure a été effectuée en simple aveugle. Quarante-deux patients ont subi une procédure factice, tandis que 38 patients ont été effectivement dénervés, avec une nouvelle électrode développée par Medtronic, dite Symplicity Spyral™.
Les résultats présentés au congrès de l’ESC sont les suivants.
Variations des PAS et PAD sur 24h et au cabinet 3 mois après la dénervation, par rapport aux valeurs initiales (en mmHg)
PAS 24h |
PAD 24h |
PAS au cabinet |
PAD au cabinet |
|
Dénervation (n=38) |
-5,5 [-9,1 ; -2,0] ; p=0,003 |
-4,8 [-7,0 ; -2,6] ; p<0,001 |
-10 [-15,1 ; -4,9] ; p<0,001 |
-5,3 [-7,8 ; -2,7] ; p<0,001 |
Contrôle (n=42) |
-0,5 [-3,9 ; 2,9] ; p=0,76 |
-0,4 [-2,2 ; 1,4] p=0,65 |
-2,3 [-6,1 ; 1,6] ; p=0,24 |
-0,3 [-2,9 ; 2,2] ; p=0,81 |
Ecart |
-5 [-9,9 ; -0,2] p=0,04 |
-4,4 [-7,2 ; -1,6] p=0,002 |
-7,7 [-14 ; -1,5] ; p=0,02 |
-4,9 [-8,5 ; -1,4] ; p=0,008 |
On note que dans les études non contrôlées SYMPLICITY HTN-1 et HTN-2, la dénervation avait entrainé une baisse de PAS de l’ordre de 25 mmHg, donc très supérieure aux quelques 5 mmHg observés dans SPYRAL HTL-OFF MED. Selon le Pr Böhm, cette différence s’expliquerait par l’HTA modérée que ciblait la nouvelle étude.
S’agissant des effets secondaires, aucun décès, infarctus du myocarde, saignement majeur, insuffisance rénale terminale, élévation de la créatinine sérique > 50%, évènements emboliques, complications vasculaires, hospitalisation en urgence pour HTA, ou AVC n’a été observé, que ce soit chez les patients dénervés ou chez les patients contrôles. Un suivi beaucoup plus long s’impose évidemment.
SYMPLICITY HTN-3 / SPYRAL-OFF MED : le jeu des 7 différences Pour expliquer la différence de résultats entre SYMPLICITY HTN-3 et SPYRAL HTN-OFF MED, le Pr Böhm a listé les différences entre études. En ce qui concerne les patients, il s’agissait dans SYMPLICITY d’hypertendus résistants (PAS au cabinet : 180 +/- 16 mm Hg), éventuellement atteint d’HTA systolique isolée (pas de seuil de PAD). Dans SPYRAL, il s’agissait d’hypertendus modérés (PAS au cabinet : 162 mm Hg +/- 7 mmHg), et les HTA systoliques isolées avaient été exclues (PAD au cabinet : 101 +/- 7 mmHg). En ce qui concerne les traitements antihypertenseurs, les patients de SYMPLICITY prenaient 5,1 médicaments à l’inclusion, et aucun test d’observance n’était prévu dans le protocole. Dans SPYRAL, les traitements antihypertenseurs étaient exclus, avec vérification. Enfin, en ce qui concerne la procédure, la dénervation avait été effectuée dans SYMPLICITY avec une électrode simple, et 11,2 points d’ablation en moyenne avaient été réalisés chez chaque patient, exclusivement dans l’artère rénale principale, et par des opérateurs généralement inexpérimentés. Dans SPYRAL, ce sont 43,8 points d’ablation qui ont été réalisés en moyenne par patient, au niveau de l’artère principale et des branches de l’artère rénale, par des opérateurs expérimentés. |
La preuve de concept semble donc bel et bien faite, et Medtronic pourrait chercher du même coup à repositionner la dénervation comme un traitement sinon de première intention, du moins s’adressant à un profil de patients beaucoup plus répandu que le profil recruté dans le programme SYMPLICITY.
Sur la base de résultats à 3 mois, chez moins de 100 patients, il est néanmoins impossible de tirer une conclusion quant à la place que pourrait occuper la dénervation dans la prise en charge des hypertendus.
Reprendre les choses à zéro
Interviewé par Medscape France, le Pr François Schiele (CHU de Besançon, porte-parole de l’ESC) souligne qu’il était effectivement nécessaire de reprendre les choses à zéro, et qu’il est « dommage qu’une technique ait été jetée en raison d’une seule étude ».
« Il n’y a pas de meilleur moyen de tuer une technique que de prendre des patients très évolués », ajoute-t-il, dans une allusion au recrutement de SYMPLICITY.
Il relève également que « les problèmes d’hémorragies, constatés chez des patients qui ont 18 ou 20 de tension [dans SYMPLICITY] sont beaucoup moins probables chez des patients dont la PAS est à 15 ».
Maintenant « il faut vérifier que les résultats [de SPYRAL] sont durables, en termes d’efficacité comme en termes de sécurité, et notamment vérifier l’absence d’effet sur le rein ».
Enfin, le Pr Schiele reconnait le problème éthique soulevé par la prise d’un risque rénal chez des patients dont la PA aurait parfaitement pu être contrôlée par un traitement pharmacologique. Mais « à un moment, il faut sauter le pas ».
L’étude SPYRAL HTN-OFF MED a été financée par Medtronic. Le Pr Böhm a déclaré des activités de consultant pour Abbott/St Jude, Astra, Medtronic, Servier, et Vifor, et des bourses de recherche de Medtronic, Servier, et de la German Research Foundation. |
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Citer cet article: Vincent Bargoin. Traitement de l’hypertension par dénervation rénale : retour à la case départ - Medscape - 29 août 2017.
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