POINT DE VUE

Sida en 2017 : résistances, PrEP, nouveaux traitements… résumé de l’actualité de l’IAS 2017

Pr Gilles Pialoux

Auteurs et déclarations

9 août 2017

Le blog du Pr Gilles Pialoux – Infectiologue

Paris, France -De manière exceptionnelle, la conférence mondiale sur le Sida (IAS 2017), s’est déroulé à Paris du  23 au 26 juillet. Cette conférence à la fois politique et scientifique a débuté par une séance d’ouverture alertant sur la poursuite de l’épidémie dans de nombreux pays  alors que les moyens alloués à la maladie continuent de baisser. On a d’ailleurs vu réapparaitre cette année des manifestations des associations de lutte contre le Sida comme on en voyait dans les années 1990-2000.

Tant les deux chairmans, Pr Jean-François Delfraissy et  la présidente de l’IAS, Linda-Gail Bekker (Le Cape, Afrique du Sud), que les responsables d’associations de lutte contre le Sida sont venus faire part de leurs inquiétudes à l’égard de l’épidémie de Sida qui n’est pas encore terminée. Dans beaucoup de pays en Afrique mais aussi en Europe de l’Est,  il existe des taux de prévalence très élevés et des insuffisances d’accès aux traitements et au dépistage.

Autre message porté par Giovanna Rincon, la fondatrice d’Acceptess-T, une association de lutte contre le sida qui s’occupe des transsexuels en France : la peur de voir les stigmatisations augmenter pour certaines populations clés (travailleurs du sexe, adolescents, transsexuels.) et la crainte bien réelle de voir le financement américain mais aussi français diminuer dans leurs parts respectives du fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

Premier bébé africain « contrôleur »

Au plan scientifique, la conférence a démarré par un scoop, d’abord annoncé par Antony Fauci (E-U) puis développé par l’équipe sud-africaine, qui est celui d’un bébé traité très précocement dans le cadre d’un essai thérapeutique pour lequel la thérapeutique antirétrovirale a été arrêtée au bout de 40 semaines. [1]Cet enfant qui a aujourd’hui 9 ans et demi présente tous les critères d’elite controller avec un taux très élevé de CD4, une charge virale et un ARN plasmatique négatifs, un ADN proviral négatif, des tests sérologiques discordants pour les tests Elisa et un Western Blot avec seulement deux bandes et, bien sûr, cet enfant est totalement asymptomatique.

C’est le premier enfant du continent africain à être dans la rareté de ces personnes qui peuvent contrôler leur virus sans traitement antirétroviral. Il y  aura probablement des données importantes issues du décryptage des facteurs génétiques de ce nouveau cas d’elite controller.

Sujets « contrôleurs » du VIH

Les « contrôleurs du VIH » sont des patients mais qui ne développent pas le Sida et dont l'organisme parvient spontanément et durablement à contrôler la réplication virale (< 50 copies d’ARN viral / mL)

Ils constituent une sous-population des patients particulièrement résistants dits « asymptomatiques à long terme » (ALT) ou « non progresseurs à long terme » (NPLT) et sont beaucoup moins nombreux.

On est très prudent avec l’annonce de ce cas dans la mesure où il existe un bébé « Visconti » (cohorte de l’étude Visconti) en France qui a grandi depuis certes[2] et aussi le cas du « bébé du Mississipi » [3]qui avait été présenté aussi comme un bébé contrôlant son virus après le traitement pendant le travail et pendant l’accouchement et qui a malheureusement réactivé son virus deux ans après.

PrEP

Au plan thérapeutique, c’est une conférence très tournée vers la prophylaxie préexposition (PrEP), 83 abstracts lui sont consacrés dont beaucoup de communications françaises. Notamment la suite de l’essai ANRS Ipergay publié simultanément dans le Lancet HIV (23 juillet) qui montre un niveau de protection de 97% en phase ouverte de l’étude avec une barre supérieure de l’intervalle de confiance à 100%. [4]

Ces résultats sont obtenus avec le schéma franco-français de prise de Truvada encadrant l’activité sexuelle qui est de :

2 comprimés deux heures ou 24 h avant puis 1 comprimé 24 h après ou encore 1 comprimé 24 h après.

Ce schéma dit « à la demande » n’a pas encore d’AMM mais il a été très largement validé.

Sexe sous drogue ou Shem sex

Dans une autre communication orale de Perrine Roux de l’équipe Ipergay [5], on a montré que les pratiques de consommation de drogue associées à la sexualité (shem sex) étaient très importantes : 29% déclaraient consommer des produits avec leur activité sexuelle, il s’agit de multiples produits dont une forte proportion de nouvelles drogues de synthèse. L’observation notoire est que la prise de drogue n’a pas altéré l’observance de la PrEP, c’est même le contraire. La perception du risque VIH est plus importante dans cette population. Dans les consultations de prophylaxie il faudra considérer ce taux très important de consommation de drogues et l’addiction.

Déficit du dépistage

Autre nouvelle importante, on note le constat du déficit de dépistage. L’ONUSIDA a déclaré pour objectif de 2020 et 2030 d’avoir 90% de la population mondiale dépistée, 90 % de cette population dépistée traitée et 90% des personnes traitées avec un contrôle virologique.

Seulement 7 pays ont atteint ce niveau-là et on voit que la France n’arrive pas à la première étape du 90% de dépistage. Ce déficit quantitatif du dépistage a été l’objet de plusieurs sessions sur les autotests qui sont présentés, essentiellement  dans les pays du Sud, comme des tests avec une forte acceptabilité et un moyen de toucher des populations qui ne le feraient pas avec une autre technique.

Augmentation des résistances des souches

Toujours dans le schéma du 90-90-90, on a la problématique soulevée par un rapport de l’OMS paru la veille de l’ouverture de la conférence de l’IAS sur le niveau de résistance du virus VIH dans le monde  avec des données très inquiétantes y compris dans les pays du sud où on augmente de près de 10% le taux de souches qui peuvent être transmises. Cette majoration des résistances résulte d’un déficit politique de mise en place des traitements antirétroviraux car la plupart des pays du sud ne sont pas équipés de laboratoires de virologie permettant de tester ces virus.

Allègement des traitements d’entretien

Autre nouvelle importante : l’arrivée de nouveaux antirétroviraux et de nouvelles combinaisons avec deux challenges :

  • soit celui de poursuivre les multithérapies antirétrovirales en développant des molécules moins toxiques et plus efficaces. On pense à l’association bictegravir, inhibiteur d’intégrase, associé au tenofovir dans sa version TAF (meilleure tolérance rénale et osseuse) et au FTC, qui est non inférieure à d’autres trithérapies. [6]

  • soit le développement de traitement « dual », c’est-à-dire plus allégés

  • soit dans le temps 4 jours sur 7. L’étude  4D a été représentée avec des données complémentaires sur les réservoirs,

  • soit en allégeant le nombre de molécules avec un retour aux bithérapies grâce à l’association dolutégravir /3TC qui a été l’objet de plusieurs communications orales. [7]

Ces voies quasi contradictoires ont le triple objectif d’alléger les traitements sur le plan de la tolérance de l’observance et économique.

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