Paris, France — En exprimant le souhait que les psychiatres collaborent avec les forces de l'Ordre en vue de l'arrestation de patients psychiatriques dangereux, en voie de radicalisation islamique, le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb a suscité la polémique. Le syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) et le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) s’y sont notamment fortement opposés.
Mode opératoire identique
Les pathologies psychiatriques mènent-elles immanquablement vers le djihadisme ? De nouveau, un "déséquilibré" a mené un acte qui s’apparente à du terrorisme. Après le cas de Mamaye D., un patient en hôpital psychiatrique qui a profité d’une permission de sortie le 5 aout dernier pour tenter de poignarder un militaire, c’est à nouveau un « cas psychiatrique » qui a défrayé la chronique le 21 août dernier. Un automobiliste a volontairement foncé sur deux abribus à Marseille tuant une passante et blessant grièvement un piéton. Si son mode opératoire – à savoir l’utilisation d’une voiture bélier pour renverser et tuer des passants – ressemble à s’y méprendre à celui des terroristes qui ont ensanglanté Nice le 14 juillet 2016, Charlottesville le 12 aout dernier et Barcelone le 17 aout, le mobile, selon le parquet, semble différent. À l’issue d’un examen psychiatrique, il s’avère que le coupable était dans un « probable processus psychiatrique ».
«Protocoles» pour des patients atteints «de délire autour de la religion islamique»
Âgé d’une trentaine d’année, l’homme arrêté était hospitalisé en psychiatrie à Allauch, près de Marseille depuis le 17 mai, après avoir été condamné à trois ans de prison pour vol et tentative de vol. Du coup, l’arrestation, une nouvelle fois, d’un patient psychiatrique dangereux, a relancé la problématique, sinueuse, quant à la participation des médecins psychiatres à la « neutralisation » de ces patients.
D’autant que le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb souhaite repérer, avec « sa collègue la ministre de la santé », Agnès Buzyn, l’ensemble de ces profils qui demain peuvent passer à l’acte. Il a en effet déclaré, sur les ondes de BFM le 18 aout, vouloir « mobiliser l’ensemble des hôpitaux psychiatriques, des psychiatres pour parer à cette menace terroriste individuelle ». Gérard Collomb pense mettre en place des "protocoles", pour des patients atteints « de délire autour de la religion islamique, pour avoir un échange avec celles et ceux qui les côtoient ». Et d'ajouter : « Il est clair que le secret médical, c'est quelque chose de sacré mais en même temps, il faut trouver le moyen qu'un certain nombre d'individus, qui effectivement souffrent de troubles graves, ne puissent pas commettre des attentats ». Selon Gérard Collomb, un tiers des personnes inscrites sur le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) relèveraient de la psychiatrie.
Surenchère de communication ou rigueur scientifique
Cette annonce a été saluée par une psychiatre, Nadia Chellali, experte judiciaire près la cour d’appel d’Aix-en-Provence, interrogée par le Huffington post. « Je suis entièrement d'accord [avec cette proposition]. Nous, psychiatres, parfois experts judiciaires, sommes aussi des gardiens de la cité », estime-t-elle. Le syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) a, pour sa part, critiqué les déclarations de notre ministre de l'Intérieur : « le SPH tient aussi à rappeler que la mesure et la raison doivent guider la communication de nos dirigeants et leurs prises de décisions. L'annonce, quelques heures après ces attentats, par le ministre de l'Intérieur que les hôpitaux psychiatriques et les psychiatres allaient participer à des « protocoles » de lutte contre le terrorisme, a en effet de quoi surprendre. Le fait de maintenant affirmer qu’un tiers des personnes inscrites au fichier FSPRT présente des troubles psychologiques, semble plus relever de la surenchère de communication, que de la rigueur scientifique due aux enquêtes épidémiologiques supposées alimenter de telles affirmations ». Et de mettre en garde : « l'assimilation des troubles psychiatriques à la radicalisation et au terrorisme, que les études ne valident pas, est à proscrire ».
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Citer cet article: Les psychiatres doivent-ils collaborer avec la police ? - Medscape - 24 août 2017.
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